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Comment réussir son départ en retraite quand on est agriculteur ?

Dans combien de temps partirez-vous à la retraite ? Quels seront vos revenus ? Que devient votre exploitation ? Des questions à anticiper largement et qui concernent plus d’un tiers des agriculteurs.

 © C. Baudart
© C. Baudart

Comment sont calculées les retraites ?

La retraite d’un exploitant agricole est calculée sur la base des revenus professionnels qu’il a perçus tout au long de sa carrière. Sa pension est composée d’une partie forfaitaire et d’une partie proportionnelle au revenu. « Pour les chefs d’exploitation agricole, le calcul tient compte de l’ensemble de la carrière alors que la plupart des autres régimes ne retiennent que certaines années », relève Cyril Dannoux, conseiller en gestion de patrimoine au Cerfrance BFC. Le montant constaté des retraites agricoles est de 800 à 1 300 euros.

Comment faire valoir ses droits à la retraite ?

Pour bénéficier d’une retraite à taux plein et percevoir sa pension, le futur retraité doit avoir acquis un nombre de trimestres donné, défini en fonction de son âge. « Par exemple, une personne née en 1962 doit avoir 168 trimestres, précise Cyril Dannoux, qui relève une spécificité du régime agricole : chacun acquiert quatre trimestres par an quel que soit le niveau de revenu, ce qui n’est pas le cas dans les autres régimes. »

Combien de temps avant la retraite faut-il se préparer ?

Le mot d’ordre, c’est l’anticipation. Le départ en retraite comprend des formalités qui peuvent être lourdes et contraignantes. « Le manque de temps est souvent un facteur de stress », rappelle Alexis Parent, qui recommande d’anticiper les démarches trois à cinq ans auparavant. « Dès la cinquantaine, on peut commencer à engager une réflexion, qui aura forcément une incidence sur la stratégie de l’entreprise et la gestion des investissements. »

De quels interlocuteurs m’entourer ?

Le point de départ est de solliciter un rendez-vous auprès d’un conseiller retraite de la MSA ou d’aller sur le site internet de la MSA. Il faut ensuite se rapprocher de son conseiller d’entreprise, qui aura une vision complète du sujet. Plus tard, qu’il s’agisse d’une cession à un tiers ou d’une reprise familiale, il faudra s’entourer de spécialistes : un notaire, un juriste, un conseiller en gestion de patrimoine, un expert foncier agricole. Attention toutefois à ne pas multiplier les interlocuteurs par spécialité.

Comment améliorer sa future retraite ?

Avant tout, il faut évaluer ses ressources et ses besoins futurs. « Souvent, on s’imagine que l’on dépensera moins une fois à la retraite, mais cela est rarement vrai. On est même souvent loin du compte, indique Cyril Dannoux. De plus en plus souvent, la deuxième phase de la retraite nécessite un financement de la dépendance qui coûte très cher. »

La constitution d’un patrimoine permet d’atteindre l’objectif de niveau de vie souhaité à la retraite. « Des produits comme le Plan épargne retraite (PER) individuel permet de se constituer un complément de retraite dans des conditions très favorables. Les sommes placées diminuent l’assiette des cotisations sociales et réduisent le résultat imposable », indique Stéphanie Chevassus, chef de produit sur l’offre retraite chez Groupama, qui précise que cette déductibilité sociale est accessible uniquement aux agriculteurs. Depuis 2019, le dispositif a évolué.

« Il n’y a plus d’obligation de versement annuel. Les souscripteurs versent quand ils veulent les montants qu’ils veulent. C’est un outil idéal lorsqu’on a des bénéfices variables, précise Anne-Lise Charie Marsaines, responsable de la gestion de patrimoine chez Groupama. À la retraite, cette épargne sera disponible en capital, au travers d’une rente ou d’une combinaison capital-rente. »

Et l’immobilier locatif ?

C’est le placement qui va offrir le meilleur rendement dans un contexte de taux bas. « L’investissement immobilier est le seul placement pour lequel on va pouvoir emprunter, souligne Cyril Dannoux. Emprunter à 35-40 ans, sur 20 ans, permet des mensualités réduites et des assurances (ADI) faibles, qui vont être couvertes par les loyers. » Pour s’affranchir des contraintes de gestion, on peut investir dans des SCPI.

Autre bon placement : les terres agricoles. « Si des propriétaires veulent vendre, c’est une chance, lance Cyril Dannoux. Le statut du fermage donne la priorité au preneur en place. Cet investissement permet de se constituer un capital retraite et de consolider le foncier, qui reste le socle de l’exploitation. »

Comment organiser la suite ?

