« Le Dieselgate entache tous les progrès qui ont été réalisés »
Le récent scandale sur les émissions polluantes concernant Volkswagen sème le doute sur les mesures de pollution sur les véhicules diesel quels qu'ils soient. Matthieu Turbé-Bion nous donne son éclairage, il travaille dans l'unité John Deere Power Systems d'Orléans-Saran, où sont développés des moteurs diesels 3, 4 et 6 cylindres à destination d'applications non routières.


Le récent scandale sur les émissions polluantes concernant Volkswagen sème le doute sur les mesures de pollution sur les véhicules diesel quels qu'ils soient. Matthieu Turbé-Bion nous donne son éclairage, il travaille dans l'unité John Deere Power Systems d'Orléans-Saran, où sont développés des moteurs diesels 3, 4 et 6 cylindres à destination d'applications non routières.
Comment réagissez-vous en tant que motoriste à l'affaire qui touche Volkswagen ?
" Cet événement dommageable jette le doute sur l'ensemble de l'industrie du diesel, y compris le non-routier. Le Dieselgate entache tous les progrès qui ont été réalisés. Or, j'ai siégé pendant neuf ans au conseil d'administration d'Euromot (représentant différents constructeurs de moteurs en non-routier) et jamais je n'ai eu le moindre écho sur de telles pratiques."
Le secteur des engins non-routiers est-il à l'abri de ce genre de dérives ?
"Plusieurs organismes peuvent contrôler nos moteurs comme l'EPA, l'agence américaine de protection de l'environnement, en testant au hasard 10 moteurs prélevés dans nos usines américaines. En Suisse, chaque véhicule est testé avant sa mise sur le marché. En revanche, l'Union Européenne n'effectue aucun contrôle, la Commission européenne ayant délégué cette tâche aux pays membres. Et aucun d'entre eux n'a pour l'instant investi dans de telles infrastructures. Mais au final, ce sont globalement les mêmes machines qui se retrouvent en Suisse, aux États-Unis et dans l'UE. Elles doivent donc répondre aux standards les plus exigeants."
En quoi consistent les mesures lors d'un cycle de certification d'un moteur ?
"Jusqu'à la norme Stage IIIA, le cycle de certification se concentrait sur huit points de fonctionnement à régime stabilisé, dont quatre au régime nominal (différentes charges), deux au couple maximal et un au ralenti. Et les valeurs qui étaient obtenues étaient pondérées pour mieux refléter l'utilisation réelle. Pour la norme Stage IIIB, le législateur a rajouté des mesures en cycle transitoire, pour avoir des mesures plus représentatives. On balaie quasiment l'ensemble de la courbe, en régime et en charge. Au total, ce ne sont pas moins de 1 200 points qui sont mesurés en dynamique pendant 20 minutes. En plus de l'optimisation du moteur, les motoristes n'avaient pas d'autres choix que de greffer des dispositifs de post-traitement (FAP, DOC, SCR). La norme Stage V, qui devrait rentrer en vigueur dès le 1er janvier 2019 pour les moteurs de 130 à 560 kW, sera encore plus drastique. S'y ajoutera un comptage des particules, quelques grosses particules n'ayant pas la même nocivité qu'une multitude de particules microscopiques. Stage V ira même jusqu'à réaliser des mesures en conditions réelles."
Y a-il un risque de décalage entre ces mesures et les émissions des engins agricoles dans les conditions réelles d'utilisation ?
"Tout en satisfaisant les normes, il existe aujourd'hui un décalage entre les mesures en labo et ce qu'il se passe sur le terrain. Nous estimons les émissions 1,5 à 2 fois plus élevées sur le terrain. Dans l'automobile, les différences entre les mesures de consommation en tests normalisés et les consommations réellement observées sont connues : personne ne s'offusque de consommer plus que les valeurs constructeurs sur une route sinueuse. Et pourtant cela reste une bonne base de comparaison."