Fertilisation : de la litière forestière pour réduire l’utilisation de produits phytosanitaires en agriculture
Utiliser la matière organique forestière pour enrichir les sols agricoles : cette démarche innovante, pilotée par leur négoce Dupré-Lardeau, est testée par les frères Feignon, agriculteurs dans l’Indre.
Utiliser la matière organique forestière pour enrichir les sols agricoles : cette démarche innovante, pilotée par leur négoce Dupré-Lardeau, est testée par les frères Feignon, agriculteurs dans l’Indre.
Elle ressemble à s’y méprendre à une recette de potion magique, avec une odeur de bière qui sent bon la fermentation. La lifofer, pour litière forestière fermentée, se confectionne avec des résidus forestiers, du petit-lait, de la mélasse, du son de blé et de l’eau. Et son pouvoir serait d’enrichir le sol en microorganismes favorables à la croissance des plantes, à l’amélioration des propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol, et au contrôle des maladies et ravageurs.
À Rivarennes dans l’Indre, deux agriculteurs se sont lancés dans cette démarche innovante dont la finalité est de limiter le recours aux produits phytosanitaires de synthèse. « Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions mais pour cette première année d’utilisation, avec un apport au stade 4-6 feuilles, nous avons pu constater visuellement les effets bénéfiques de la Lifofer sur la croissance du tournesol », relate Jean-François Feignon, en Gaec avec son frère Régis.
Un pouvoir de régénération et de dépollution
Pour ces polyculteurs-éleveurs de l’Indre, qui pratiquent l’agriculture de conservation des sols depuis de nombreuses années, cette technique joue en faveur de la santé des sols via leur régénération et leur dépollution. L’idée n’est pourtant pas nouvelle, elle est d’ailleurs pratiquée en Amérique latine, où les coûts des engrais ont incité certains agriculteurs à y renoncer au profit de méthodes alternatives moins onéreuses.
Pour favoriser la croissance des cultures, l’apport de ce mélange de microorganismes dits efficaces (bactéries, levures et champignons) interfère sur l’équilibre microbiologique des sols. Pour le négoce Dupré-Lardeau, qui pilote un groupe d’une dizaine d’agriculteurs volontaires pour tester la pratique, l’enjeu de la dégradation de la qualité des sols mérite de tenter ce type d’approches qui ne nécessitent pas d’investissement.
30 kg de résidus forestiers pour fabriquer 4 000 litres de produits
Pour fabriquer la lifofer, il faut tout d’abord s’armer de deux gros seaux pour aller en forêt ramasser environ 30 kg de résidus forestiers. Ce choix n’est pas neutre : l’idée est de transposer les capacités autofertiles du sol forestier aux sols agricoles, avec des éléments autochtones. Cette litière doit ensuite être mélangée avec le son de blé, fourni par le négoce. Après ce brassage, place à la fermentation, qui va durer près d’un mois, durant lequel le mélange devra être maintenu dans un contenant bien hermétique à une température d’environ 25 °C.
« L’idéal est de fabriquer la lifofer durant l’été pour une application à l’automne », conseille Nicolas Lemane, conseiller technique au sein du négoce. À l’image d’un sachet de thé, le mélange doit être versé dans un sac de jute pour le faire infuser pendant 7 jours à 25 °C dans une cuve de 1 000 litres contenant de la mélasse de canne à sucre, de l’eau potable non chlorée, et du petit-lait. Ce dernier ingrédient provient d’une fromagerie du coin.
L’opération pouvant être renouvelée quatre fois, 4 000 litres de produit peuvent ainsi être obtenus à partir de 30 kg de matière forestière. Afin d’être pulvérisée, la lifofer est ensuite diluée à 5 à 10 % du volume de bouillie. Le produit obtenu s’épand le soir, car elle est photosensible. Jean-François et Régis Feignon comptent bien étendre cette nouvelle pratique à l’ensemble de la ferme.
Les ingrédients de la Lifofer
- Une litière en cours de décomposition provenant de sols forestiers.
- Du petit-lait : source de bactéries lactiques.
- De la mélasse de canne à sucre (facilement fermentable).
- Du son de blé pour avoir une source d’amidon et de fibres.
- De l’eau.