La fin de carrière aboutit généralement à la cession à un tiers ou à une transmission familiale. Et dix ans avant, beaucoup de choses peuvent encore changer. « Il faut donc se mettre dans la bonne configuration juridique et sociétaire pour réussir une transmission familiale ou non, sans se fermer de porte », conseille Cyril Dannoux. Pour commencer, le spécialiste recommande de réaliser un audit du foncier exploité. « Il s’agit de regarder ce qui est loué, à qui, avec quel bail et d’identifier les biens en propriété personnelle ou familiale. Ici aussi, l’anticipation va permettre de sécuriser le foncier en réalisant de nouveaux baux ou en apportant les baux à la société. »

Ensuite, il faut se pencher sur la forme sociétaire de l’exploitation. La constitution d’une holding bien avant la cession peut être judicieuse. « La holding est une société qui détient des participations dans une autre société et elle peut être un excellent moyen pour se constituer un patrimoine en vue de la retraite dans des conditions fiscales favorables. » Ensuite, la cession de parts de holdings bénéficie d’atouts, notamment au regard de la fiscalité sur les plus-values. Enfin, la holding peut permettre de transmettre l’exploitation à un enfant sans léser le reste de la fratrie en étant une contrepartie. « C’est un outil très polyvalent et extrêmement utile », résume Cyril Dannoux.

Quelle valeur attribuer à l’exploitation ?

La cession de l’exploitation va compléter utilement la retraite et l’épargne. « Une évaluation précise de la valeur du matériel, des installations et des bâtiments est indispensable et pour cela, il faut solliciter un expert foncier agricole », insiste Cyril Dannoux. L’intervention de cet expert a un coût mais son étude, fiable, étayée et impartiale, évitera les désaccords, y compris dans le cadre familial.

Est-ce une erreur de continuer à entretenir son exploitation à la veille de la retraite ?

Non, il faut continuer à renouveler son parc et à entretenir son matériel. « Une exploitation en ordre de marche conserve son potentiel de cession, recommande Cyril Dannoux. Continuer à bien gérer son exploitation, à entretenir les bâtiments, à nourrir le sol, à faire des analyses de terre régulièrement sont des actions qui permettront de bien valoriser l’exploitation. »

En cas de cession à un tiers, puis-je compter un pas-de-porte ?

Attention, le versement d’un pas-de-porte est illégal et donne désormais lieu à d’importants litiges. « En cas de transmission hors du cadre familial, il faut se pencher sur le bail cessible, qui possède plusieurs avantages, propose Cyril Dannoux. Le bail cessible permet la majoration du fermage et le versement d’un droit d’entrée, sans remise en cause possible. Il est légal, encadré et permet de valoriser l’outil de travail en toute légalité. » Vu les risques de demandes de restitutions de sommes indûment versées, il est temps que les professionnels s’emparent d’un outil qui sécurise durablement une transmission d’exploitation.

Ma nouvelle vie en quelques clics

Comment évaluer mes besoins financiers à la retraite ? Pour le savoir, on peut recommander parmi les très nombreux outils existants le site web manouvellevie.groupama.fr, développé par l’assureur historique du monde agricole. Ce site simple, clair et ludique, fourmille d’informations utiles et pose une série de questions avant d’estimer rapidement et gratuitement vos besoins financiers et d’évaluer votre épargne. Les sociétaires peuvent même évaluer précisément et gratuitement leur future pension, sans attendre de recevoir le relevé de la MSA. Bien sûr, un conseiller Groupama pourra vous recontacter sur simple demande mais le site est ouvert à tous.

Jean-Luc Farcy, 360 hectares en bio à Bussy-le-Grand en Côte-d’Or

"Je recherche un repreneur en vue d’une transmission progressive"

"J’ai 55 ans et, depuis deux ans, je prépare ma retraite. Je me suis rapproché pour cela de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or. Pour atteindre l’âge légal de départ à la retraite, il me reste neuf ans à travailler. En attendant, je cotise beaucoup mais la retraite agricole de base reste faible et je dois absolument la compléter. Pour cette raison, j’ai souscrit un PER collectif. C’est très incitatif : si je place 1 000 euros, l’entreprise abonde d’autant et cela réduit mon résultat tout en épargnant. Je cherche déjà à transmettre mon exploitation car je sais que mes enfants ne reprendront pas le flambeau et j’aimerais que celle-ci perdure. C’est une ferme de 360 hectares en terres superficielles, totalement en bio depuis trois ans. Le passage en bio me permet de bien vendre mes productions et ça compense des rendements très affectés par les sécheresses à répétition. Cette année, mes rendements en blé étaient de seulement 14 quintaux par hectare mais je l’ai vendu 545 euros la tonne. Je continue à investir pour préserver la valeur de mon exploitation. Mon objectif reste de générer de la valeur ajoutée pour maintenir de l’activité dans notre village. J’exploite sous forme sociétaire, en SCEA, et l’idéal serait d’accueillir un associé hors cadre familial, qui diversifie l’activité et génère du revenu. Je me suis inscrit sur le site repertoireinstallation.com pour la recherche d’un repreneur en vue d’une transmission progressive."

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