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Céder son exploitation agricole à ses enfants avec équité

Dernier projet de la vie professionnelle d’un exploitant, la transmission de son exploitation à un enfant est une décision parfois brouillée par l’affectif. Pérenniser l’exploitation tout en s’assurant un revenu correct pour sa retraite sans léser l’un de ses enfants, le défi est lourd. Des leviers existent pour assurer un minimum d’équité.

Céder son exploitation à l’un de ses enfants sans léser les autres peut s’avérer un vrai dilemme. Le cédant peut avoir tendance à favoriser le preneur afin que l’exploitation soit viable mais il doit garder l’équité entre les frères et sœurs de ce dernier. D’ailleurs, la notion d’équité entre héritiers est inscrite dans le Code civil. « Il faut prévoir la cession longtemps à l’avance, confie Christophe Hérold, juriste à la Cogep du Calvados. Il doit y avoir un consensus autour du projet de transmission de l’exploitation avec tous les membres de la famille. Dans l’esprit commun, l’équité revient à partager de manière identique les biens. Mais il faut prendre en compte le besoin et l’intérêt des personnes envers tel ou tel bien. »

La situation diffère également lorsque le patrimoine du cédant est monolithique et ne comprend que du foncier agricole par exemple, par rapport au cas où le patrimoine est diversifié. Tout dépend également de la rentabilité de l’exploitation et du besoin du cédant de compléter sa retraite. Toutefois, pour garder l’équité dans une fratrie, des leviers existent.

1. L’évaluation de l’exploitation

« Lors d’une cession, il y a des biens à transmettre qu’il faut valoriser, explique Claude Serieye, conseiller de gestion au Cerfrance Haute-Garonne. Cette valorisation peut se faire par une donation ou une vente, voire les deux. Dans notre région, la vente est rare puisque la plupart des exploitations ne dégagent pas assez de revenus. La donation partielle ou totale offre souvent la meilleure solution. »

Dans le cas d’une cession dans un cadre familial, l’évaluation de l’exploitation représente la marge de manœuvre. L’estimation de la valeur se fait selon la rentabilité de l’outil de production, la disponibilité du foncier et le marché. Selon les régions, le foncier s’évalue différemment. En Haute-Garonne par exemple, la valeur du bail n’est quasiment pas monétisée, alors que dans le Nord de la France les pas-de-porte peuvent représenter des sommes importantes. Dans le Calvados, la valeur du foncier bâti et notamment celle des corps de ferme est à prendre en compte.

« Il faut savoir dans ce cas, si la valorisation de ce patrimoine est possible, précise Christophe Hérold. Il ne faut pas non plus que ces bâtiments représentent un fardeau pour le preneur. C’est à ce moment-là qu’il est important d’avoir un consensus avec la fratrie. » Car la valeur de l’exploitation reste subjective. « Elle peut fausser l’équité, admet Claude Serieye. Dans le cadre familial, on retient souvent la valeur basse quitte à faire de même pour les autres biens de l’exploitant. » Dans le cas d’une donation, le preneur devra une soulte à ses frères et sœurs. Comme une dette, cette somme représente une compensation due aux frères et sœurs du preneur. « Le preneur doit alors effectuer un prêt ou avoir assez de liquidité pour rembourser cette soulte », ajoute le conseiller de gestion.

2. Partager en lots

Si l’exploitant ne possède pas d’autres biens que son exploitation, la solution envisagée peut être le partage du foncier en propriété bâtie ou non bâtie. « Le partage familial pose alors des difficultés sur le plan financier, poursuit Claude Serieye. Le foncier agricole n’est pas très liquide et c’est un capital bloqué. Pour la plupart des enfants qui ne souhaitent pas être agriculteurs, ce sont des biens qui ne se valorisent pas et dont on n’a pas besoin. » D’autant plus, que dans ce cas, le foncier est souvent donné en nue-propriété afin que les parents s’assurent un complément de retraite. Ils gardent alors l’usufruit. « Dans ce mode de transmission, les enfants ne jouissent du bien qu’au décès des parents », résume Claude Serieye.

