Les différentes méthodes pour estimer le coût de mécanisation de ses chantiers
Chiffrer le coût de ses chantiers permet d’identifier les leviers pour les réduire. Zoom sur les méthodes de calcul disponibles et les grandes variables à prendre en compte.
Chiffrer le coût de ses chantiers permet d’identifier les leviers pour les réduire. Zoom sur les méthodes de calcul disponibles et les grandes variables à prendre en compte.
Quand on sait que les coûts de mécanisation peuvent représenter 45 % des charges de structure et 30 % des charges totales, on ne voit plus son parc de matériel de la même façon. Il peut donc être judicieux de calculer son coût de chantier afin d’évaluer les postes les plus coûteux et mieux raisonner son investissement en matériel. « L’agriculteur doit trouver le meilleur compromis entre le coût du matériel, l’organisation du chantier tout en prenant en compte la performance de l’outil », explique Stéphane Chapuis, responsable du pôle agroéquipement à la FNCuma. Pour mesurer son coût de chantier, l’agriculteur doit déterminer à l’avance le nombre de jours et d’heures où son matériel est utilisé et ainsi organiser les travaux selon le débit journalier du chantier.
Pour faciliter leurs calculs, les agriculteurs disposent de deux référentiels : le barème d’entraide et le guide des coûts de revient. Le premier est édité par les chambres d’agriculture et prend en compte des valeurs départementales ou à défaut des références nationales. Le second est basé sur des références nationales des Cuma. « Elles sont issues des comptabilités des Cuma, précise Stéphane Chapuis. Les coûts annoncés sont remontés du terrain. Pour les tarifs des Cuma, comme le matériel est partagé, il faut prendre en compte que le matériel est saturé techniquement, à la différence des exploitations où le matériel n’est pas mis en commun. Aussi, les frais de gestion du matériel ne sont pas inclus dans notre barème puisque les Cuma les prennent en charge. »
On trouve sur ces guides les coûts d’utilisation, d’entretien et l’utilisation annuelle moyenne selon le matériel. Ces barèmes proposent des données chiffrées référentes dans le calcul des coûts de mécanisation. Toutefois, il est possible de réaliser soi-même les calculs de coûts de chantier, en estimant coûts fixes et variables.
Penser à la valeur de revente
L’amortissement exprime la dépréciation du matériel avec le temps. Le calcul du coût de chantier utilise l’amortissement linéaire, plus proche de la réalité du terrain que l’amortissement comptable. « En fiscalité, un matériel peut être amorti sur sept ans et on considère ensuite sa vente comme une plus-value, explique Stéphane Chapuis. Or, on sait très bien qu’au bout de sept ans, le matériel a encore une valeur. C’est cette valeur qu’il faut considérer dans les calculs. Souvent, les agriculteurs ont peu de réflexion sur ce prix de revente. »
La valeur résiduelle du matériel se calcule à partir de son utilisation annuelle et de sa valeur d’achat augmentée du taux d’actualisation. « Il correspond globalement au taux d’inflation, explique Sylvain Deseau, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture du Loiret. Ce taux permet d’actualiser la valeur de revente en fonction de la durée d’amortissement et la hausse des éléments nécessaires pour l’entretien. » La valeur de revente dépend beaucoup du modèle, certains étant plus recherchés que d’autres.
Les frais financiers et assurantiels à prendre en compte
Les frais financiers et assurantiels correspondent aux intérêts d’emprunts, aux agios et aux éventuels frais de dossier. Certains calculs retiennent également les fonds propres qui ne sont pas placés. Il ne faut pas oublier les frais d’assurance liés au matériel et le coût de la responsabilité civile. Ce sont principalement les matériels automoteurs qui supportent la charge. « Toutefois, selon les assureurs, les matériels d’une valeur de plus de 40 000 euros peuvent avoir leur propre contrat, explique Sylvain Deseau. D’ailleurs avec les prix d’achat en forte croissance, on peut imaginer que de nombreux outils soient concernés. »
La consommation de carburant en fonction du type de chantier
Il s’agit de déterminer la consommation du moteur en l/h selon le chantier effectué. Pour l’obtenir, certains calculs se fient à des valeurs de référence, telles le coefficient de charge de moteur. « Pour un tracteur de plus de 140 chevaux, il est en moyenne de 35 %, en dessous, on prend comme valeur 50 %, explique Sylvain Deseau. Pour un tracteur au labour, le coefficient est de 70 %, de même pour un automoteur de récolte. Celui retenu pour un automoteur de pulvérisation équivaut à 40 %. »
Il faut ensuite multiplier ce coefficient par la consommation référente d’un moteur (0,22 l/h) et sa puissance. Le taux de charge du moteur ainsi que sa consommation référente sont issus des moyennes des bancs d’essais et des données du terrain. Une fois la consommation du moteur estimée, il suffit d’y ajouter le prix du carburant. Dans certains cas, il peut prendre en compte le coût de l’AdBlue.
