Mélanges variétaux de blé : un levier efficace contre les maladies
Semer des mélanges permet de cumuler les caractéristiques intéressantes de différentes variétés. Principal avantage démontré par la recherche et plébiscité par les agriculteurs : leur plus grande tolérance face aux maladies.
19,5 % de la sole française de blé tendre est aujourd’hui en mélange variétal, contre à peine 2 % en 2015, selon les statistiques réalisées par Arvalis. Les mélanges sont donc la première variété de blé tendre cultivée en France. Arnaud Gauffreteau, ingénieur de recherche à l’Inrae révèle que « les études scientifiques ont montré des gains de rendement de 2,9 % comparés aux variétés en pure et de 6,2 % en contexte de maladies ». Pour son collègue Jérôme Enjalbert, chercheur lui aussi à l’Inrae, le mélange est une manière de construire une génétique plus résistante face à des maladies dont la nature et la pression sont de moins en moins prédictibles, ce qui est compliqué à faire dans un seul génotype.
« Une parcelle monovariétale sélectionne rapidement les souches les plus agressives, constate-t-il. Contrairement à un mélange où les variétés résistantes peuvent protéger les sensibles, et où la diversité variétale favorise une diversité de souches pathogènes qui contribue à rehausser le niveau d’immunité du peuplement. » Il a aussi été démontré que la maladie se propage moins vite au sein d’un mélange variétal, révèle le chercheur. Ainsi les agriculteurs soulignent qu’ils disposent de plus de temps pour effectuer leurs traitements dans les mélanges, voire de réaliser des impasses.
Plus de stabilité avec les mélanges
Les travaux d’enquêtes menés par l’Inrae ont montré que les trois principales motivations des agriculteurs pour semer des mélanges, étaient dans l’ordre : une meilleure gestion des maladies et donc une moindre utilisation de fongicides, une stabilisation de la production grâce au plus grand nombre de variétés cultivées au sein de la parcelle et de l’exploitation et enfin une simplification du travail notamment concernant le pilotage des interventions.
Arnaud Gauffreteau confirme le bien-fondé de ces aspirations : « Nous avons montré qu’au sein d’une exploitation, un mélange de quatre variétés est plus stable que trois variétés semées en pure. » Semer en mélange permet des compensations entre variétés qui gomment les hétérogénéités intraparcellaires. « L’intérêt d’un mélange est de cumuler des caractéristiques intéressantes. On sait que les mélanges n’explosent pas en matière de rendement. Ce qui est recherché, c’est la stabilité », indique Jérôme Enjalbert qui ajoute que l’Inrae a créé pour les agriculteurs l’outil en ligne OptiMix, qui évalue des mélanges variétaux de blé tendre, notamment face aux risques maladies.
Un changement de réglementation bénéfique
Si la pratique des mélanges variétaux a été principalement portée par les agriculteurs (en semences de ferme), le groupe Soufflet a contribué à leur démocratisation en intervenant auprès du Semae (interprofession semencière), pour autoriser la commercialisation de mélanges sans passer par une inscription du mélange en tant que tel au catalogue, ce qui était interdit auparavant. Cette avancée a contribué à lever le verrou des organismes stockeurs (OS) qui étaient réticents à collecter des mélanges, notamment pour des utilisations en panification.
Or, Arnaud Gauffreteau indique que les mélanges variétaux ont des qualités de panification toujours supérieures à la moyenne des variétés pures. « Cela s’explique par le fait qu’il y a une très forte variabilité interannuelle des variétés de blés en ce qui concerne la qualité de panification et qu’un mélange de variétés panifiables permet de stabiliser la qualité de panification. » En proposant ces « mélanges meunerie Soufflet (MMS) », le groupe a montré qu’un mélange pouvait stabiliser cette qualité et a fait tomber un frein important pour les OS. « Nos mélanges MMS sont constitués de cinq variétés qui permettent de gommer une partie de l'irrégularité de chacune prise séparément, afin de répondre au mieux aux besoins de l'aval », explique Fabrice Bourjot, responsable filière blé chez Moulins Soufflet.
Un besoin d’expertise plus important
Mais en mélange, il n’est pas facile de déterminer le moment précis où il faut traiter la maladie. « Pour certains agriculteurs, cela peut être déstabilisant de voir des plantes malades et des plantes saines dans une même parcelle », estime Jérôme Enjalbert, qui ajoute que face à ces interrogations, il y a encore trop peu de conseils. « Les seuils de déclenchement des interventions ont été travaillés en pures, mais pas en mélange », souligne-t-il.
Il subsiste de nombreux autres sujets d’interrogation, comme l’intérêt ou non de mélanger des variétés de précocités différentes pour lutter contre des stress tel que le gel, sachant qu’il est déjà admis qu’un mélange s’en sort généralement mieux face à des accidents climatiques précoces. « Différentes études montrent que les décalages temporels sont d’intérêt dans les mélanges, mais qu’ils doivent être bien dosés. Une variabilité des précocités peut être avantageuse, mais nous continuons d’explorer la question comme le font les chambres d’agriculture et Arvalis. Nous avons juste observé un risque de contre-performance accrue pour des mélanges associant des variétés dont les précocités à montaison diffèrent de plus de 1,5 point (entre 10 et 15 jours de différences) », précise le chercheur.