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Agriculteurs : 8 clés pour établir un dialogue constructif avec le voisinage

Prendre l’initiative d’échanger avec ses voisins, partager son quotidien… : des solutions existent pour tisser des liens avec le voisinage et ne pas laisser s’installer les fausses idées sur le métier d’agriculteur, bien souvent à la source des conflits.

Les fermes ouvertes séduisent les enfants, mais pas qu'eux !
© Intercéréales

Sous l’effet de l’expansion des zones urbaines, les agriculteurs sont confrontés à l’incompréhension grandissante de leurs nouveaux voisins. Pour réduire ce fossé, un préalable s’impose : agir par temps calme. Vouloir entamer un dialogue à l’occasion d’un conflit est aussi vain que périlleux. Alors que s’adresser à ses voisins comme un voisin, dans le seul but de faire connaissance, jettera les ponts d’échanges potentiellement constructifs… qui s’avéreront précieux si un problème survient.

Faut-il prendre contact avec ces voisins qu’on ne connaît pas ?

Avec l’agrandissement des exploitations, on cultive de nombreuses parcelles sur plusieurs communes. Difficile dès lors de discuter avec tous ses voisins. Mais attention à ne pas être perçu comme l’agriculteur qui passe sans dire bonjour avec son gros tracteur et son pulvé au bout du jardin. S’ignorer est un terrain fécond pour l’hostilité, qui peut dégénérer en hostilité à la moindre anicroche.

Pour éviter cela, il est préférable de prendre l’initiative. « Nous étions là avant. Nous sommes souvent les descendants de familles installées là depuis plusieurs générations, rappelle Philippe Dubief, président du comité promotion communication de l’interprofession Intercéréales (ex-Passion Céréales). C’est à nous d’accueillir et de tendre la main en créant des moments pour parler, montrer, échanger. Vos invités seront souvent ravis de cette initiative. »

Comment créer ces échanges ?

Inviter les voisins sur sa ferme est une possibilité. On peut aussi s’arrêter en bout de champ et proposer de faire un tour de tracteur ou de moissonneuse-batteuse. C’est chronophage et cela ralentit le chantier, mais cela peut aussi égayer de longues journées de tracteur.

S’investir dans la vie locale est bien sûr un atout : l’engagement municipal ou associatif d’un agriculteur peut contribuer à modifier le regard que les gens posent sur son métier. Rejoindre un groupe d’agriculteurs, comme l’association Rencontre ville-campagne en Île-de-France, permet de rencontrer des dizaines d’écoliers directement dans les salles de classe.

Le meilleur outil est encore d’organiser une porte ouverte à la ferme, avec ou sans l’appui d’un réseau associatif ou syndical. « Ces événements attirent des publics très différents : les voisins, mais aussi les écoliers, les retraités, des randonneurs, des élus… Il vous suffit de bloquer une date dans l’agenda, d’activer vos réseaux (sociaux) et de déposer une invitation dans les boîtes aux lettres. Tout ça demande un peu de temps mais il n’est jamais perdu », assure Philippe Dubief.

À qui s’adresser ?

Si des associations sont actives près de chez vous, rencontrez-les et invitez-les à la ferme ouverte. L’équipe municipale peut également constituer un bon relais. Pour étoffer une visite, n’hésitez pas à commander des panneaux et plaquettes, comme celles, gratuites, proposés sur le site publications.passioncereales.fr.

Quand organiser une ferme ouverte ?

Une porte ouverte peut être organisée presque toute l’année. La fin de moisson est sûrement le meilleur moment mais c’est aussi une période de travail chargée. De ce point de vue, la mi-juin est idéale : les interventions en plaine s’interrompent et les cultures sont belles.

Quel programme prévoir ?

Parlez de votre quotidien, le plus concrètement possible. Aider vos voisins à comprendre votre contexte de travail. Pas besoin de choses sophistiquées : montrer ses machines et ses cultures suffit. Ouvrez une talle afin de montrer l’épi prêt à dégainer, et profitez-en pour rappeler à quoi sert le blé. Montrer un semoir permet d’expliquer qu’un blé pousse en 9 mois. Préparez un sac de grains des différentes cultures : ce sera le premier contact avec des graines de colza ou de maïs pour la plupart des visiteurs. Ces ateliers offrent à chacun l’occasion de poser ses questions. Votre rôle est alors d’avoir un discours clair et passionné, d’écouter et d’éviter le déni.

