Régulateur de croissance : bien évaluer le risque de verse avant de les utiliser
Même si certains raccourcisseurs sont peu coûteux, leur utilisation peut faire plus de mal que de bien si les conditions d’applications ne sont pas respectées. Mais le risque de verse diminue en céréales, grâce au progrès génétique et au climat.
Même si certains raccourcisseurs sont peu coûteux, leur utilisation peut faire plus de mal que de bien si les conditions d’applications ne sont pas respectées. Mais le risque de verse diminue en céréales, grâce au progrès génétique et au climat.
Avec les printemps secs de ces dernières années, le recours aux régulateurs de croissance sur céréales s’est souvent révélé inutile. En 2020, leur niveau d’utilisation a atteint un plancher : un tiers des blés et 38 % des orges ont été régulés selon des données de firmes. Mais pour peu que les conditions climatiques soient plus favorables à la verse à la sortie de l’hiver, l’usage des régulateurs peut redevenir d’actualité. En 2016 et 2018, plus de la moitié des blés tendres et orges d’hiver ont été traités ainsi.
De multiples paramètres agissent sur le risque de verse. Davantage que le climat, le facteur principal semble être la sensibilité variétale. « D’importants progrès ont été réalisés en la matière sur blé, informe Charlotte Lafon, ingénieure régionale Pays de la Loire chez Arvalis. Depuis 2005, les variétés sensibles à la verse (note de résistance inférieure à 5) sont passées de 20 à 5 % des blés tendres. En même temps, de plus en plus de variétés présentent une note de tolérance supérieure à 6,5 ; ceci les classe comme résistantes. » Actuellement, près de la moitié des blés tendres présentent ce caractère.
L’espèce orge se montre plus sensible à la verse que le blé. Pour cette céréale, l’évolution variétale vers une moindre sensibilité est la même que pour le blé mais elle se fait plus lentement. Les orges d’hiver résistantes à la verse sont encore rares.
Un premier apport d’azote à risque pour la verse
Cette progression de la résistance variétale explique en partie la baisse d’utilisation des régulateurs depuis plusieurs années. La densité de semis est une autre explication. « Elle a nettement baissé entre 1990 et les années 2005-2010 avant de se stabiliser », note Charlotte Lafon. Une forte densité de pieds et de talles en sortie d’hiver accroît la sensibilité à la verse.
La disponibilité en azote du sol peut également être à l’origine d’une biomasse élevée. La fertilisation azotée influe sur la sensibilité à la verse. « Il y a un effet dose. On observe une multiplication par 10 du risque verse entre des apports X-40 et X + 40 unités dans certains essais », rapporte la spécialiste d’Arvalis. Pour une même quantité d’azote, un fractionnement des apports réduira le risque. « Le premier apport qui s’effectue courant tallage est le plus critique. Il doit être modéré tout en privilégiant un fractionnement à trois apports », ajoute Delphine Bouttet, ingénieure régionale Île-de-France chez Arvalis.
Le climat fin mars-début avril influence fortement le risque de verse. En résumé, si les conditions sont chaudes, sèches et avec de forts rayonnements, le risque est réduit. Inversement, un début de printemps pluvieux avec peu de soleil favorisera la verse.
Vigilance sur la température lors de l’application des régulateurs
Le type de sol joue également sur la verse. Un sol profond à drainage limité aura tendance à la favoriser. Arvalis met à disposition des grilles de risques adaptées à chaque région prenant en compte tous ces facteurs pour établir une note de risque de verse à la parcelle. En cas de risque avéré, plusieurs régulateurs de croissance sont utilisables, produits à partir de cinq substances actives : chlorméquat chlorure (C3/C5), mépiquat chlorure, éthéphon, prohexadione calcium et trinexapac éthyl. Tous doivent être utilisés avec précaution. « Il y a des mini et maxi de température à respecter au moment de l’application et pendant les trois jours qui suivent, mentionne Delphine Bouttet. Il ne faut pas de température froide, pas d’amplitude thermique trop importante et, de plus, pas de plantes stressées. »
Une application sur une céréale stressée (à cause du climat, d’un fort parasitisme…) peut se traduire par une perte de rendement. D’ailleurs, des observations montrent parfois l’absence d’effets des régulateurs, voire un impact négatif qui s’explique le plus souvent par de mauvaises conditions d’application. À titre d’exemple, un produit comme Moddus ne devra pas être utilisé sous une température inférieure à 2 °C et la température maxi ne devra pas dépasser 18 °C dans les trois jours qui suivent. Des spécialités à base de chlormequat chlorure (C3, C5) peuvent être utilisées à partir de -1 °C. Ces dernières sont préconisées à des stades plus précoces que les autres régulateurs, dès la fin-tallage.
Stade de déclenchement à épi 1 cm pour les C3, C5
Dans le département de l’Aisne où les raccourcisseurs sont très utilisés, Nicolas Jullier, de la chambre d’agriculture, préconise le plus souvent « un régulateur au minimum sur blé et deux sur orge, en cours de végétation et contre la casse de l’épi avec l’éthéphon. Avec un coût faible de 3 à 5 euros/ha, les régulateurs de type C3, C5 sont les plus utilisés sur blé. Pour ces produits, le stade de déclenchement est à épi 1 cm, explique le conseiller. Une seconde application de régulateur à 1-2 nœuds n’est pas toujours nécessaire. Ces deux dernières années, il n’était pas utile d’appliquer un régulateur. Mais quelques variétés très utilisées se montrent globalement sensibles à la verse comme Chevignon, Campesino ou RGT Libravo. Sur d’autres (Bergamo, Costello…), on peut quasiment s’en passer. »
Le chlorméquat chlorure n’est pas en odeur de sainteté
« De plus en plus de cahiers des charges imposent de ne pas utiliser les régulateurs à base de chlorméquat et de mépiquat chlorure comme les C3, C5 », note Delphine Bouttet, Arvalis. Pourtant, les produits ne devraient pas être remis en cause réglementairement au moment de leur examen européen pour le renouvellement de leur autorisation prévu en 2021, selon la spécialiste d’Arvalis. « Mais ils sont classés H301, c’est-à-dire toxiques par ingestion. Cela en interdit leur utilisation en mélange avec d’autres spécialités. » Par ailleurs, des échos provenant de filières de qualité font état de présence de résidus de ces produits dans les grains. C’est rédhibitoire dans un objectif de zéro résidu phyto.