Tour de plaine
Gel/chute des températures : peu de craintes pour les céréales mais davantage pour le colza
Les températures ces derniers jours ont parfois pu descendre sous les -5 °C, et ce plusieurs nuits d’affilée, dans certaines régions de l’Hexagone.
Les températures ces derniers jours ont parfois pu descendre sous les -5 °C, et ce plusieurs nuits d’affilée, dans certaines régions de l’Hexagone.
S’il est encore tôt pour réellement évaluer les effets du froid (arrivé en début de semaine) sur les cultures, quelques tendances peuvent déjà se dégager. Les experts contactés dressent pour l’instant le constat suivant : le développement des cultures de céréales, mis à part quelques secteurs localisés, ne devrait guère être pénalisé par les basses températures. Les inquiétudes se reportent davantage sur les colzas, voire sur le blé dur dans le Sud-Est.
Jean-Charles Deswarte, ingénieur d’Arvalis, explique que « les températures les plus basses ont été observées dans une grosse moitié nord-est de la France, sous les 5 °C ». Toutefois, « plus la plante est à un stade avancé de développement, plus elle est vulnérable aux dégâts de gel. Dans le Nord-Est, les cultures sont au stade épi 1 cm, susceptibles de résister à des températures de -7 °C, donc assez bien protégées. C’est dans la moitié sud et façade ouest, où le stade dernière feuille est souvent atteint, que les préoccupations sont plus importantes, les plantes ne résistant pas à des températures sous les 0 °C », alerte-t-il.
Le froid certes, mais n’oublions pas le sec…
Le froid fait oublier le fait que les cultures ont reçu peu de précipitations depuis février, rappelle Vincent Braak, analyste de Stratégie Grains. Jean-Charles Deswarte confirme, rajoutant une préoccupation supplémentaire dans le sud de la France, très peu arrosé : « il y a des inquiétudes sur l’état des blés dur dans le Sud-Est, en Camargue notamment ». Une note d’Arvalis du 7 avril indique également que si les orges de printemps sont davantage protégées, car à un stade peu avancé de développement, les orges d’hiver ont un risque plus élevé d’être affectées par les basses températures.
Mais fort heureusement, Vincent Braak rappelle que les implantations ont été très réussies dans l’ensemble, permettant aux plantes de développer des racines pouvant aller chercher l’eau en profondeur, et donc de mieux résister au sec mais aussi au froid =. De plus, « des pluies sont attendues en fin de semaine 14. Elles arriveraient un peu tard, mais seraient salutaires pour favoriser la montaison, notamment dans le Sud-Ouest », où le déficit hydrique a été marqué.
Jean-Charles Deswarte explique de son côté que la situation actuelle lui rappelle un peu celle de 2017, où des dégâts de gel tardif avaient été constatées, mais seulement localement. Avec une différence toutefois : « les températures en 2017 n’avaient pas varié autant. Cette année, nous sommes parfois passées à des températures aux alentours de 25°C à moins de 0°C en une semaine ! Nous n’arrivons pas très bien à cerner les effets de telles variations de températures sur les cultures ».
Deux semaines environ pour évaluer précisément les dégâts de gel tardif...
Ce qui ne l’empêche de tempérer ses propos : malgré des incertitudes, l’état des cultures de céréales est plutôt bon dans l’ensemble. « Il peut y avoir des pertes de feuilles, de tiges, mais les plantes ont des capacités de compensation. Il y aura des dégâts, mais ils devraient être localisés. Ainsi, une parcelle située dans un endroit où l’air est froid sera pénalisée, au contraire d’une autre moins exposée 200 mètres plus loin (…) On rapporte également des basses températures dans le Centre (Auvergne notamment), mais cela est davantage dû à un effet d’altitude », rappelle le spécialiste d’Arvalis. Reste à savoir si la météo sera favorable d’ici à juillet prochain. « Il faudra deux semaines environ pour évaluer les dégâts du gel (pertes de feuilles, de tiges etc.) », précise par ailleurs Jean-Charles Deswarte.
Production française de blé tendre 2021 à 36,3 Mt-38,8 Mt ?
Ainsi, malgré le froid et le manque de pluies, « nous restons à ce jour plutôt optimistes pour les potentiels de rendement des blés tendres et d’orges », indique Vincent Braak. Si la récolte 2021 d’orge est attendue en rebond modéré, compte tenu de la baisse annuelle des surfaces, l’analyste estime « qu’une volumineuse récolte de blé tendre reste de mise. Pour l’instant, nous tablons sur une hausse de 25 % voire 33 % par rapport à l’an dernier, en fonction des rendements ». Rappelons que selon Agreste, la production hexagonale 2020 est estimée à 29,1 Mt. Cela donnerait pour 2021 une récolte française comprise entre 36,3 Mt et 38,8 Mt.
Le colza suscite davantage de préoccupations. Vincent Braak rappelle que la culture oléagineuse, contrairement aux céréales, n’a pas bénéficié de bonnes conditions d’implantations. Ajoutons à cela une forte pression de ravageurs. « L’ensemble des évènements négatifs pourrait amoindrir les rendements de façon très hétérogène. Ce mot hétérogène devient finalement au fil des années la norme pour décrire l’état des cultures tant les conditions climatiques sont de plus en plus fluctuantes », constate l’expert.
Toutefois, Terres Inovia, dans un tweet du 8 avril, explique que « les premières observations réalisées les 7 et 8 avril 2021 nous rassurent quant à l’intensité des dégâts de gel, même s’il faudra suivre l’évolution des cultures dans les prochaines semaines ».
Une récolte de colza sous les 3 Mt ?
Pour le moment, Stratégie Grains maintient sa prévision de sole hexagonale 2020 de colza (récolte 2021) légèrement supérieure à 960 000 ha, et une production supérieure à 3 Mt. « Nous préférons pour l’instant rester prudents même si l’impact sur les floraisons est certain dans de grandes zones. Le colza a fait preuve d’une surprenante capacité de compensation avec des floraisons secondaires bien marquées lors de campagnes passées », témoigne Vincent Braak. Toutefois, « passer sous la barre des 3 Mt est tout à fait possible, en cas d’incident climatique fort », alerte l’analyste.