La formation agricole accélère sa mue numérique
Réaliser des formations permet d’actualiser, de compléter ses connaissances dans un cadre qui va au-delà de l’échange entre pairs des réseaux sociaux. Le confinement a accéléré la mutation vers des stages en partie à distance.
Réaliser des formations permet d’actualiser, de compléter ses connaissances dans un cadre qui va au-delà de l’échange entre pairs des réseaux sociaux. Le confinement a accéléré la mutation vers des stages en partie à distance.
Mais pourquoi diable s’inscrire à une formation en 2020 ? Désormais, toute personne dotée d’une connexion internet est à quelques clics de l’information. Et, sur les réseaux sociaux, des groupes permettent d’échanger conseils et expériences sur à peu près tous les sujets agricoles.
L’ère numérique de l’information n’a pourtant pas sonné le glas de la formation. « Les actifs agricoles sont globalement plus mobilisés sur la formation que les autres catégories professionnelles », rappelle Pascal Girard, directeur de l’ALPA, centre de formation pour les agriculteurs en Lorraine. Pour le spécialiste, ce pouvoir de séduction auprès des agriculteurs s’explique en partie par le fait qu’ils y trouvent un moyen de sortir de leur isolement et de se retrouver avec leurs pairs dans un contexte différent de leur exploitation. « Les évaluations à l’issue des formations sont souvent positives, notamment car les stagiaires sont contents d’avoir pu réfléchir ensemble sur des projets communs », affirme Pascal Girard.
Le formateur, un facilitateur d’échanges
Les réseaux sociaux sont des lieux d’échanges permettant de s’enrichir du savoir des autres, mais les cursus de formation apportent en plus un cadre et un médiateur. « On peut échanger entre pairs, mais ce n’est pas pareil lorsqu’il y a un médiateur entre nous qui aide à faire fonctionner le groupe. Créer du lien, de l’échange, c’est toute la force de l’animateur-formateur, souligne Marianne Dutoit, agricultrice et présidente du fonds de formation Vivea. Le formateur, en plus d’apporter de la matière, peut faire réfléchir les gens entre eux et amener au bout du compte un plan d’action. »
Mettre en pratique la connaissance acquise en accédant à une réelle autonomie n’est pas si simple. « Le vrai sujet pour nos formations, c’est de sortir avec quelque chose d’utile que l’on va mettre en application, pas juste d’être un peu reboosté avant de retomber dans notre quotidien, résume Marianne Dutoit. On a encore besoin de cet aller-retour sans écran devant nous, mais l’un n’empêche pas l’autre ».
Jouer la complémentarité entre présence et distance
Combiner travail de groupe en chair et en os et travail à distance est une piste explorée depuis quelques années par les organismes de formation. Pour Pascal Girard, la phase de confinement forcé va contribuer à l’ancrer dans les pratiques. « La crise que l’on traverse est un accélérateur de la modernisation de la formation pour aller vers le numérique, estime l’expert. Ces formes trouvent leur public, y compris chez les agriculteurs, et l’on ne fera pas machine arrière ». La complémentarité entre présentiel et travail à distance, au cœur du principe des formations mixtes digitales (FMD), est en train de faire ses preuves. Leur adoption sous la contrainte, Covid-19 oblige, a même permis de convaincre des acteurs jusqu’ici récalcitrants.
Concrètement, ces nouvelles modalités de formation offrent des avantages tels qu’une grande souplesse d’organisation et d’adaptation du temps de travail. « La formation à distance permet d’apporter la théorie, les fondamentaux, voire des aspects ludiques avec des outils comme les quizz, explique Gaëlle Panarello, responsable de l’équipe formation au sein de la chambre régionale d’agriculture du Grand Est. Pendant ces phases à distance, chacun peut prendre le temps nécessaire pour assimiler les choses afin de pouvoir se consacrer à l’échange au moment des rencontres avec le groupe. Mais il faudra toujours un temps en présentiel pour les apports techniques, les gestes, les savoir-faire pratiques ».
Un coût souvent très modique
Pour les organismes de formation, l’un des obstacles à cette mutation numérique est l’accès encore limité à une bonne connexion internet dans certaines zones rurales. L’une des réponses est de proposer aux stagiaires un accès à du matériel dans les locaux des chambres d’agriculture, qui maillent tout le territoire. Ce qui est certain, c’est que le coût ne doit pas être un frein au désir de formation. L’immense majorité des stages est subventionnée par le fonds Vivea, alimenté par les cotisations des agriculteurs. Bien souvent, il ne vous en coûtera que les frais de dossiers qui se montent au plus à quelques dizaines d’euros.
De la technique, mais pas que…
Bien dialoguer avec la société, créer sa page Facebook ou calculer ses coûts de production… Ces thématiques, et bien d’autres, font l’objet de formations qui ne rencontrent pas toujours le succès. « Les agriculteurs optent souvent pour des formations techniques car c’est concret, avec la perception immédiate du retour sur investissement, explique Gaëlle Panarello, de la chambre régionale d’agriculture du Grand Est. Pourtant, participer à un stage pour apprendre à communiquer sur son métier permet de travailler son expression en public, de ne pas être pris de court et donc de gagner en assurance… C’est un vrai bénéfice en termes de bien-être, et source de productivité ». Le temps de la formation est aussi un moment pour lever la tête du guidon. « On est tous les jours sous pression et l’on se dit que l’on n’a pas le temps, alors que la formation fait justement gagner du temps, insiste Marianne Dutoit, présidente du fonds Vivea. Ne pas savoir s’arrêter pour se poser des questions sur les améliorations possibles de son système peut parfois mener à la catastrophe ».