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Choisir ses engrais azotés selon leur rapport qualité-prix

L’offre en engrais est pléthorique. Il est parfois difficile de faire le bon choix. Voici les points forts et points faibles de trois produits phares : l'ammonitrate, l’urée et la solution azotée.

Solide ou liquide ? Urée ou ammonitrate ? Le choix est toujours cornélien et les avantages économiques ne sont pas toujours clairs. Souvent plus onéreux, les ammonitrates représentent la majorité du marché des engrais. Ils sont composés pour moitié d’azote ammoniacal et pour l’autre moitié d’azote nitrique. Ce dernier est directement assimilable par la plante et présente par conséquent moins de risque de pertes. De plus, il est soluble dans l’eau. Sous forme solide, l’ammonitrate s’applique avec un épandeur centrifuge. Le granulé ayant une densité de 1,1, la perte par volatilisation à l’épandage est moins importante qu’avec d’autres engrais. « Les ammonitrates sont produits en Europe et le marché reste donc local, explique Philippe Eveillard, directeur agriculture, environnement et statistiques à l’Unifa (union des industries de la fertilisation). 90 % des ammonitrates sont vendus sous forme d’azote minéral pur. Les 10 % restants sont enrichis de soufre, de potassium ou de phosphore. » La part de marché de l’ammonitrate baisse en faveur de l’urée, moins chère (voir exemple ci-contre), et de la solution azotée.

L’urée est composée pour sa part uniquement d’azote uréique. Avant d’être assimilable par la plante, celui-ci subit trois transformations. La perte d’azote est donc potentiellement plus importante. Présentée sous forme de granulés, l’urée a une densité de 0,9, donc plus légère que les ammonitrates. Comme ces derniers, l’urée est appliquée à l’aide d’un épandeur centrifuge mais elle est plus volatile : sa répartition est donc plus hasardeuse. On peut retrouver des problèmes d’homogénéité de rendements ou de développement de la plante dans la parcelle lorsque l’application d’engrais est faite en conditions venteuses. En cas d'humidité, le risque de pertes diminue car cet engrais est soluble avec l’eau. « L’urée est produite en petite quantité en Europe et les principales sources sont les pays tiers, ajoute Philippe Eveillard. L’Asie, l’Algérie, l’Égypte, la Russie, le Qatar ou encore le Nigeria ont considérablement augmenté leur production. » Plus simple à fabriquer que l’ammonitrate, l’urée est meilleur marché. Elle représente 18 % des engrais azotés vendus en France.

L’ammonitrate plus avantageux dans de bonnes conditions météo

Pour réduire les pertes d’azote ammoniacal ou uréique, Arvalis préconise d’incorporer ces types d’engrais au sol, de les épandre sur de la végétation développée, lorsque l’hygrométrie est importante et la température basse. « Les ammonitrates ont un avantage prix lorsque les conditions météorologiques sont optimales », estime le directeur de l’Unifa.

La solution azotée est de son côté principalement utilisée dans le bassin parisien et le nord de la France. Son stockage nécessite une cuve et demande donc un investissement. « Le coût est accessible et le stockage est vite rentabilisé », estime le directeur de l’Unifa. La solution azotée, qui représente 35 % du marché, est composée de 50 % d’azote uréique, 25 % d'azote ammoniacal et 25 % d'azote nitrique. Elle est donc facilement assimilable par les plantes. S’il faut faire des frais pour la stocker, l’application s’effectue avec des pulvérisateurs à grandes largeurs. Il est donc possible d’utiliser le même matériel que pour l’application de produits phytosanitaires. Toutefois, selon l’Unifa, « en comparaison avec les ammonitrates, la solution azotée et l’urée sont moins efficaces ». L’efficacité d’un engrais se mesure sur le rendement du blé et son taux de protéines, qui sont les deux éléments de valorisation des céréales.

Un marché mondial de l’azote

Avec la solution azotée, il faut faire attention aux conditions d’épandage. Le risque de brûlures est important lorsque la plante est déjà bien développée et ce, d’autant plus si les conditions météorologiques sont séchantes. « Souvent, les agriculteurs qui utilisent la solution azotée, l’appliquent pour les deux premiers apports, le dernier étant réalisé sous forme d’ammonitrate pour ne pas risquer de brûler la plante », constate Odile Tauvel, conseillère à la chambre d’agriculture de l’Eure. Retenue pour sa praticité, la solution est pulvérisée et sa répartition sur la parcelle est homogène. C’est un confort d’utilisation. Elle peut être également employée lorsque l’azote est enfoui dans le sol, avant les semis par exemple.

