Productions végétales
Adapter ses pratiques culturales pour épargner la faune sauvage
Productions végétales
Pulvérisation, irrigation, broyage, récolte, travail du sol. les pratiques agricoles ont un effet négatif sur la faune sauvage. S´il est illusoire d´annuler leur impact, on peut au moinsle réduire en adaptant son travail.
Lapins, lièvres, faisans, perdrix, outardes, cailles, alouettes, busards. ces espèces sauvages se reproduisent et vivent le clair de leur existence dans les parcelles de cultures.
« Dans les mortalités d´origine agricole sur les perdrix grises adultes, une étude montre que 39 % est dû à l´entretien des jachères et bords de champs et 26 % à la fauche des parcelles. Pour les échecs au nid, on peut estimer que 30 % sont imputables aux pratiques culturales », annonçait Paul Havet, directeur technique de l´ONCFS(1) lors d´un colloque sur l´agriculture et la faune sauvage. Il est possible de minimiser l´impact des techniques culturales sur les animaux.
Entretien des jachères
« La priorité des priorités, c´est d´interdire le broyage entre le 1er mai et le 15 juillet », souhaite Philippe Granval, de la direction du développement de l´ONCFS.
L´entretien mécanique concerne en particulier les jachères et les bords de champs. Un arrêté décidé l´an passé est toujours en discussion sur ses modalités d´applications. « Mais avec des couverts pérennes à base de fétuque élevée et de dactyle, les mauvaises herbes sont concurrencées à tel point qu´il n´y a pas de montée à graines des adventices indésirables avant le 15 juillet. C´est donc tout bénéfice pour l´agriculteur », signale Philippe Granval.
Faute d´être interdits purement et simplement, le broyage ou le fauchage peuvent être réalisés à une certaine hauteur de végétation - 20 à 30 cm - de façon à préserver les pontes, nichées et jeunes mammifères.
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Luc Barbier/ONCFS |
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« Cette pratique a l´avantage de camoufler les oeufs et les jeunes animaux des prédateurs », ajoute Christophe Jolivet, LPO(2). « S´il est possible de choisir, mieux vaut recourir à un fauchage haut qu´à un broyage qui sera toujours plus destructeur », estime de son côté Philippe Granval. « Il faut considérer que plus on laisse de végétation, plus il y a de provisions de nourriture (graines, insectes.) pour les animaux. »
Le traitement chimique apparaît comme une alternative au broyage dans l´entretien des jachères et pour empêcher les adventices indésirables de monter à graine. Pour Jean-Pierre Arnauduc, coordinateur technique de la FNC(3), « l´application de produit à base d´un herbicide total comme le glyphosate (360 g/l) à tiers de dose est efficace. Ce type de produit est peu toxique et l´entretien chimique est deux à trois fois moins coûteux que l´utilisation d´un broyeur si l´on intègre l´amortissement du matériel. De plus, le broyage à hauteur est moins efficace sur un certain type d´adventices. »
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©Jean-Bernard Puchala/ONCFS |
Sur l´entretien chimique, les préconisations de l´ONCFS sont plus nuancées. « Pour les bords de champs et jachères, nous déconseillons les traitements avec des herbicides totaux car ils ont tendance à détruire les graminées pérennes et laisser la place à des annuelles telles les bromes stériles. Ces dernières sont la cause d´échecs de techniques culturales simplifiées (TCS) pratiquées par de nombreux agriculteurs, constate Philippe Granval. Il vaut mieux intervenir avec des herbicides sélectifs mais l´idéal est de laisser les bordures telles quelles jusqu´à la date où il est autorisé de broyer. »
De son côté, la LPO ne veut pas entendre parler de traitements chimiques « qui détruisent tout le couvert végétal. »
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©Luc Barbier/ONCFS |
Récoltes des parcelles
Dans le broyage ou fauchage éventuels de la jachère, mais également dans les récoltes, une règle mise en avant pour protéger les animaux est de travailler du centre vers la périphérie de façon à permettre une fuite des individus vers l´extérieur des parcelles. Encore mieux : disposer une barre d´envol (effarouchement) à l´avant des engins agricoles. Mais ceci ne sauve pas les oeufs et les poussins. Une barre de coupe à hauteur pour les récoltes des parcelles épargnera nombre d´animaux.
