Photovoltaïque en agriculture : de nouveaux atouts pour les gros projets
Le dernier arrêté tarifaire dope les grands projets et l’autoconsommation, relançant l’intérêt des toitures photovoltaïques sur les hangars agricoles. Conseils et explications pour y voir clair.
Le dernier arrêté tarifaire dope les grands projets et l’autoconsommation, relançant l’intérêt des toitures photovoltaïques sur les hangars agricoles. Conseils et explications pour y voir clair.
Les nouveaux tarifs de rachat de l’électricité dopent les projets agricoles. Et en particulier les plus gros d’entre eux. Auparavant, pour bénéficier d’un tarif de rachat réglementé, les projets de toiture sur bâtiments étaient limités à 100 kWc de puissance installée, et les plus grands (>100 kWc) étaient soumis à un appel d’offres, peu adapté au monde agricole. Depuis la parution du nouvel arrêté du 6 octobre 2021, les projets peuvent changer de dimension : une tranche de puissance de 100 à 500 kWc a été créée, qui ne nécessite pas d’appel d’offres, correspondant à des installations sur toiture de 2 500 m2.
Autre nouveauté : les tarifs sont plus élevés pour cette nouvelle tranche que pour les tranches inférieures. « Hier, plus la puissance installée était importante, moins le tarif de rachat était élevé. Désormais, le tarif de rachat de la tranche 100-500 kWc est supérieur à celui de la gamme de 36 à 100 kWc », explique Mathieu Poirier, conseiller bâtiment et énergie à la chambre d’agriculture de Normandie.
Cette nouvelle grille tarifaire vise à accroître la part des énergies renouvelables en France. L’électricité produite par un projet de 100 kWc est rachetée au prix garanti de 9,47 centimes d’euros/kWh sur vingt ans, quand celle d’une tranche 100-500 kWc est rachetée 9,80 centimes d'euros/kWh pour le premier trimestre 2022. Lors des deux prochains semestres, ce tarif sera abaissé de 1,25 %. « Sur vingt ans, l’écart de prix n’est pas anecdotique et cela joue sur la rentabilité du projet. Si on a un projet en tête, mieux vaut ne pas tarder à l’étudier », note Basile Joubert, conseiller de gestion spécialisé au Cerfrance Centre Val de Loire.
Pas question toutefois de se lancer sans réfléchir, vu les montants en jeu : compter 85 000 euros pour un projet de 100 kWc. Plusieurs composantes doivent être prises en compte, à commencer par l’utilisation de l’électricité produite : sera-t-elle intégralement vendue, autoconsommée dans sa totalité ou autoconsommée partiellement et le surplus vendu ? L’autoconsommation avec vente de surplus semble la solution la plus attractive actuellement.
« La nouvelle réglementation définit un prix de 9,80 centimes d'euros/kWh pour la vente de surplus, soit le même prix que celui de la revente intégrale, alors que le tarif précédent était de 6 centimes d'euros/kWh », commente Cecilia Inostroza, directrice commerciale chez Terre Solaire. Une belle opportunité pour produire de l’électricité, l’autoconsommer, réduire ses charges et générer de nouveaux revenus.
Cette disposition ouvre la voie de l’autoconsommation à des exploitations qui n’ont pas une grosse consommation électrique. Un groupe froid, une pompe de relevage, des installations de ventilation peuvent justifier ce type de projet, en particulier en cette période de forte hausse du prix de l’énergie et de taux d’intérêt (encore) faibles. « Il faut anticiper l’évolution de la consommation de votre structure. Les besoins augmentent rapidement car la robotisation des exploitations se développe, signale Mathieu Poirier. Si on envisage par exemple d’investir dans un véhicule électrique, l’idée est encore plus pertinente. »
Un retour sur investissement de 7 à 12 ans
Pour bénéficier du tarif de 9,80 centimes d'euros/kWh, la réglementation impose d’utiliser des panneaux à faible bilan carbone, dont le prix est 8 à 10 % plus cher que les autres panneaux du marché. Néanmoins, la rentabilité des projets reste souvent au rendez-vous. Pour la mesurer, il suffit de comparer le devis de l’installation avec le volume de kWh produit et le coût d’achat de l’électricité. « Le temps de retour brut d’un investissement photovoltaïque sur toiture varie de 8 à 12 ans selon la taille des projets et la distance au réseau électrique », indique Cécilia Inostroza. À l’issue de la durée d’amortissement, les panneaux seront encore fonctionnels et généreront un revenu complémentaire jusqu’à l’issue du contrat. « Le retour sur investissement peut paraître long selon les projets mais cela reste une opportunité pour cofinancer son outil de travail », comment Basile Joubert.