Toutefois, cette répartition profite à tous les membres de la famille. Mais comment gérer des lots de parcelles lorsqu’ils sont répartis entre tous ? Selon Christophe Hérold, « afin de garder l’unité des terres, je conseille de créer un GFA (groupement foncier agricole) ». Tout comme une SCI (société civile immobilière), le GFA permet de gérer les biens fonciers tout en gardant la spécificité des biens agricoles (voir encadré).

3. Créer une société familiale

Principalement utilisé lorsque aucun des membres de la famille ne se destine à reprendre l’exploitation, la création d'une société familiale permet de transmettre son exploitation de manière plus équitable. Dans ce cas, chaque enfant a des parts dans la société. Ensemble, ils se partagent donc la rémunération du capital. Ils peuvent opter pour du travail à façon via une entreprise de travaux agricoles ou bien l’un d’eux peut décider d’être l’exploitant. Il perçoit alors une rémunération de son travail. « L’ensemble des enfants a un droit de regard sur la société, précise Claude Serieye. Ils se partagent le résultat et y participent si l’exploitation est en déficit. »

La création d’une société sous-entend que l’exploitation est rentable. La question de l’entente entre frères et sœurs est dans ce cas très importante. Autre point : ce type de société exige toujours un gérant, qu’il fasse partie de la famille ou soit extérieur. « Il ne faut pas oublier l’aspect du foncier qui peut poser problème dans ce genre de cas, rappelle le conseiller de gestion. C’est plus simple lorsque la société existe avant la transmission et quand les baux sont au nom de cette société. »

Dans tous les cas, pour Christophe Hérold, « la transmission doit être prévue très en amont, c’est à l’exploitant de prendre l’initiative d’en parler et de trancher, préconise-t-il. C’est un projet qui implique beaucoup d’affectif et qui ne mobilise pas l’engouement puisqu’il concerne sa propre disparition professionnelle. » Selon lui, un schéma de transmission peut être rectifié par la suite mais il faut avant tout que le projet familial soit défini longtemps à l’avance et qu’il soit respecté. La transmission de son exploitation est le dernier projet d’un agriculteur et pas des moindres.

Un GFA assure la pérennité de l’exploitation

Un groupement agricole foncier (GFA) permet à plusieurs personnes de détenir des biens immobiliers agricoles. Dans le cas d’un GFA familial, il permet de faciliter la transmission de patrimoine et d’en assurer la pérennité sans être démembré. Le patrimoine foncier peut alors être transformé en parts sociales, évitant ainsi l’indivision en cas de succession.

« Le législateur a mis en place une condition pour pouvoir en sortir, explique Christophe Hérold, juriste à la Cogep du Calvados. Lorsqu’un des membres souhaite vendre ses parts, ce dernier ne peut pas imposer la vente des biens pour payer la vente. Ce principe spécifique à l’agriculture permet de garder l’unité des terres. » Dans ce type de société, la responsabilité des associés est proportionnelle au capital social détenu et les apports peuvent être effectués en foncier ou numéraires. Quant à la gérance, elle est identique à celle d’une société civile immobilière.

Préparer sa transmission grâce aux donations

Des dispositifs permettent de transmettre à ces enfants des biens sans payer de droits de succession. La donation permet d’éviter de vendre ses biens à ses enfants et de payer des plus-values.

- Un abattement légal de 100 000 euros est automatiquement appliqué lorsqu’un parent transmet un bien à son enfant. Il n’est valable qu’une fois tous les dix ans.
- Une exonération à hauteur de 75 % des droits de mutation est prévue par le pacte Dutreil lorsque la donation se fait dans le cadre d'une transmission d’entreprise. En contrepartie, l’enfant s’engage à conserver les parts de l’exploitation pendant au moins quatre ans.
- Une exonération de 75 % des droits de succession sur les 100 000 premiers euros, après l’abattement légal, et de 50 % sur le reste est appliquée pour les baux longs termes sur le foncier bâti et non bâti.

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