Les haies dans la PAC 2023 : est-il intéressant d’en planter ?
Plusieurs volets du PSN font référence à la haie : la conditionnalité, les écorégimes et les MAEC. L’incitation à planter des haies reste toutefois réglementaire avant d’être économique.
Plusieurs volets du PSN font référence à la haie : la conditionnalité, les écorégimes et les MAEC. L’incitation à planter des haies reste toutefois réglementaire avant d’être économique.
Ce n’est pas une révolution, mais un petit virage. « En 2003, on arrachait des haies à cause de la PAC », se souvient Catherine Moret, secrétaire générale de l’Afac-agroforesterie. En 2023, la PAC incitera certains à en replanter. « La haie est désormais reconnue comme partie intégrante des exploitations, appuie Baptiste Sanson, responsable stratégie et projets à l’Afac-agroforesterie. Le PSN écrit noir sur blanc que les infrastructures agroécologiques (IAE) visées par la conditionnalité sont admissibles aux aides PAC. » Et ces IAE, décrites dans la BCAE 8, incluent les haies jusqu’à 20 mètres de large au lieu de 10 mètres auparavant.
Plus question d’arracher des haies, ni de les ratiboiser de peur de perdre des aides. Cela peut même coûter cher. « L’ancienne BCAE 7 imposait déjà le maintien du linéaire de haies, mais la communication avait été peu claire et les contrôles rares, se rappelle Baptiste Sanson. L’interdiction d’arrachage pouvait être contournée en réalisant des coupes annuelles empêchant la repousse, jusqu’à ce que la haie disparaisse. Cette pratique est désormais explicitement interdite. » Le PSN est clair : « des visites sur place peuvent être diligentées l’année suivant la coupe pour s’assurer que des repousses sont bien présentes ».
Les arrachages et déplacements de haies restent possibles à titre dérogatoire, mais soumis à un régime d’autorisation. La période d’interdiction de taille et de coupe des arbres et haies s’allonge de 30 jours, s’étirant désormais du 16 mars au 15 août. « À l’intérieur de ce cadre, l’agriculteur garde la main sur la gestion de sa haie », rassure Baptiste Sanson.
Un atout pour atteindre les 4 % d’IAE
Dans la nouvelle BCAE 8, qui prend la suite du paiement vert concernant les surfaces d’intérêt écologique (SIE), la haie est bien valorisée, puisqu’elle fait partie de ces IAE dites non productives qui doivent couvrir 4 % des terres arables (ou 3 % si l’on y ajoute 4 % de dérobées ou de plantes fixatrices d’azote). La haie est donc une solution alternative à la jachère. « Beaucoup d’agriculteurs chez nous sont encore loin de ces 3 ou 4 % d’IAE non productives, indique Pascale Nempont, cheffe du service Stratégie et prospective à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Pour la plupart, planter des haies est plus intéressant que de mettre des terres en jachère. Elles peuvent être déclarées en IAE dès l’année suivant leur plantation. »
Un mètre linéaire de haie compte désormais pour 20 m², contre 10 m² d’équivalent SIE dans la dernière PAC. Elle doit être composée de multiples espèces et strates pour ne pas être requalifiée en alignement d’arbres (comptabilisé uniquement pour 10 m²). Autre évolution : « le pourcentage minimum d’IAE et jachères à détenir s’applique même aux agriculteurs bio qui étaient exemptés des 5 % de SIE dans le paiement vert », souligne Aline Buffat, conseillère Haies et biodiversité à la chambre d’agriculture de la Drôme.
Une fois franchi le socle de la BCAE, la haie peut aider à valider un écorégime. Elle compte dans les 7 % ou 10 % d’éléments requis pour atteindre respectivement les niveaux 1 ou 2 de la voie IAE. L’ensemble de la SAU est cette fois pris en compte. Là encore, le coefficient de 20 m² avantage la haie par rapport aux autres éléments paysagers.
