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Diversification
50 hectares de lin pour tous les goûts

De la farine, des biscuits, du savon, de l’encaustique, des huiles alimentaires et techniques : les cinquante hectares de lin oléagineux trouvent une grande diversité de débouchés chez Ludovic Joiris, en région francilienne.

Ludovic Joiris, agriculteur à Corbreuse."Après le démarrage de mon huilerie en 2019, j'ai deux lignes de production pour les huiles techniques et alimentaires."
© C. Gloria

Cinquante hectares de lin oléagineux avec transformation à la ferme. Agriculteur à Corbreuse dans l’Essonne, Ludovic Joiris a trouvé à travers le lin oléagineux une culture correspondant d’abord à ses besoins agronomiques. « J’ai commencé à produire du lin en 2008-2009 sur une dizaine d’hectares car je recherchais des cultures pour diversifier ma rotation culturale. J’avais testé le lin et constaté que cette espèce se comportait bien sur mes terres pour ma pratique de l’agriculture de conservation des sols (ACS, sans labour) », se remémore le producteur.

Mais Ludovic Joiris déplore une vente des graines de lin peu rémunératrice. Qu’à cela ne tienne, il va les transformer en huile dans sa ferme, d’autant qu’il a déjà une presse à huile. Dans le courant des années 2000, l’agriculteur a surfé sur la mode de l’utilisation d’huile de colza en guise de biocarburant avec une vente en bidons à des particuliers. Mais l’effet de mode et l’intérêt pécuniaire pour les utilisateurs sont de courte durée. Il crée une structure dédiée à la production d’huiles : l’Huilerie de l’orme creux (1). « J’ai produit ma première huile de lin en 2009. En m’informant, j’avais remarqué que cette huile était la deuxième la plus utilisée en industrie, ce qui offrait une gamme assez importante de débouchés. En outre, le prix de l’huile n’est pas soumis à celui de la graine. Et puis, j’ai trouvé que l’huile de lin sentait bon… » Malgré tout, sa vente est soumise à plusieurs exigences, la première d’entre elles étant que l’huile de lin est à l’époque interdite à la consommation humaine pour raisons sanitaires.

La plus riche des huiles en oméga 3

Un avis officiel de l’Afssa (2) a depuis levé les doutes sur les risques pour la santé. L’interdiction n’a plus lieu d’être. Existant déjà avant la Seconde guerre mondiale, la commercialisation d’huile de lin vierge a repris sur le territoire français en 2010. « L’huile présente un intérêt nutritionnel en termes d’apport d’acide alpha-linolénique et c’est un produit commercialisé dans de nombreux pays (Allemagne, Canada, Chine…) sans que des effets néfastes n’aient été mis en évidence », rapporte l’Afssa. L’huile de lin est effectivement composée à plus de 50 % en acide alpha-linolénique, qui n’est autre que le fameux acide gras oméga 3, intéressant pour nos apports nutritionnels et notre santé.

L’Afssa conditionne cette commercialisation pour l’alimentation à plusieurs exigences : un conditionnement en matériau opaque avec un volume maximal de 250 ml, un inertage à l’azote avant d’obturer la bouteille, une traçabilité des lots, une durée limite d’utilisation qui ne doit pas excéder quelques mois… Ludovic Joiris applique à la lettre ces règles avec la vente de flacons opaques d’huile de lin doré (6 euros) et de lin brun (5 euros). Car en complément de ses 10 hectares de lin oléagineux destinés aux débouchés industriels, l’agriculteur a ajouté 40 hectares : du lin doré qui produit une huile plus douce et moins amère que le lin brun. Cette huile est proscrite pour la cuisson. Elle doit se consommer froide (pour l’assaisonnement) avec une utilisation optimale dans les trois mois. Elle est fragile et instable avec une tendance à rancir si on ne prend pas la précaution de la conserver au réfrigérateur et à l’abri de la lumière.