Des frais d’entretien amortis
Il ne faut pas oublier dans le calcul du coût de chantier les frais de réparation et d’entretien, parfois élevés. Dans la notice du barème d’entraide, les conseillers des chambres d’agriculture estiment que « les vidanges du moteur sont faites toutes les 400 heures et celles pour les transmissions, toutes les 1 000 heures. » Pour cela, il suffit d’ajouter les frais d’entretien et de réparation cumulés dans l’année pour le matériel. « Seuls les frais de pneumatiques, plutôt importants, sont amortis sur leur durée de vie, afin de ne pas fausser le calcul », précise Sylvain Deseau.
En additionnant les valeurs fixes et variables, et en les divisant selon l’unité désirée, hectare, heure… l’agriculteur obtient le coût d’utilisation de son matériel. Pour évaluer son coût de chantier, il lui suffit d’estimer le débit du chantier et le coût de la main-d’œuvre employée. « Si le coût de mécanisation est trop élevé, il est important que l’agriculteur cherche à les comprimer, ajoute Stéphane Chapuis. Il est donc bon de se demander si le matériel est bien optimisé et de se questionner sur l’organisation de son chantier. » Pour cet expert, le partage du matériel est la clé de réduction des coûts de chantier et de performance du matériel. La stratégie de mécanisation est un choix où de nombreuses variables doivent être prises en compte.
Les utilisations de matériels en simultané limitées
Agro d’Oc, une union de Ceta, Arvalis-Institut du végétal et WeFarmUp ont réalisé une étude concernant l’utilisation du matériel agricole. Trente agriculteurs situés dans un rayon de 20 kilomètres dans le Gers, ont recensé l’utilisation de leur matériel selon leur itinéraire technique cultural. Le résultat est assez déroutant. « Notre calcul montre que sur 93 tracteurs disponibles, seuls 22 étaient utilisés en même temps sur la journée la plus demandeuse de la période, explique Laurent Bernede, cofondateur de la plateforme WeFarmUp. Pour les semoirs, c’est pareil, sur 22 semoirs monograines à disposition, 6 seulement étaient en activité simultanément. »
Selon le cofondateur, beaucoup d’agriculteurs pensent utiliser le matériel en même temps, or cette étude démontre bien l’inverse. « Tout le monde n’a pas les mêmes techniques culturales, les mêmes sols et le même climat, même dans un rayon de 20 kilomètres. » De nombreux capitaux dorment encore dans les hangars et la location ou le partage du matériel peuvent être un levier pour réduire les coûts de mécanisation.
Un coût de labour à 49,15 €/h
Aline Machine souhaite établir le coût de son chantier de labour. Avant tout, elle doit calculer le coût d’utilisation de son matériel.
L’agricultrice calcule d’abord le coût d’utilisation de son tracteur de 100 chevaux acheté neuf en 2010 pour 51 000 € et pour lequel elle a emprunté cette somme à un taux d’intérêt de 2 %. Aline Machine souhaite garder son tracteur jusqu’en 2025. Le taux d’actualisation d’un tel tracteur est d’1,5 %. En regardant son compteur, elle estime utiliser son tracteur 500 heures par an. En prenant en compte le taux d’inflation, la valeur d’achat du tracteur actualisée est de 57 451 €. Sur le marché de l’occasion, ce type de tracteur se revend 11 829 €.
Inclure l’amortissement dans les charges fixes
L’amortissement linéaire est prévu à 3 041,5 €/an (57 451 – 11 829 = 45 622 €/ 15 ans = 3 041,5 €/an). Rapporté aux heures travaillées chaque année, l’amortissement correspond à 6,08 €/h. Les frais financiers valent 1,39 €/h soit (57 451 + 11 829)/2 = 34 640 € multipliés par 2 %. Rapportés aux nombres d’heures effectuées, les frais sont évalués à 1,39 €/h. Chaque année, Aline Machine paye 500 € d’assurance soit 1 €/h.
Prendre en compte la puissance du moteur
Le tracteur d’Aline Machine consomme 15,4 l/h de gasoil, soit sa consommation moyenne (0,22 litre par cheval et par heure) multipliée par la puissance du moteur (100 chevaux) et le coefficient de charge moyen du moteur (1) (70 %). Elle a payé son GNR 0,65 €/l. L’heure travaillée lui coûte donc 10,01 €/h de carburant. Sur son barème d’entraide, elle relève des coûts d’entretien et de réparation à 1 200 €/an soit 2,4 €/h.
Du coût de matériel au coût de chantier
En additionnant les charges fixes et variables hors carburant, Aline Machine obtient un coût de matériel de 10,87 €/h. Le carburant coûte 10,01 €/h soit un coût total de 20,88 €/h. Elle effectue le même calcul pour la charrue qu’elle a acheté 16 000 € en 2008. Elle estime son coût de mécanisation en labour à 15,27 €/h. Avec une main-d’œuvre payée 18 €/h, son coût de chantier est de 49,15 €/h.
Exemple réalisé avec la chambre d’agriculture du Loiret.(1) coefficient de charge moyen du moteur : tracteur < 140 ch : 35 % ; tracteur > 140 ch : 50 % ; tracteur au labour : 70 % ; automoteur de récolte : 70 % ; automoteur de pulvérisation : 40 %.