Entreprises de travaux agricoles : pourquoi la délégation monte en puissance ?
La délégation de travaux des champs à une entreprise monte en puissance ces dernières années. Une tendance qui s’explique notamment par l’augmentation des surfaces mais aussi par la volonté d’accéder à du matériel performant de plus en plus coûteux.
La délégation de travaux des champs à une entreprise monte en puissance ces dernières années. Une tendance qui s’explique notamment par l’augmentation des surfaces mais aussi par la volonté d’accéder à du matériel performant de plus en plus coûteux.
Pendant longtemps, la délégation des travaux agricoles à une entreprise a surtout concerné de petites exploitations qui n’avaient pas la possibilité d’investir dans du matériel. Désormais, tous types d’exploitations y ont recours pour déléguer tout ou partie de leurs travaux des champs. « On est passé d’une délégation de capacité à une délégation stratégique », avance Guillaume Legonidec, chargé des travaux agricoles et environnementaux à la Fédération nationale des entrepreneurs de territoire (FNEDT), reprenant l’analyse du sociologue François Purseigle. « En cinq ans, on constate une augmentation de 15 % des volumes de prestations réalisées », confirme Marine Dambrine, déléguée régionale des EDT Hauts-de-France.
Se recentrer sur une activité à valeur ajoutée
De plus en plus d’exploitations ayant des surfaces importantes de grandes cultures délèguent car elles ne sont plus en mesure de tout faire elle-même, notamment à cause du manque de main-d’œuvre. « On constate que l’augmentation de la délégation est corrélée à l’augmentation des surfaces », observe Théo Zoutard, conseiller d’entreprise au Cerfrance Seine Normandie.
L’agriculteur peut également faire appel à la délégation pour se recentrer sur une activité à plus forte valeur ajoutée comme un atelier d’élevage, de la transformation ou encore de la vente directe.
Le coût du matériel fait réfléchir
La question du matériel est aussi prépondérante dans le choix de déléguer, à la fois d’un point de vue technique et économique. Sur le plan technique, en faisant appel à une entreprise de travaux agricoles (ETA) qui investit régulièrement dans du matériel neuf, l’agriculteur aura accès à des technologies plus récentes qu’avec son propre matériel qu’il doit en général garder plus longtemps pour des raisons d’amortissement. En outre, depuis deux ans, le coût du matériel a explosé avec une augmentation moyenne des prix de 30 %. Ce contexte rend de plus en plus difficile pour des exploitations de taille moyenne de renouveler leur matériel. « Certains types de matériels, y compris le matériel de récolte ou d’épandage, sont devenus inaccessibles, parfois même à des fermes de 90 ou 100 hectares », note Marine Dambrine.
Pallier le manque de main-d’œuvre
Par ailleurs, les difficultés de recrutement des exploitants agricoles participent à l’augmentation de la délégation. « Les entrepreneurs peinent aussi à recruter mais ce sont historiquement des employeurs de main-d’œuvre qui sont organisés pour gérer ces aspects », précise Guillaume Legonidec. En effet, si le nombre d’ETA a légèrement augmenté en dix ans, passant de 13 000 structures en 2010 à 14 300 en 2020, le nombre de salariés a, lui, fortement progressé, puisqu’il est passé, durant la même période, de 58 500 à plus de 90 000. Sur les 21 000 ETA comptabilisées en 2020 en France d’après la FNEDT, environ la moitié était employeuse de main-d’œuvre.
De nouvelles prestations qui montent en puissance
Parmi les prestations réalisées par les ETA, les travaux de récolte et épandages restent majoritaires. Pour autant, de nouveaux besoins apparaissent. Les demandes en pulvérisation se développent avec l’objectif pour l’agriculteur d’aller vers du matériel plus performant (la part moyenne de la pulvérisation dans les travaux agricoles est passée de 6 % en 2013 à 7,2 % en 2023 d’après une enquête de Marketing direct agricole (MDA) menée en 2023). « Des pulvérisateurs de pointe, équipés de caméras et de capteurs pour intervenir de manière ultralocalisée, commencent à faire leur apparition, constate Guillaume Legonidec. Étant donné leur coût, ce sont surtout les entrepreneurs qui pourront se permettre de tels investissements. » Il estime que le modèle économique autour de ce type de prestations est en train de se construire.
Ces aspects techniques et économiques ne sont pas les seules raisons. « La réglementation est de plus en plus lourde pour épandre des produits phytosanitaires », pointe Freddy Preel, délégué régional des EDT Normandie. Certains agriculteurs préfèrent donc déléguer cette tâche, s’épargnant ainsi l’obtention du Certiphyto et les contraintes liées aux horaires d’application. La délégation de la pulvérisation permet aussi, dans certains cas, de s’appuyer sur le système assurantiel des ETA en cas de problèmes avec l’application d’un produit. « Il ne faut pas non plus négliger la dimension sociétale, évoque Guillaume Legonidec. Certains professionnels investis dans leur territoire n’ont pas forcément envie d’être vus en train de pulvériser. »
Les ETA notent aussi une progression des demandes autour des semis. « Cela permet d’avoir accès à des semoirs de précision, souvent trop coûteux pour un agriculteur seul, avance Marine Dambrine. Des entreprises se spécialisent avec les compétences adaptées. » Les prestations de travail du sol progressent également puisqu’elles sont passées de 12 % des travaux agricoles réalisés par les ETA en 2013 à 14,7 % en 2023. « Certains agriculteurs ont recours à l’ETA pour se laisser le temps de découvrir une nouvelle technique ou une nouvelle production sans investir tout de suite dans du matériel », souligne Guillaume Legonidec.