OLÉAGINEUX
Europe cherche graines de colza
Pour la première fois depuis dix ans, le volume de colza
trituré en Europe va reculer. La faute à une offre en graines insuffisante
pour répondre à la demande.
La panne sèche pour les triturateurs européens ? Après une dizaine d’années de croissance quasi ininterrompue, la quantité de colza écrasée dans les usines européennes va marquer le pas en 2010-2011. Le moteur de la demande — le biodiesel, 70 % des débouchés — continue de ronfler. Mais l’offre en graines vient de mettre un sévère coup de frein. Résultat : « le bilan du colza européen est très tendu, avec des stocks faibles, explique Sébastien Poncelet, de la société de conseil Agritel. Depuis plusieurs années, la trituration a progressé d’environ 10 % par an, et la production de graines n’a pas suivi en 2010. »
RATIONNEMENT DES UTILISATIONS
La campagne qui débute sera celle de la rupture. Cet été, la France et l’Allemagne, les deux plus gros fournisseurs de graines au sein de l’Union européenne (UE), n’ont engrangé respectivement que 4,7 et 5,6 millions de tonnes (Mt) de colza. Des tonnages tirés vers le bas par des rendements médiocres, mais aussi, en France, par une stagnation des surfaces. Celles-ci ne parviennent pas à franchir le cap des 1,5 million d’hectares où elles plafonnent depuis 2006. Le recours aux importations risque d’être insuffisant pour équilibrer le bilan communautaire. Le marché international est en effet tout aussi tendu qu’en Europe. Le Canada, premier exportateur mondial, a vu ses disponibilités réduites sous l’effet des pluies diluviennes qui se sont abattues sur le pays cet été. Les triturateurs européens rechignent en outre à solliciter la collecte canadienne,OGM à plus de 80 %. L’Australie, autre grande nation de colza, devrait être largement sollicitée par ses voisins, notamment asiatiques. Reste l’Ukraine. Kiev exporte la quasi-totalité de sa production et joue habituellement le rôle de variable d’ajustement du bilan européen.
Mais cette année, les incertitudes planent sur le niveau des expéditions après une récolte en demi-teinte. Les triturateurs européens devront donc jouer serrés s’ils ne veulent pas voir leurs usines tourner au ralenti. Déjà, le Conseil international des céréales anticipe une trituration de colza de 21,8 millions de tonnes cette année dans l’UE, contre 22,9 Mt la campagne passée. « Si l’on veut maintenir un niveau de stock minimum, cela passera par un rationnement des utilisations, ce qui se fera par les prix », assure Sébastien Poncelet, en écartant la possibilité d’un report massif sur le tournesol. « De grosses tensions se préparent en huile de tournesol à l’échelle mondiale, avec une forte baisse de rendement annoncée en Russie et en Ukraine, et des rumeurs d’embargo sur les exportations », prévientil.
Pour assouvir leur soif d’huile végétale, les utilisateurs européens devront donc mettre en place des schémas de substitution. Seul élément de détente sur le complexe mondial des oléagineux : la forte disponibilité en huile de soja, notamment sur le continent américain. Cette huile est en grande partie substituable au tournesol et au colza pour l’estérification.
FLOU ARTISTIQUE
« Mais toute la question réside désormais dans les critères de durabilité qui seront exigés par Bruxelles pour les biocarburants à partir de janvier 2011, souligne un responsable industriel. Pourra-t-on utiliser ces produits d’importations ? Là, c’est le flou artistique. » Car s’il fait peu de doutes que la production communautaire passera sans mal sous les fourches caudines de la durabilité, rien n’est moins sûr pour les autres origines. Il va falloir s’y faire : « l’Union européenne sera structurellement déficitaire en graines de colza dans les années qui viennent », assure Sébastien Poncelet. Agritel pronostique déjà une récolte de colza limitée en Ukraine pour 2011 suite à une météo défavorable au moment des semis, tandis qu’on évoque un recul des surfaces de 5 à 7 % en Allemagne. Le regain de fermeté du prix du colza, dans la foulée de celui du blé, en juillet, devrait donc jouer les prolongations.
BIOCARBURANTS
La contractualisation à la peine pour le Diester
La contractualisation proposée par Diester Industrie pour conquérir des surfaces en oléagineux n’a pas eu le succès escompté. Le nouveau système devait pallier la suppression de l’aide aux cultures énergétiques. « Le niveau de contractualisation pour la filière Diester Industrie est décevant, reconnaît Xavier Beulin, président de l’interprofession des oléagineux. Les organismes collecteurs n’ont pas souscrit un volume aussi important qu’espéré. » En 2010, seulement 950000 tonnes de colza et 90000 tonnes de tournesol oléique ont été engagées pour Diester Industrie. Cela représente un équivalent surface de 340 000 hectares pour les deux cultures, soit le quart des besoins en huile de la filière. L’accord interprofessionnel, qui tablait sur une contractualisation du tiers des surfaces hexagonales, en prévoyait deux fois plus.
Communication tardive et perspectives de prix à la hausse seraient les principales causes de l’échec. « On ne peut pas revendiquer la contractualisation quand les prix sont déprimés et reprendre son autonomie quand ils remontent, grince Xavier Beulin. Surtout que la filière non alimentaire a depuis plusieurs années un effet évident sur la bonne tenue des cours des oléagineux. Attention à ne pas se retrouver comme en Allemagne, où des industriels ont déjà tourné à la moitié de leur capacité, allant jusqu’à la fermeture de sites. »
« Le problème, c’est que l’on considère les agriculteurs comme de simples fournisseurs, alors qu’ils sont actionnaires, rétorque un directeur de coopérative. Diester Industrie prône la mutualisation quand ça l’arrange, mais justifie la non redistribution des bénéfices très importants certaines années au nom de la nécessité de réinvestir. » La contractualisation, pourtant prônée par tous, demeure un excercie d’équilibriste.