Alors faut-il planter ? Selon les simulations réalisées par les techniciens, les voies « certification » et « pratiques culturales » semblent souvent les plus accessibles. Et même si l’on détient un linéaire important, valider l’une de ces deux voies laisse l’opportunité de demander le « bonus haies », non cumulable avec l’écorégime IAE.
Bonus peu attractif dans l’écorégime
Le ministère table sur 5,8 millions d’hectares rémunérés par ce bonus. Les organismes de conseil sont plus circonspects. En plus de cumuler au moins 6 % de haies sur la surface admissible (soit 30 ml/ha), dont 6 % sur les terres arables (donc hors prairies permanentes), les haies doivent afficher une certification de gestion durable. En pratique, il s’agit du label haies. « Il est contraignant et les agriculteurs auront besoin de temps pour se l’approprier, estime Pascale Nempont. Le bonus ne sera donc pas immédiatement accessible à la majorité des agriculteurs. »
Peu accessible, et peu attractif avec ses 7 euros à l’hectare, quand la certification coûte à elle seule 350 euros par an. Le ministère en convient : le bonus permet seulement « de couvrir les coûts liés à la certification de gestion durable et de participer aux coûts d’entretien durable des haies, qui sont évalués à environ 25 €/ha/an ». L’Afac-agroforesterie réclamait 30 €/ha pour que les agriculteurs rentrent dans leurs frais.
Catherine Moret conseille donc de se tourner plutôt vers la MAEC IAE – ligneux dans les territoires où elle sera ouverte. « Non cumulable avec le bonus haies, elle est plus accessible et plus rémunératrice, indique la spécialiste de l’Afac. La prime de 0,80 €/m linéaire permet de faire évoluer ses pratiques vers le label sans perdre d’argent. Au lieu d’être une charge, une haie gérée de façon sylvicole devient un atelier à part entière, qui peut vendre des produits - bois et plaquettes. À cela s’ajoutent les bénéfices agronomiques : l’ombrage, la protection contre le gel en hiver, l’effet brise-vent… »
« Les agriculteurs qui plantent des haies ne le font pas pour la PAC mais pour l’effet antidérive vis-à-vis des riverains ou pour des raisons agronomiques, confirme Aline Buffat. L’émergence de Paiements pour services environnementaux (PSE) crée aussi de nouvelles opportunités économiques, car ces PSE rémunèrent, entre autres, l’entretien des haies. » En reconnaissant désormais pleinement la haie et en offrant une modeste reconnaissance financière, la PAC accompagne le mouvement.
Quel linéaire de haies pour toucher le bonus dans l’écorégime (hors voie IAE) ?
Objectif : atteindre 6 % de haies = linéaire de 30 m par ha.
- Cas 1 : agriculteur ayant 200 ha de grandes cultures, et déjà 2 km de haies. Il devra en replanter 4 pour atteindre 6 km de haies sur ses terres arables.
- Cas 2 : polyculteur-éleveur ayant 100 ha de cultures et 100 ha d’herbe, avec déjà 2 km de haies sur prairies. Il devra implanter au minimum 3 km de haies sur ses terres arables (pour atteindre les 6 % sur ses terres arables), et un dernier km n’importe où (pour atteindre 6 km au total, soit 6 % de l’ensemble de sa SAU).
Un label en trois étapes
Le label haies est opérationnel depuis 2018. « Il est assez lourd mais atteignable, avec une progression très graduée, expose Aline Buffat, conseillère à la chambre d’agriculture de la Drôme. Le niveau 1 exclut les pratiques très dégradantes : ne pas prélever plus d’un dixième par an, bannir tout désherbage chimique et brûlis, faire des coupes de qualité qui permettent la repousse de la haie… Pour être certifié, l’agriculteur doit remplir toutes les conditions du niveau 1. » Il dispose de deux ans pour élaborer un Plan de gestion durable de la haie (PGDH) et il s’engage à progresser : 100 % des indicateurs du niveau 2 doivent être validés au bout de six ans, 80 % du niveau 3 dans les dix ans.
Coût et aides à la plantation