Une huile de lin alimentaire qui prend de l’essor

« Je produis 12 000 litres d’huile alimentaire à partir du lin de mes parcelles et 30 000 litres d’huile de lin technique (vendue 96 euros le bidon de 30 litres) en rachetant des graines à des agriculteurs voisins qui sont en ACS, ce qui représente 80-85 % de cette production, précise l’agriculteur. L’huile technique constitue la majeure partie de mes ventes d’huile avec une utilisation pour le traitement hydrofuge des surfaces poreuses (bois, carrelages…) ou comme liant pour les peintures… Mais l’huile alimentaire commence à monter en flèche. » Le producteur vend sur les marchés franciliens ses produits ou sur les salons de producteurs. Salariée de l’exploitation, Laure Corbin démarche également des épiceries fines pour placer ses produits de confection locale (lire encadré). Les productions issues du lin – pas que de l’huile – représentent de 20 à 35 % du chiffre d’affaires de l’EARL Joiris. De quoi mettre beaucoup de beurre dans les épinards.

(1) Site web : www.h-o-c.fr(2) Agence française de sécurité sanitaire des aliments (ex-Anses).

Entre les régions du Hurepoix et de la Beauce

• EARL Joiris avec Ludovic Joiris et deux salariés : Jean-François Laurent et Laure Corbin (mi-temps)

• 288 ha dont 50 de lin oléagineux de printemps, 110 de blé tendre, 50 de colza, 35 de pois fourrager, 10-15 de féverole, 6-7 de lentille, 4 de tournesol, 4 de millet…

• Deuxième quinzaine d’août pour la récolte du lin semé fin mars, avec un rendement de 18 q/ha en moyenne si aucun souci de production. Charges opérationnelles : ??? euros.

• Rotation type : lin/colza/blé tendre/protéagineux/blé tendre

De la farine sans gluten… au savon noir

À partir du tourteau de lin alimentaire (mais aussi de chanvre, de cameline…), Ludovic Joiris produit de la farine sans gluten grâce à l’acquisition d’un broyeur et d’un tamiseur. Il la vend en direct à la ferme (6 euros pour un paquet de 500 g de farine de lin doré par exemple), sur les marchés, dans des salons de producteurs ou via un site internet (20 % des ventes), ainsi que des biscuits qui sont confectionnés par l’entreprise, Les deux gourmands, située à Crespières, non loin de la ferme. Il propose également du savon noir liquide ou mou, produit sur l’exploitation à raison de 2000 à 3 000 litres par an (huile + potasse + eau), ce qui génère de la valeur ajoutée (18,5 euros le bidon de 4,5 l) par rapport à l’huile seule. L’agriculteur dispose d’un pétrain chauffant pour ce faire. « L’idée du savon noir m’est venue d’une personne de l’association 'Saveurs et traditions du terroir de l’Essonne' et cela se vend bien en sa qualité de détergeant naturel », remarque l’agriculteur. Le lin va jusqu’à se retrouver dans de l’encaustique et… des graines pour oiseaux. Une salle de production, deux presses à huile, un filtre s’ajoutent aux investissements (??? euros) avec des équipements d’occasions trouvés à des prix modiques sur le site Le bon coin !

L’ACS sur les étiquettes

Adepte du semis direct depuis plusieurs années, Ludovic Joiris est l’un des plus fervents partisans de l’agriculture de conservation des sols (ACS). « Je mets en avant ce mode de production agricole sur les étiquettes en mentionnant 'produits issus majoritairement de l’agriculture de conservation des sols'. Cela interpelle les gens et je leur explique que ce type d’agriculture recrée une fertilité naturelle des sols et contribue à capter le CO2 de l’air. » Les rotations longues, les mélanges de variétés et le bouleversement minimal du sol lui ont permis de gagner sur plusieurs tableaux avec des bénéfices pour l’environnement : économies de carburants et de pesticides, amélioration du taux de matière organique du sol et de sa vie biologique. L’exploitation est intégrée au réseau des fermes Dephy.

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