Grandes cultures : pilotez le pH de vos sols pour optimiser vos rendements
Pour certaines parcelles, le chaulage est essentiel. Il améliore ou préserve la structure du sol. Des gains de rendement et de marge significatifs sont attestés entre les sols à pH faible et à pH élevé.
Pour certaines parcelles, le chaulage est essentiel. Il améliore ou préserve la structure du sol. Des gains de rendement et de marge significatifs sont attestés entre les sols à pH faible et à pH élevé.
L’effet du chaulage sur le rendement est indirect : les amendements calciques ne sont pas des facteurs de production. Néanmoins, un lien existe entre pH, rendements et marge, qui confirme l’intérêt de la pratique du chaulage pour maintenir une valeur optimale du pH.
C’est un paramètre à ne surtout pas négliger si l’on veut maintenir son niveau de rendement avec moins d’intrants. Car le pH est l’un des paramètres les plus importants de la fertilité des sols : le statut acide (pH < 7), neutre (pH7) ou basique (pH > 7) d’un sol détermine son comportement physique et la nutrition des cultures.
Des marges influencées par le niveau de pH
Laurent Varvoux, expert en amélioration de la fertilité des sols chez Terrena, a étudié les liens entre les résultats technico-économiques et pH des sols. En collaboration avec l’Union des industries de la fertilisation (Unifa), il a compilé quatre ans de données d’analyses de terre.
L’ensemble représente plusieurs milliers de parcelles limoneuses des régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes, correspondant à près de 20 000 hectares. À tendance acide, les sols limoneux de l’Ouest sont fragiles et sensibles à la battance. L’étude confirme l’intérêt économique d’un maintien du pH du sol à un niveau élevé dans ce type de terre.
« En moyenne, nous retrouvons les meilleurs rendements dans les parcelles où les pH sont les plus élevés (>6,9), résume Laurent Varvoux. Les résultats de notre étude font apparaître un gain moyen de marge agriculteur de 61 euros par hectare et par an entre la classe de pH la plus faible (<6) et la plus élevée (>6,9). »
En moyenne, le gain de rendement est estimé à + 6 % entre le sol le plus acide et le sol le plus basique pour les six cultures étudiées (blé, orge d’hiver, triticale, colza, maïs grain et ensilage).
Cet effet pH est significatif alors même que l’étude a été conduite dans des contextes d’hivers plutôt secs (2014 à 2018), c’est-à-dire sous des conditions climatiques favorables aux sols acides. Si l’étude avait pris en compte les deux derniers hivers, il y a fort à parier que l’écart aurait été plus important : lors des hivers pluvieux, les sols limoneux dont le pH est trop bas sont rapidement sujets à la battance et au tassement. Ces phénomènes provoquent des arrêts de croissance et une baisse des rendements.
Déterminer le niveau d’apport nécessaire
Pour redresser ou maintenir un pH, l’apport d’un amendement calcique s’impose. Mais pour déterminer le niveau d’apport et savoir s’il faut effectuer un chaulage d’entretien ou de redressement, il faut connaître le pH eau du sol, qui correspond au pH réel de la solution du sol.
« L’enjeu est de déterminer à quelle valeur le pH doit se trouver : entre un niveau de pH en dessous duquel il ne faut pas descendre, le pH seuil, et un niveau de pH au-dessus duquel il ne faut pas monter, dit pH maxi », résume Hélène Lagrange, ingénieure en fertilisation chez Arvalis. Un niveau de pH eau entre 6 et 6,5 permet de s’affranchir de tout problème pour les cultures en place. Trois situations peuvent se présenter : « soit le pH eau est adapté au système de culture et un chaulage n’est pas nécessaire ; soit le pH eau est très inférieur au niveau souhaitable : dans ce cas il faut atteindre rapidement le niveau souhaitable par une stratégie dite de redressement. Enfin, si le pH eau est légèrement inférieur ou au niveau du pH eau souhaitable : on est dans des conditions d’entretien ».
Des variations de pH intraparcellaires très importantes
Dans les situations d’entretien et de redressement, les apports d’amendements calciques vont permettre de remonter le pH du sol. Pour déterminer la dose à apporter, pendant longtemps, tout passait par l’analyse de terre : elle est en effet indispensable.
Mais elle a une limite : elle donne une analyse moyenne de la parcelle. De nouveaux outils ringardisent aujourd’hui cette analyse, comme l’outil BeApi, qui applique la multi-analyse de précision à grande échelle, en fonction de l’historique.
« Lorsqu’on redécoupe la parcelle en petites zones selon les remembrements successifs, on observe des variations de pH très importantes », soulève Baptiste Cuny, responsable Innovation service chez Maïsadour. Ce dernier s’appuie sur l’exemple d’une parcelle sableuse de 70 hectares dont le pH moyen est de 5,7 en analyse à la parcelle, alors qu’il varie de 4,9 à 6,4 en analyse intraparcellaire. « Jusqu’à présent, l’agriculteur pratiquait un apport d’entretien. Il s’est aperçu qu’il fallait effectuer un redressement alors qu’ilpensait réaliser des bonnes pratiques. »
Dans ces situations, l’analyse intraparcellaire apparaît comme un réel atout face à l’analyse de terre classique : elle est effectuée en quad par un tiers, à raison d’un prélèvement tous les 80 ares en moyenne, alors que l’analyse de terre est souvent effectuée par l’agriculteur, qui manque de temps et oublie souvent qu’un résultat fiable passe par quinze carottes pour un prélèvement et un prélèvement pour cinq hectares.
Un coût autour de 80 euros l’hectare souvent rentable
Reste que cette démarche a un coût : autour de 80 euros l’hectare, et qu’elle devra être suivie dans le temps. Mais l’enjeu sur le rendement des cultures semble mériter cet investissement. La coopérative a déjà utilisé cette méthode sur 500 hectares. Pour Maïsadour, la seule question du pH justifie ce travail. « Les sables ont des problématiques de pH importantes qui peuvent avoir un effet assez conséquent sur le rendement », relève Baptiste Cuny. À la clé, avec du matériel d’épandage adapté, ce diagnostic permet de moduler très précisément l’amendement calcique.
Le chaulage en grandes cultures et prairies. Éditions Arvalis, 8 pages, 11 euros.
Le chaulage, des bases pour le raisonner. Comifer. 112 pages, gratuit.
STÉPHANE FILLON, 215 ha de grandes cultures à Latillé, Vienne
Là ou le pH est le plus bas, je tape fort
Mes sols sont semiprofonds à profonds, et les trois quarts ont des pH à 6,7-6,8. Mes parents n’ont jamais fait l’impasse sur le chaulage. Ils chaulaient l’ensemble des parcelles à raison de 600 kg de chaux tous les deux ans.
Pour ma part, je ne fonctionne qu’avec des analyses de sol. L’enjeu, c’est d’éviter la battance. Je fais faire 9 à 10 analyses tous les ans, qui me permettent de cibler les parcelles ou le pH est le plus bas, sur lesquelles j’apporte 1,5 tonne de chaux à l’hectare en fin d’été, juste avant les semis de colza. Sur le reste, j’effectue un apport d’entretien, soit 500 à 600 kg tous les deux ans. Je préfère taper très fort là ou ça va mal.
Cela porte ses fruits : sur une parcelle, j’ai gagné un demi-point en deux chaulages. Combiné à des apports de fumiers importants et à un travail du sol simplifié, ce redressement améliore la fertilité de mes sols. »