Et si on m’interroge sur les pesticides ?

La question des pesticides viendra et il n’est pas question de l’éviter, encore moins de la nier. Ça peut être l’occasion de dire que vous les utilisez avec précaution et discernement. « Dans cette situation, j’aime faire le parallèle entre les plantes et nos enfants. Nourrir et soigner les plantes, c’est mon métier. Je traite quand c’est nécessaire avec des produits qui sont homologués pour cela. J’utilise des applis qui me permettent de mettre les bons produits au bon moment, explique Philippe Dubief.

Pour que l’écoute s’installe, vos voisins doivent comprendre que vos préoccupations sont les mêmes que les leurs : le respect de l’environnement, le réchauffement climatique et la santé de ma famille me préoccupent moi aussi. Il faut le dire. » Les agriculteurs ne vivent pas dans un monde parallèle, hors de la société. Cela peut paraître évident, mais ça va mieux en le disant !

Y a-t-il des erreurs à ne pas commettre ?

Le pire serait de ne pas reconnaître que l’agriculture peut aussi générer nuisances, ou de dire que c’est aux autres de s’adapter. Au contraire, montrer les contraintes de son métier, les possibles erreurs, sera apprécié. Rappelez que ces désagréments sont parfois inévitables : on ne moissonne pas en plein été pour troubler les soirées entre amis ou salir les draps qui sèchent sur le fil mais pour récolter le travail d’une année, dont la qualité est fragile.

« Surtout, évitez le vocabulaire technique, compris du seul ingénieur agronome », insiste Eddy Fougier, politologue, auteur d’une note intitulée Communication agricole : la grande mutation ? C’est une erreur fréquente qui rend les messages incompréhensibles. Parlez plutôt surface que SAU, bande enherbée que ZNT, qualité que PS, protéines ou Hagberg. Une communication efficace doit avant tout être comprise par celui à qui on s’adresse.

Autre erreur : parler de vos marges, de masse salariale et de ratios économiques. La gestion et l’approche économique intéressent peu de monde et peuvent vous rendre antipathique. N’hésitez pas en revanche à évoquer votre passion pour votre métier et partager vos émotions, celles ressenties face au blé qui lève ou quand démarre la moisson.

Quels sont les risques d’une telle communication ?

« Le réel est toujours plus fort que le virtuel et il est très rare que ça se passe mal », rassure Eddy Fougier. Mais des précautions s’imposent, en particulier éviter la « montée en généralité », comme d’entrer dans un débat sur la meilleure agriculture. Expliquez plutôt le quotidien de votre exploitation : pourquoi vous moissonnez l’été, comment vous raisonnez vos apports d’engrais, ce qui justifie vos choix variétaux…

Les agriculteurs n’ont rien à perdre à aller à la rencontre de leurs voisins. Si elle devient un rendez-vous, l’opération Porte ouverte attirera de plus en plus de monde. Une faible participation lors des premières éditions ne doit donc pas être source de découragement. La société a évolué et les agriculteurs sont culturellement devenus ultra-minoritaires, même dans les petits villages. De nombreux nouveaux ruraux ignorent tout du métier d’agriculteur mais sont également curieux. À l’inverse, plus l’inaction s’installe, plus le risque augmente de se mettre à dos son voisinage, par méconnaissance mutuelle. À la source d’un conflit, il y a souvent l’ignorance.

Comment réagir face à une situation conflictuelle ?

Il arrive que le ton monte et que la communication ne soit plus possible. Certains invités peuvent adopter une posture dogmatique qui complique le dialogue. Dans ce cas, tentez de rassurer et d’expliquer qu’on ne fait pas n’importe quoi, sans aller plus loin.

Il faut se préparer à tout, y compris à une montée en tension, particulièrement si son système ne colle pas avec l’image de l’agriculture actuellement valorisée par la société. « Ça vaut le coup de réfléchir cinq minutes à ce que je ferais si le ton monte », conseille Philippe Dubief, d’Intercéréales. Lui-même a enregistré le numéro de la brigade de gendarmerie dans son répertoire téléphonique. Si la situation le permet, enregistrer l’échange avec son smartphone est précieux pour étayer une plainte auprès de la gendarmerie. Mais ne ripostez pas : vous seriez passible de poursuites.

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