Peuplier : les 6 questions à se poser avant de se lancer dans cette production
Face à la demande croissante de bois de peupliers, investir dans une plantation peut intéresser certains agriculteurs propriétaires de leur parcelle. Le point sur une culture de long terme.
Face à la demande croissante de bois de peupliers, investir dans une plantation peut intéresser certains agriculteurs propriétaires de leur parcelle. Le point sur une culture de long terme.

« Le peuplier est à nouveau rentable », se réjouit Éric Vandromme, agriculteur et producteur de plançons de peupliers dans l’Oise depuis 2001. Commercialisant 10 % du marché français avec 130 000 plants par an, son entreprise France Peupliers située à Bury approvisionne la moitié nord du pays. « Nous ressentons l’augmentation de la demande », assure-t-il.
Quels débouchés pour sa production de peuplier ?
L’implantation d’usines de déroulage en Champagne-Ardenne donne de la visibilité au marché (Thebault-Droin à Marigny-le-Chatel dans l’Aube, Garnica à Troyes, Leroy Déroulage de Champagne à Magenta dans la Marne). De plus, la demande (cageots, boîtes de camembert, bourriches, contre-plaqué, encadrements de portes) croît régulièrement. Le déroulage reste la meilleure valorisation. Les gros peupliers partent pour la cagette, car ils ne rentrent pas dans les machines de déroulage contre-plaqué.
Quelle rentabilité attendre de la production de peuplier ?
Estimer la rentabilité d’une plantation demeure un exercice compliqué, avec beaucoup de variations selon les situations, reconnaît Marie Pillon, déléguée générale Fransylva, forestiers privés des Hauts-de-France. « La demande s’avère croissante. Mais comme toute production forestière, le prix de la récolte reste inconnu. La vente se réalisant quinze à vingt ans après la plantation. »
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Certains logiciels permettent une première approche, mais nécessitent déjà une bonne connaissance technique et commerciale. Le site Observabois estime le prix de vente moyen en 2023 de 58 €/m3, avec un volume unitaire de 1,35 m3 par arbre. Éric Vandromme annonce des valorisations de 70 à 110 €/m3 en 2024, avec de grandes variations selon la qualité.
Quel est le coût d’implantation d’une parcelle de peuplier ?
Les peupliers se plantent tous les huit mètres (soit 156 arbres par hectare) ou tous les sept mètres (204 arbres par hectare). Le coût d’une plantation d’un hectare (environ 200 arbres) démarre à 2 500 euros (6,20 € le plant, 5,20 € la plantation et 1 € la protection antigibier) estime Éric Vandromme. Le prix peut grimper selon la méthode de plantation. De 5,20 € par pied avec le tracteur et la tarière à 6,50 € avec une dent de sous-solage sur une grue, voir 10 € si une grue redépose de la terre sur chaque tronc. « Dans certains cas, cela peut faire gagner quatre ans de pousse, affirme le pépiniériste. De plus, les crédits carbones de certaines entreprises peuvent payer la totalité ou une partie de la plantation. »
Le coût des plançons varie selon les cultivars, brevetés ou non. Une taille de formation en année N + 2 et deux élagages, pour éviter des nœuds dans le bois, en année N + 4 et N + 6 sont à prévoir. Ils sont indispensables pour avoir une bonne qualité et un meilleur prix. L’agriculteur peut les réaliser lui-même. Effectués par une entreprise, il faut compter environ 1 800 €/ha pour les trois opérations.
Quelles aides financières pour implanter du peuplier ?
De nombreuses aides à la plantation existent. Elles varient selon les régions administratives. De même, certains programmes du Label bas carbone participent financièrement, prenant en charge tout ou partie de la plantation. L’opération « Merci le peuplier » est une aide de la filière pour inciter les propriétaires à replanter (1 à 3 € par plançon).
Comment choisir la bonne variété de peuplier ?
Comme en agriculture, il faut adapter le cultivar au sol et au climat. Et surtout, martèle Éric Vandromme, au marché. L’objectif est d’avoir une croissance très rapide, en optimisant tous les facteurs de production. L’évolution variétale est très rapide en peuplier, troisième espèce au monde dont le génome a été complètement décrypté. Certains cultivars sont plus adaptés si l’eau est proche. D’autres résistent au manque d’eau ou au vent. Certains à croissance très forte et à grosses branches exigent plus de travail pour l’ébranchage.
Les peupliers étant des clones sans aucune variabilité génétique, il est conseillé de planter plusieurs cultivars si la surface dépasse 2 ha. Si la surface plantée est inférieure à 1 ha, se rapprocher d’autres populiculteurs proches permet d’intéresser les acheteurs. Autre impératif, avoir une accessibilité à la parcelle. Sinon, le débardage aura un impact financier.
Il est préférable de se faire accompagner pour de tels projets conseille Marie Pillon, au niveau administratif comme au niveau technique. Les gestionnaires forestiers professionnels (GFP) - experts et techniciens de coopératives - tout comme le Centre national de la propriété forestière (CNPF) ou, dans certaines régions, les conseillers forestiers des chambres d’agriculture peuvent apporter des conseils.
Quelle réglementation encadre la plantation de peuplier ?
Plusieurs réglementations sont susceptibles de s’appliquer concernant le boisement d’une parcelle.
L’évaluation environnementale
Tout boisement d’une terre agricole supérieur à 0,5 ha est soumis à évaluation environnementale. À cette fin, une demande préalable d’examen au cas par cas (Cerfa 14734*04) sera déposée auprès de la Dreal. Celle-ci examine si le boisement n’est pas de nature à porter atteinte à l’environnement. Dans le cas contraire, elle pourra demander que soit établie une étude d’impact permettant d’apprécier l’impact du boisement sur les espèces animales ou végétales recensées sur site. Ces demandes sont plus fréquentes en pâtures qu’en terres labourées.
La parcelle peut aussi être concernée par d’autres réglementations (réglementation sur les boisements, périmètre de monument historique, Natura 2000).
Les distances à respecter vis-à-vis du voisinage
Le projet doit respecter les distances de plantation vis-à-vis du fond voisin. Le Code civil mentionne une distance minimale de deux mètres, mais des réglementations locales peuvent prévoir d’autres distances. En pratique, une distance de quatre, voire six mètres, du fonds voisin est préconisée ; les riverains pouvant exiger que toutes les branches surplombant leurs parcelles soient coupées, créant alors des coûts d’entretien non négligeables. La présence de ligne électrique, de canalisation, d’angles de visibilité de routes et carrefours nécessiteront des contraintes supplémentaires.
Attention au changement d’état de la parcelle
Par ailleurs, le propriétaire doit bien mesurer l’impact d’un changement d’état de la parcelle sur le très long terme sachant qu’un retour à un statut agricole pourrait impliquer une demande préalable d’autorisation de défrichement. Toutefois, le retour à une parcelle agricole sans en passer par la procédure défrichement est possible pour les boisements de moins de 30 ans, ce qui est compatible avec une plantation de peuplier. Cette réglementation ne s’applique pas aux parcelles agroforestières (avec moins de cent arbres par hectare).