Agroécologie
La certification environnementale tente de s’affirmer
Envolés les objectif faramineux de 2007 d’exploitations agricoles sous certification environnementale. Aujourd’hui, on s’efforce de créer des dynamiques locales
mais les chiffres sont modestes : 5 000 exploitations qualifiées.

La qualification Agriculture raisonnée est définitivement enterrée. La certification environnementale issue du Grenelle de l’environnement assure le relais. Mais la mayonnaise prend-elle ? Le niveau 2 de la certification environnementale présente des exigences qui correspondent peu ou prou à celles du référentiel de l’Agriculture raisonnée qui a compté jusqu’à 3 000 exploitations. « Nous enregistrons plus de 5 000 exploitations engagées dans la certification environnementale (niveau 2), chiffre Loïc Schio, du ministère de l’Agriculture. Nous comptons 21 démarches qui ont reçu cette équivalence dont certaines portent sur l’intégralité de l’activité de l’exploitation agricole comme Area (Aquitaine), CriTERREs (Landes), Terr’Avenir, l’Agriculture raisonnée… et d’autres uniquement sur un ou plusieurs secteurs de production de l’exploitation comme la norme environnementale NF V01-007 reprise dans la démarche AgriConfiance. » Loïc Schio l’assure : « Au-delà de l’objectif du Grenelle (50 % des exploitations engagées dans la certification environnementale pour fin 2012), l’important est de constater les dynamiques qui se créent dans différentes filières ou territoires. Le dispositif est destiné à donner de la lisibilité aux nombreuses démarches qualité environnementales existantes en les fédérant autour d’un socle commun, celui de la certification environnementale. »
Précurseurs dans l’Oise
Rappel : la certification environnementale est née du Grenelle de l’environnement dont les premières décisions datent de 2007. « Dans notre région, l’annonce de cette création a stoppé la dynamique qui commençait à prendre forme avec l’agriculture raisonnée, remarque Éric Demazeau, chargé de mission à la chambre d’agriculture de l’Oise. En Picardie, nous avions créé Quali’terre en 1999, notre référentiel régional, remplacé par l’agriculture raisonnée en 2002. Car nous avons peu de produits agricoles de forte valeur ajoutée et donc, nous cherchions à valoriser un produit de masse (NDLR, ceux de polyculture élevage) au travers de mesures de respect de l’environnement et de qualité. Mais là, nous avons eu trois référentiels en moins de dix ans ! » L’Oise a été malgré tout l’un des cinq départements français où a été expérimentée la certification environnementale.
La chambre d’agriculture du département a signé une convention avec le Parc naturel régional de l’Oise pour promouvoir la démarche environnementale. C’est sur ce territoire que se situe l’exploitation d’Yves Chéron, premier polyculteur-éleveur à avoir obtenu le niveau 3 de la certification, la haute valeur environnementale (HVE). Pour atteindre ce niveau d’excellence écologique, l’agriculteur avait le choix entre deux options. La première était de présenter des charges d’intrants (phyto, engrais, semences) inférieures à 30 % du chiffre d’affaires de l’exploitation et, dans le même temps, 10 % d’infrastructures écologiques calculées sur le mode des SET (surfaces équivalent topographiques). La seconde option pour y parvenir consistait à respecter des indicateurs de résultats sur quatre thématiques : la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et celle de l’irrigation. Agriculteur à Ver-sur-Launette, Yves Chéron a rempli les conditions de la HVE sur tous les tableaux au final.
L’aventure de la HVE
« J’ai tenté l’aventure de l’obtention de la HVE pour me prendre au jeu, remarque l’agriculteur. J’ai transformé les handicaps de mon exploitation en atouts pour cette certification. » Car celle-ci est de taille modeste : 43 hectares dont 13 de prairies et des parcelles enclavées entre des secteurs boisés et une abondance de haies. Il n’irrigue pas et possède un élevage de 260 brebis (pour 450 agneaux) qui procure 60 % de son chiffre d’affaires. Pour les critères de SET et de biodiversité, l’exploitation d’Yves Chéron n’a eu aucun mal à entrer dans les clous.
Pour ses cultures, l’obstacle majeur a été les produits phytosanitaires. « Dans le but de diminuer les IFT, j’ai rejoint le groupe de fermes de références de la région suivies par la chambre d’agriculture et Agro-Transfert qui travaillent à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Et j’ai suivi une formation en protection intégrée des cultures avec la chambre d’agriculture de l’Oise. En trois ans, je suis passé d’une note de 5 sur la stratégie phyto à 11,1 » (NDLR : il faut obtenir une note de 10 au minimum). Plus concrètement, l’IFT de l’exploitation est inférieur de 38 % par rapport à la référence régionale sur les herbicides et de 68 % pour les autres produits pesticides. Le retard de semis de céréales, la modification de sa rotation culturale (betterave – blé – colza – blé), l’utilisation d’outils de désherbage mécanique (bineuse autoguidée) et localisés sont parmi les éléments qui ont permis à Yves Chéron de réduire drastiquement son utilisation de pesticides. Fin 2012, avec tous les indicateurs au vert, l’exploitation d’Yves Chéron pouvait être certifiée HVE. Son expérience peut-elle se transposer à une exploitation spécialisée en grandes cultures de plus de 100 hectares ? C’est difficile.
Inégalités entre productions
« Les grandes cultures sont désavantagées par rapport à d’autres productions pour l’obtention d’une HVE, notamment sur le poids des intrants qui doit être de moins de 30 % du chiffre d’affaires global, note Éric Demazeau. Yves Chéron atteignait 29,3 % alors qu’il a mis en place nombre de mesures de réduction des produits phytosanitaires notamment. Dans les systèmes de grandes cultures et de polyculture élevage conventionnels, nous sommes plutôt sur des niveaux de 40 % alors que dans d’autres productions agricoles, la viticulture de Champagne par exemple, ce chiffre est de quelques pourcents. » La forte valeur ajoutée de certains produits agricoles pèse sur ce critère. Résultat, dans les 70 exploitations agricoles ayant obtenu la HVE en France, une large majorité se rapporte à la viticulture.
« Nous sommes conscients, que certains indicateurs du niveau 3 (HVE) peuvent ne pas être complètement adaptés à certaines productions agricoles. Nous avons créé un groupe technique pour expertiser les indicateurs de la HVE au regard de l’expérience acquise du terrain dans le but de les adapter au mieux aux différents territoires et filières, informe Loïc Schio. Une première réunion a eu lieu en octobre. » Le mode de calcul des indicateurs n’est pas figé. Les critères pour l’obtention de la HVE en grandes cultures pourraient être assouplis. Pour un véritable décollage ?