Reste plusieurs points techniques déterminants pour la rentabilité du projet, à commencer par la distance qui sépare l’installation du transformateur. « Le raccordement reste un frein important », confirme Mathieu Poirier. L’enjeu est de taille : pour un même projet, le coût de raccordement peut varier de 5 000 à 50 000 euros. Pour les grands projets, les choses se compliquent. « Au-delà de 250 kWc, le raccordement doit être effectué directement sur le réseau haute tension, ce qui implique d’être à proximité d’une ligne existante et limite les possibilités. »
Pour les projets sur bâtiments existants, plusieurs préalables doivent également être réunis, comme l’exposition des bâtiments et leur localisation. L’idéal est bien sûr d’avoir un pan de toiture exposé plein sud. La localisation joue moins qu’on ne l’imagine. « Entre Rouen et Aix, la différence d’ensoleillement peut atteindre jusqu'à 70 % mais la différence de la production électrique n’est pas corrélée car la production d’énergie d’un panneau photovoltaïque diminue lorsqu’il fait chaud », précise Cecilia Inostroza. Attention, l’écart de production peut tout de même avoisiner les 30 à 40 %.
L'enjeu du poids de la charpente
Autre impératif : la capacité de la charpente à supporter le poids des panneaux photovoltaïques. Si la charpente est trop légère, sa modification sera nécessaire. « Une toiture en fibrociment pèse 18 kg/m2, note Cecilia Inostroza. Si la couverture en fibrociment est déposée et remplacée par des tôles en bac acier et panneaux photovoltaïques, nous retrouverons un poids total de l'ordre de 21 kg/m2, soit un poids proche de la couverture initiale. »
Pour vérifier ces points, la venue d’un spécialiste sur place n’est pas forcément nécessaire. Dans un premier temps du moins. Les conseillers et les installateurs disposent d’outils pour évaluer à distance le bien-fondé d’un projet. « Nous avons accès aux cartes du réseau électrique et à des images satellites qui nous permettent d’indiquer rapidement à nos clients potentiels s’il faut poursuivre l’étude », indique Cecilia Inostroza. Un petit simulateur en ligne gratuit — Wattnext — permet en quelques clics de mesurer soi-même l’intérêt d’un projet.
En revanche, contacter son assureur bien en amont du projet, dès le dépôt de permis de construire, peut éviter les déconvenues. « Certaines compagnies imposent des prescriptions particulières comme des accès spécifiques pour les services de secours. Vu les surcoûts et les retards que cela peut engendrer, mieux vaut en avoir connaissance avant », conseille Mathieu Poirier.
Autre préalable : se pencher sur la structuration juridique, fiscale et patrimoniale du projet. Pour limiter d’éventuelles plus-values, et/ou préparer une succession, il peut être utile de créer une entité distincte de l’exploitation, selon les objectifs et le contexte du projet. « La réponse à apporter est parfois très simple mais il faut y réfléchir bien avant le démarrage », résume Basile Joubert.
Veiller à la qualité du SAV
S’appuyer sur un spécialiste va également permettre de mettre à plat les propositions. Tous les devis ne partent pas des mêmes hypothèses et sont parfois difficiles à comparer. « Nous vérifions en particulier la production par rapport à l’ensoleillement et les coûts de maintenance, indique Mathieu Poirier. Il faut être sûr que la garantie performance sera bien prise en compte. La qualité du service après-vente est également cruciale pour la rentabilité du projet. Si un onduleur tombe en panne, mieux vaut s’appuyer sur une entreprise capable d’effectuer rapidement un diagnostic à distance. »
Ces experts sont également au fait du sérieux et de la solidité des entreprises du secteur. « Attention aux offres de bâtiments gratuits. Proposées régulièrement sous forme de bail emphytéotique, elles engagent sur trente ans ! Ces propositions peuvent être plus complexes qu’elles n’y paraissent », avertit Basile Joubert. Signer un tel document sans consulter un expert peut coûter cher, en particulier si les loyers sont étonnamment alléchants. Des clauses peuvent lier l’exploitant et l’agriculteur, même si aucune installation n’est montée. Il sera alors facile pour l’exploitant de faire réviser le montant du loyer à la baisse.
L’inflation n’épargne pas le photovoltaïque
La hausse des prix des matières premières n’épargne pas les projets de toitures photovoltaïques. « L’an dernier, le prix des matériaux a augmenté de 20 à 25 % et la durée de validité des devis s’est considérablement raccourcie », indique Mathieu Poirier, de la chambre d’agriculture de Normandie. « Une toiture, c’est de l’acier, de l’aluminium, du silicium, de la logistique », confirme Cécilia Inostroza, chez Terre Solaire. La guerre en Ukraine et ses effets sur la parité euro/dollar ne devraient pas infléchir la tendance.