Autre conseil : laisser des bandes de cultures broyées ou récoltées haut.« On peut ménager des éteules tous les 20 mètres sur quelques rangs de céréales (30 à 50 cm de large). Ce sont autant de refuges anti-prédateurs », explique Jean-Pierre Arnauduc.
Dans certains secteurs des actions de sauvegarde sont programmées lors des récoltes. Deux exemples : collaboration entre agriculteurs et fédérations de chasseurs pour le sauvetage des nids de perdrix dans les luzernières lors de la fauche et mise en incubation des oeufs puis lâchers des individus dans la nature ; intervention de bénévoles adhérents de la LPO ou d´autres associations ornithologiques locales au moment de la moisson pour le sauvetage des jeunes de busards cendrés qui nichent fréquemment au milieu des parcelles de céréales. Les jeunes rapaces sont recueillis puis remis à l´emplacement du nid. Les busards ne sont pas trop perturbés par cette intervention.
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©B. Compagnon |
Application de produits phytosanitaires
Les traitements phytosanitaires restent indispensables sur les cultures. « Avec les produits insecticides, nous conseillons d´éviter de traiter les bordures de parcelles sur 8 à 10 mètres. Les perdrix nichent dans les vingt premiers mètres et les perdreaux se nourrissent d´insectes dans les premières semaines de leur existence, explique Jean-Pierre Arnauduc. Philippe Granval ajoute à l´intention des producteurs : « garder une certaine tolérance dans la destruction des adventices en laissant un peu de dicotylédones dans les bords de parcelles. »
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©Berthoud |
Irrigation
« Nous remarquons un développement d´irrigation de plus en plus précoce sur les blés, déplore Jean-Pierre Arnauduc. Des tours d´eau avec irrigation au canon équivalent à autant d´orages s´abattant sur les nids ou les jeunes. Résultats : noyades des nids, des poussins ou hypothermie et fatigue de ces derniers qui deviennent très vulnérables. » Philippe Granval juge nécessaire « un raisonnement de l´irrigation » et conseille « d´éviter d´arroser les 7 à 8 mètres de bords de champs où se concentrent 80 % des nids de perdrix. »
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©B. Compagnon |
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Interculture
Dans la gestion des parcelles après récolte, le brûlage est fortement déconseillé. La FNC est défavorable aux déchaumages ou enfouissements trop précoces.
« Plus il y a de résidus de culture sur le sol, mieux c´est pour les animaux », considère Jean-Pierre Arnauduc. En cela, il est rejoint par Christophe Jolivet de la LPO : « Chaumes et résidus de récolte sont très intéressants pour nourrir en hiver des oiseaux jugés communs comme les linottes, verdiers, bruants jaunes, chardonnerets mais signalés en déclin en France. Les perdrix en profitent également. » Il voit d´un mauvais oeil l´enfouissement de ces chaumes et le développement de cultures intermédiaires qui lui paraissent « de la matière végétale avec peu d´insectes et de graines. »
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©D. R. |
Pour Philippe Granval, « les cultures intermédiaires peuvent être favorables à condition qu´on ne les broie pas. Beaucoup d´agriculteurs cultivent de la moutarde réputée pour favoriser les limaces qui nécessitent l´utilisation de produits dangereux pour certaines catégories d´organismes. Nous préconisons des intercultures à base de sarrasin, de mélange de graminées ou de navette, plante gélive et qui ne fleurit pas. »
Les labours provoquent la destruction de rabouillères (terriers de lapins) et de jeunes levrauts. Les techniques culturales simplifiées ont les faveurs du spécialiste de l´ONCFS. Ces TCS préservent le sol et sa faune (vers, insectes) qui est le garde-manger de beaucoup d´espèces.
(1) Office national de la chasse et de la faune sauvage.
(2) Ligue pour la protection des oiseaux.
(3) Fédération nationale des chasseurs.