Gagner plus en travaillant moins : le collectif gagnant de trois agriculteurs
Trois agriculteurs unissent leurs moyens et leur énergie pour développer leur activité. Le groupement d’employeurs qu’ils viennent de constituer permet de sécuriser leurs projets.
Trois agriculteurs unissent leurs moyens et leur énergie pour développer leur activité. Le groupement d’employeurs qu’ils viennent de constituer permet de sécuriser leurs projets.
Mutualiser pour voir plus grand et gagner plus tout en gardant du temps pour soi : tel est le credo de Mickaël Dupeyron, agriculteur à Hères, petite commune de la vallée de l’Adour (Hautes-Pyrénées). Avec sa sœur Vanessa, agricultrice sur la même commune, et son filleul et voisin Raphaël Descat, il multiplie les projets en commun pour valoriser au mieux leurs 360 hectares composés de maïs, tournesol, céréales à paille et soja. C’est également dans cet objectif de diversification et de consolidation des revenus que chacun a converti une partie de sa surface en bio.
Une unité de séchage et de stockage collective
Leur réalisation collective la plus ambitieuse à ce jour est la création d’une unité de séchage, triage et stockage à façon de maïs et céréales en productions biologiques, d’une capacité de stockage de 7 500 tonnes. Montée par eux-mêmes durant l’hiver 2017-2018, l’installation leur permet, ainsi qu’aux agriculteurs voisins, de sécher leur production de maïs et céréales en maîtrisant les coûts de séchage. Personne n’est lié à un organisme stockeur et chacun peut proposer ses lots à l’opérateur de son choix. « Cela nous permet d’amener un produit fini au bout. Pour cette activité, nous nous sommes associés au sein d’une société en 2016, la SARL de Bernède, mais le séchoir était devenu trop petit et nous avons décidé d’investir », raconte Mickaël Dupeyron. L’investissement est conséquent : 1,6 million d’euros.
« Pour mener à bien ce projet, nous avons extrapolé les données connues sur les dix ans à venir, explique Claude Masounave, consultant au cabinet Exco FSO, du groupement AgirAgri, à Maubourguet. Cette étude prévisionnelle a permis aux agriculteurs de mesurer la rentabilité de leur projet, d’identifier les paramètres clés de réussite et d’évaluer si leurs objectifs pouvaient être atteints. » Dans le cas du séchoir, un accord conclu avec Euralis sur le long terme a été déterminant. La coopérative s’est engagée à faire sécher et stocker du maïs et céréales bio sur une durée de sept ans et à prix fixe.
Face à la multiplication des tâches, des activités et des structures, une remise à plat de l’organisation s’est imposée. « À nous trois, nous totalisons neuf structures juridiques et nous employons deux salariés, sans compter nos parents qui donnent régulièrement un coup de main, explique Raphaël. Jusqu’à présent, chacun d’entre nous employait du personnel. Pendant les pics de travail, nous travaillions ensemble et cela revenait à faire travailler un salarié sur une structure qui n’était pas son employeur. » Quoique pratique au quotidien, ce fonctionnement ne pouvait perdurer longtemps. En septembre 2020, les trois agriculteurs ont constitué un groupement d’employeurs, lequel est opérationnel depuis janvier 2021.
Le groupement d’employeurs a résolu plusieurs problèmes
Le groupement d’employeurs a embauché les salariés des exploitations qui sont mis à disposition des membres du groupement. Les employeurs sont sereins. « Nous gérons le personnel au sein d’une structure unique et cela me facilite la vie », détaille Vanessa, qui assure la gestion administrative du groupement. La structure a également permis de proposer des CDI à temps plein aux salariés, jusqu’à présent employés en CDD. Un point fort quand on souhaite conserver des profils compétents et motivés.
« Le groupement a également permis d’embaucher le père de Mickaël et Vanessa. À la retraite, il continue de nous aider et il est important de lui assurer une couverture juridique et sociale en cas de souci », explique Raphaël. Une problématique d’autant plus vive que la notion d’entraide familiale, admise lorsqu’un retraité aide son fils installé sur la ferme familiale, est interprétée de façon restrictive par la caisse régionale de la MSA. Pour l’organisme, l’entraide n’existe qu’entre personnes physiques et n’est donc pas possible lorsque le fils est gérant d’une EARL ou d’une SCEA. Le groupement d’employeurs résout plusieurs problèmes à la fois.
Après l’ETA, l’assolement en commun
Pour aller plus loin dans la mutualisation, les associés comptent mettre en commun leur matériel au sein d’une ETA, en cours de constitution. Les caractéristiques de la future entreprise, de nature commerciale et assujettie à l’impôt sur les sociétés (IS), permettront d’optimiser le coût du matériel, de réaliser des gains de productivité, et d’acheter du matériel performant. Cela ouvre aussi des perspectives de prestations de service, alors que la demande de travaux par des tiers est croissante.
En attendant, chacun investit de son côté mais en dimensionnant l’investissement en fonction du travail à effectuer sur l’ensemble des structures. Raphaël a acheté une herse étrille, Vanessa a opté pour une houe rotative. Quant à Mickaël, il a jeté son dévolu sur un tracteur avec guidage GPS. « Plutôt que chacun d’entre nous ait son matériel, nous préférons avoir deux bras de plus, embaucher un salarié, mutualiser et disposer d’un peu de temps libre », résume Mickaël Dupeyron. Pour y parvenir, les associés ont déjà leur prochain projet en tête : mettre en place un assolement en commun.