Désherbage céréales : « nous utilisons un ensemble de moyens agronomiques pour venir à bout du ray-grass »
Si l’introduction de cultures d’été dans la rotation culturale est un bon moyen de réduire la pression du ray-grass dans les céréales d’hiver, les autres moyens agronomiques ne sont pas à négliger. Témoignages chez deux exploitations agricoles.
Si l’introduction de cultures d’été dans la rotation culturale est un bon moyen de réduire la pression du ray-grass dans les céréales d’hiver, les autres moyens agronomiques ne sont pas à négliger. Témoignages chez deux exploitations agricoles.
« Le semis sur un sol propre est primordial. » Agriculteurs à Oizon, dans le nord du Cher, Alain et Ludovic Hamel usent de tous les moyens pour réduire les infestations de ray-grass au minimum. « Nous avons eu par le passé des infestations de ray-grass sur certaines zones qui réduisaient le rendement du blé de moitié tout en les versant, relatent les producteurs. Nous ne connaissons plus ce type de situation même si la graminée est toujours présente. »
La diversification de l’assolement cultural a été une première étape pour lutter contre cette adventice. Il y a plus de quinze ans, l’exploitation était sur une rotation blé-colza depuis de nombreuses années. Confrontés à un problème de hernie des crucifères sur colza, les agriculteurs ont introduit de l’orge d’hiver pour allonger la rotation. À cette époque, les antigraminées foliaires de type Archipel étaient encore efficaces sur ray-grass. À partir de 2012, des populations résistantes ont fait leur apparition. Le tournesol a été ajouté à la rotation, même si les terres froides du secteur se prêtent difficilement aux cultures de printemps. « Cette culture casse bien le cycle du ray-grass. Si elle est bien implantée, elle couvre vite le rang et étouffe rapidement les levées de la graminée. Nous positionnons le tournesol systématiquement derrière les blés les plus sales en graminées », précise Alain Hamel.
Un décalage des semis de blé d’une quinzaine de jours
Les blés sont semés après le 10 octobre alors qu’ils l’étaient dès la fin septembre il y a dix ou quinze ans. « Nous semons un mélange de variétés mi-précoces à mi-tardives (Complice, Winner, Arcachon, Pacteo) avec une densité augmentée à plus de 350 grains/m2 (au lieu de 300 grains/m2 pour des semis de fin septembre) », détaille Ludovic Hamel. Les variétés les plus tardives comme Boregar ont disparu du paysage dans la région. « Avec ces semis un peu plus tardifs, on a davantage de chance d’avoir un sol humide sur lequel l’action antigerminative des herbicides employés sera plus efficace », remarque l’agriculteur.
Dans leur nouvelle rotation, les agriculteurs tirent parti de l’interculture pour détruire adventices et limaces. Un déchaumage est réalisé systématiquement après la récolte du colza pour mélanger les résidus de culture à la terre et faire lever les adventices. Un second déchaumage faisant office de faux-semis est effectué fin août ou début septembre selon les conditions météorologiques. « S’il n’y a pas de pluie, nous n’intervenons pas car l’on risque de produire de la terre très fine avec des menaces de battance derrière pénalisant la qualité de semis de la céréale », mentionne Alain Hamel.
Un coût de traitement de post-levée jugé peu rentable
Au plus près du semis, un traitement à 3 l/ha de glyphosate (1 080 g/ha) élimine les ray-grass levés. Puis, un désherbage chimique systématique au semis complète la destruction des graminées. « Nous recourons au mélange Défi + Codix à 2,5 l/ha, qui apporte satisfaction pour un coût de 60 euros par hectare. La lutte chimique contre le ray-grass se limite à cette intervention, indiquent les deux agriculteurs. Nous avons testé Fosburi en post-levée précoce, en complément. Mais cette application ne ferait gagner que 5 à 10 % d’efficacité en ray-grass pour un coût de 45 euros par hectare. Nous avons estimé que c’était trop cher par rapport à ce que cela pouvait rapporter. »
« Nos résultats d’essais montrent qu’en année humide, le complément avec un traitement à base de Fosburi (flufenacet) n’apporte pas de gain significatif d’efficacité (comme en 2022-2023), précise Mathieu Cloup, conseiller à l’Ucata, qui suit un groupe 30 000 de 15 agriculteurs sur le raisonnement du désherbage. Par contre, en année sèche où les produits racinaires agissent moins bien, le gain peut être élevé comme en 2021-2022 avec plus de 15 % de gain d’efficacité en moyenne par rapport à un seul traitement de prélevée dont la performance était moyenne (75 %). »
Sans compter le coût modique de l’application du glyphosate, le poste de désherbage a été réduit de moitié par rapport à l’époque de la rotation blé-colza, où un rattrapage de printemps s’ajoutait à l’intervention d’automne. Le désherbage chimique coûtait alors 100 à 120 euros par hectare.
« Depuis cinq ans, le blé tendre est revenu à 75 q/ha en rendement, soit 5 q/ha regagnés, estiment Alain et Ludovic Hamel. Il n’est plus pénalisé par le ray-grass, qui est maintenu à un niveau peu concurrentiel grâce à l’ensemble des moyens agronomiques mis en œuvre. » Malgré tout, l’introduction d’une nouvelle culture comme le tournesol n’est pas toujours couronnée de succès en termes de rendement.
« Chez les agriculteurs adhérents de l’Ucata, les blé et colza sont les cultures qui dégagent les meilleures marges brutes, avec une moyenne supérieure à 900 euros par hectare sur les cinq campagnes de 2017 à 2021, précise Mathieu Cloup. Les autres cultures sont à moins de 800 euros par hectare et le tournesol ne se situe qu’à 650 euros par hectare. Mais l’introduction du tournesol améliore la marge du blé sur les exploitations concernées. »
EN CHIFFRE
300 hectares sur des sols hydromorphes et froids
300 hectares au Gaec du Boulay, à Oizon (Cher) avec Alain et Ludovic Hamel
150 hectares en blé tendre, 30 à 40 en orge d’hiver, 80 à 110 en colza, 40 en tournesol
80 % des parcelles drainées avec sol de limon battant hydromorphe (non-labour)
75 q/ha de rendement en blé en 2023, 32 q/ha en colza