Recrutement d’un salarié : l’origine agricole et l’expérience ne sont pas une obligation !
À Guillonville, en Eure-et-Loir, Romain Hardy a embauché David Claisse, salarié non issu du milieu agricole. Il témoigne de l’intérêt de s’ouvrir à ce type de profils.
À Guillonville, en Eure-et-Loir, Romain Hardy a embauché David Claisse, salarié non issu du milieu agricole. Il témoigne de l’intérêt de s’ouvrir à ce type de profils.
On les surnomme les Nima, pour non issus du milieu agricole, comme s’il semblait important de le spécifier lorsqu’il s’agit d’emploi agricole. Car les clichés ont la dent dure dans ce domaine. Lorsqu’ils doivent recruter un salarié, certains agriculteurs peuvent parfois se focaliser sur les profils de candidats originaires du milieu agricole, comme si leurs « racines » pouvaient être un préalable pour correspondre aux compétences recherchées.
Pourtant, les exemples d’embauches réussies de salariés Nima ont de quoi démonter les a priori. Romain Hardy, producteur de grandes cultures en Eure-et-Loir, a embauché David Claisse il y a presqu’un an. « Je suis passé par un groupement d’employeurs pour le recrutement. J’avais besoin d’un salarié agricole pour faire face à la charge de travail sur mon exploitation », relate l’agriculteur.
Lui qui n’avait pas l’expérience de l’entretien d’embauche, que ce soit en tant qu’employeur ou en tant que salarié, s’est donc retrouvé quelques mois auparavant dans cette posture de recruteur, épaulé par un groupement d’employeurs. Ce dernier poste en effet régulièrement des annonces sur Indeed pour proposer des offres d’emploi d’ouvrier agricole, pour lesquels il conseille de proposer des salaires nets mensuels de 1 600 à 1 800 euros.
De son côté, David Claisse a soumis sa candidature, rassuré par le fait qu’une expérience en agriculture n’était pas exigée. Âgé de 24 ans, le jeune homme n’a en effet jamais été salarié en exploitation agricole : « à la base, j’ai un bac pro en menuiserie mais je n’ai pas exercé dans ce domaine, je me suis tourné vers un emploi en usine après mon diplôme », témoigne-t-il.
Découverte de l’agriculture pendant la crise sanitaire
C’est la crise sanitaire qu’il lui a donné l’opportunité de découvrir le secteur agricole : « pendant le confinement, l’usine était à l’arrêt. J’ai donc pu aider mon beau-père, lui-même agriculteur, pour conduire le tracteur ». Pour ce jeune passionné de pêche, un emploi au contact de la nature s’est donc présenté comme une réelle opportunité de s’épanouir.
Lors de l’entretien d’embauche, que Romain avait tenté de préparer en se documentant sur internet, il s’agissait surtout d’estimer la compatibilité entre employeur et futur salarié. « Pour moi le CV et la lettre de motivation n’étaient pas des critères, affirme l’agriculteur. Je souhaitais surtout évaluer le feeling et l’intérêt pour le métier car l’envie de travailler dans une ferme est primordiale. »
Quant à David, motivé par le fait de quitter l’usine et par la volonté de découvrir de manière plus approfondie le travail agricole, la préparation de l’entretien d’embauche s’est matérialisée par le visionnage de vidéos de matériels agricoles sur Youtube. Lors de leurs premiers échanges, Romain détecte les atouts que présente David. « Je suis plutôt bricoleur », confirme le jeune salarié.
Des compétences particulièrement précieuses pour travailler dans une ferme. « Cet hiver, nous avons entamé la rénovation d’une petite maison située à proximité du hangar à matériel. Plus tard, elle servira de bureau et de salle de repos avec des toilettes, une salle de bains et une cuisine », explique Romain.
De quoi remplacer la caravane installée pour apporter une solution temporaire pour accueillir David et lui permettre de déguster sa « gamelle » qu’il amène chaque jour. Pour le jeune salarié, cette possibilité était indispensable car il habite à 45 minutes de route du siège de l’exploitation. Il apprécie donc de pouvoir prendre une vraie pause déjeuner avant de repartir dans les champs.
Une caravane provisoirement installée pour la pause déjeuner
David est de plus en plus autonome dans son quotidien. Il a été intégré progressivement par son employeur. Pour cela, la même méthode a été appliquée pour chaque nouvelle mission : montrer, faire avec, et faire faire. « À chaque fois, je montre à David comment il faut faire, puis je suis présent à ses côtés pour le guider, et ensuite s’il est à l’aise, il peut agir seul », détaille Romain. En ce qui concerne l’usage des outils numériques, l’agriculteur est particulièrement satisfait que son salarié démontre une certaine aisance, par exemple sur l’utilisation du guidage.
Si David s’intéresse à la partie agronomique, Romain prévoit tout de même de lui proposer des formations pour améliorer ses connaissances. « Dernièrement, il a passé le Certiphyto et son brevet de secouriste. Mais à l’avenir, j’envisage de lui soumettre d’autres idées de formation. » D’autant plus que la formation continue peut facilement trouver sa place en dehors des périodes de pointe, notamment l’hiver. L’organisation du travail est donc corrélée aux saisons. Les horaires de travail ont été déterminés en concertation et fonctionnent sur la souplesse : « l’hiver nous sommes sur du 8 h-16 h 30, parce qu’il fait nuit plus tôt », précise Romain.
David peut en revanche être amené à travailler le week-end, notamment pendant la moisson. Des heures supplémentaires permettent aussi de faire face aux pics d’activité. Car sur l’exploitation agricole de Romain Hardy, l’irrigation des cultures rythme considérablement le travail. « Sur les 326 hectares que j’exploite, 316 sont irrigués. Je cultive des céréales, du colza, des betteraves mais aussi des petits pois, des haricots verts et de l’œillette », indique l’agriculteur.
Avant d’embaucher, il fallait donc jongler entre les enrouleurs, les démarches administratives liées à l’activité, mais aussi la vie de famille. Si son père participait toujours activement à la vie de la ferme, Romain souhaitait lui permettre de choisir de venir ou non « filer un coup de main » sur l’exploitation, sans culpabiliser. « Il faut parfois aider nos parents à s’arrêter », considère l’agriculteur en ce qui concerne la retraite des non-salariés agricoles. Recruter un salarié représente également pour lui une certaine sérénité, qui incite à prendre davantage de temps pour la vie familiale et une sécurité en cas de maladie.
Les solutions pour former son salarié
Comment intégrer un salarié agricole sans expérience sur son exploitation ? Plusieurs possibilités s’offrent aux employeurs. La première option est de passer par la formation courte en centre de formation. Des cycles d’apprentissage ciblés y sont proposés : conduite, mécanique, soudure…
La formation en interne est l’une des autres solutions car former un salarié prend du temps et peut freiner certains employeurs. Une compensation peut être versée via le dispositif Défi emploi d’Ocapiat (ex-Fafsea). Destiné aux entreprises de moins de 11 salariés, pour une embauche d’un salarié en CDI ou en CDD d’au moins six mois, Défi emploi permet de bénéficier d’un soutien financier pour former en interne une nouvelle recrue.
Sur un forfait global de 3 900 € HT par salarié, 600 € sont versés à un prestataire référencé par Ocapiat. 3 300 € sont consacrés à la formation en interne par l’employeur. Ce dernier participe à hauteur de 1 485 € sous forme d’une contribution volontaire de l’entreprise.