En achetant de l’urée ou de la solution azotée, les agriculteurs se confrontent au marché mondial de l’azote, influencé par de nombreux facteurs. Le prix du gaz pèse pour 50 % dans le prix de vente des engrais azotés, le gaz naturel étant la principale matière première utilisée pour leur fabrication. Le prix des céréales, qui joue énormément sur les décisions des agriculteurs et leurs achats d’intrants, fait lui aussi fluctuer les cours. De nombreux autres facteurs ont un impact : la croissance économique des pays producteurs d’engrais, la conjoncture, les aléas climatiques… Très gros consommateurs d’urée et de solution azotée, la Chine et l’Amérique du Sud ont beaucoup d'influence sur ces marchés, alors que la France, aujourd’hui, ne représente pas plus de 2 % du marché mondial. Pour davantage de transparence, un marché à terme cotant la solution azotée a vu le jour il y a un an chez Euronext. Il est basé sur le prix d’une solution azotée générique. Les prix sont en euros et le point de livraison a été défini à Rouen. Le marché couvre des cotations à plus de deux ans et les échéances initiales sont mars, juin, septembre et novembre.

Une morte-saison moins marquée

La conjoncture et les prix de blé étant depuis 2008 très fluctuants, il est difficile d’identifier une morte-saison : les prix varient en permanence, d’autant plus que le marché de l’ammoniac, constituant des engrais, est lui aussi très volatil. « Il y a encore une morte-saison, moins marquée qu’auparavant, remarque Philippe Eveillard. Elle s’étend de février à juin." Il y a alors un besoin de stockage, qui lui aussi a un coût. Parce qu’il est compliqué d'y voir clair dans un marché mondial avec peu de visibilité, il est conseillé de se positionner le plus tôt possible.

Les distributeurs offrent des services en plus

De nombreux sites internet proposent l’achat d’engrais en ligne. Il suffit de choisir son produit, de déterminer son lieu de livraison et le paiement se fait après la livraison. Reste que dans une région comme l'Auvergne, par exemple, le recours au distributeur reste majoritaire. « Dans notre région, la majorité des agriculteurs se fournissent en engrais chez leurs coopératives ou négociants, constate Christophe Chabalier, conseiller productions végétales à la chambre d’agriculture du Cantal. La plupart achètent toujours leurs intrants via les technico-commerciaux. » Les distributeurs associent à la vente d'engrais des services. Une coopérative peut proposer, par exemple, un paiement en décembre pour une livraison en juin. Autre argument, souvent décisif : s’il manque de la marchandise, l’agriculteur peut se fournir rapidement au silo le plus proche et ne bloque pas son chantier. À titre indicatif, une tonne d’urée 46 est vendue 270 €/t en coopérative contre 240 €/t sur internet livrée en vrac et 260 €/t livrée en bigbag. Ces tarifs varient selon le lieu et la date de livraison.

Urée ou ammonitrate, peu de différences notables

Christian Grais est agriculteur dans le Cantal. Il décide de comparer les différences de coût de deux engrais : l’ammonitrate 33.5 et l’urée 46. L’ammonitrate est composé de 17,5 % d’azote nitrique et 17,5 % d’azote ammoniacal. L’urée est composée à 46 % d’azote. Sans élevage, Christian n’apporte que de l’azote sur sa culture de blé. Après un reliquat azoté son calcul indique un besoin de 135 unités/ha.

En calculant, il obtient le tableau 1 ci-dessous :

Après sa récolte, il compare ses résultats par rapport à un témoin où il n’a pas appliqué d’azote.

Tableau 2

Christian Grais note peu de différence entre les deux types d’azote. Avec l’urée, le rendement est supérieur de 19 q/ha et le taux de protéines est de 14 % au lieu de 11,6 %. Avec l’ammonitrate, le rendement est passé de 41,1 à 60,5 q/ha et le taux de protéines est de 13,8 %.

En comparant les résultats économiques, la différence est de 13 €/ha en faveur de l’urée.

Avec un prix du blé à 150 €/t, la différence représente à peine 1 quintal. Dans son contexte pédo-climatique, Christian estime qu’aucune différence n’est notable entre les deux types d’engrais azotés.

Exemple réalisé avec l’aide de la chambre d’agriculture du Cantal.

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