Tomate : quelles pistes de recherche contre le chancre bactérien ?
Le chancre bactérien mobilise la recherche. L’Aprel et ses partenaires ont travaillé à proposer un outil de diagnostic fiable et rapide de la bactérie responsable de cette maladie, ainsi qu’à identifier des produits de désinfection et de biocontrôle efficaces.
Le chancre bactérien mobilise la recherche. L’Aprel et ses partenaires ont travaillé à proposer un outil de diagnostic fiable et rapide de la bactérie responsable de cette maladie, ainsi qu’à identifier des produits de désinfection et de biocontrôle efficaces.
Clavibacter michiganensis subsp. michiganensis (Cmm) est l’agent responsable du chancre bactérien sur tomate. Les épidémies dues à cette bactérie, imprévisibles et sporadiques, entraînent des dépérissements de plantes sur des zones plus ou moins étendues. La dissémination s’effectue par les semences, par contact, par les ouvertures naturelles et les vaisseaux conducteurs. La bactérie peut survivre sur les résidus de culture, dans l’eau et sur les matériaux inertes (structure de serre, gouttière, bâche hors-sol, goutteur…).
Il n’existe pas de moyen de lutte curatif contre le Cmm en culture et seules des mesures de prophylaxie, très contraignantes, permettent de contenir partiellement les foyers déclarés. Le diagnostic de Cmm ne se fait qu’à l’apparition de symptômes de flétrissements qui marquent un stade déjà avancé de la contamination. Un diagnostic précoce et fiable permettrait d’orienter rapidement le producteur vers la mise en œuvre des méthodes de prophylaxie. Aujourd’hui, il existe des « tests bandelettes » pour un diagnostic rapide sur le terrain, mais la spécificité de ces tests est parfois questionnée.
Développement d’un outil de détection
Le projet Clavinnov (2018-2022) mené par l’Aprel en partenariat avec l’INRAE d’Avignon (unité de Pathologie Végétale), Rougeline et les CETA maraîchers a ainsi pour but de proposer un outil innovant de détection du Cmm, fiable, rapide et utilisable sur le terrain. Mais il cherche aussi à recenser les cas de Cmm et les leviers mobilisés par les producteurs, ainsi que proposer des solutions de désinfection et de biocontrôle pour diminuer l’impact de la maladie en culture de tomates.
Après une étude bibliographique, plusieurs méthodes de détection du Cmm ont été testées et évaluées au laboratoire d’INRAE sur trois paramètres : spécificité, sensibilité (quantité de bactéries nécessaires au minimum pour qu’elles soient détectées par le test) et répétabilité (simplicité, rapidité et robustesse pour une mise en œuvre sur le terrain). La méthode retenue est la méthode LAMP, une technique d’amplification isothermique de l’ADN de la bactérie, avec des amorces ciblant le Cmm. La lecture du test se fait par colorimétrie : un test positif vire au jaune, un test négatif reste rose. Des protocoles ont été développés pour réaliser des prélèvements sur plante et sur surfaces inertes dans les parcelles concernées par le Cmm. À la suite des prélèvements, les manipulations sont réalisées dans des locaux équipés au minimum d’une balance, d’un bloc chauffant, d’une centrifugeuse et d’un vortex. La sensibilité et la spécificité du test sont meilleures que les tests bandelettes.
Des efficacités in vitro
Concernant les méthodes de protection, plusieurs produits sont utilisés ou utilisables par les producteurs pour désinfecter les structures, les outils et les mains. L’efficacité de ces produits contre le Cmm a été évaluée par des tests in vitro au laboratoire (INRAE), avec différentes concentrations de produits et des temps d’incubation variables, définis selon les recommandations des fournisseurs et des données de la littérature (voir schéma).
Des essais ont également été réalisés sur des produits de biocontrôle, dans le but de rechercher des solutions préventives à appliquer dans les cultures pour freiner le développement de Cmm. Dans un premier temps, des tests in vitro ont été réalisés à l'INRAE pour évaluer et comparer les effets inhibiteurs de la croissance de Cmm par plusieurs produits. Ils ne permettent pas d’extrapoler les résultats et de prédire leur efficacité en situation de terrain mais ces premiers résultats ont permis d’orienter le choix de produits pouvant être testés dans un second temps sur le terrain.
Ainsi, en conditions in vitro, la bouillie bordelaise induit un effet inhibiteur sur la croissance de Cmm, l’effet augmente avec la concentration de bouillie bordelaise et le temps d’incubation avec les bactéries. Les produits de biocontrôle testés, AmyloX, Rhapsody, RiseP, et Serenade Max, inhibent en boîte de Pétri la croissance de Cmm. L’inhibition est variable selon la concentration de l’agent de biocontrôle.
Des premiers essais en serre de production
En serre de production (Aprel), un dispositif avec deux modalités « zone témoin non traitée » et « zone traitée » a été mis en place en 2021 et 2022 par l’Aprel. La difficulté de ce dispositif réside dans à la contamination très aléatoire du pathogène à l’échelle d’une parcelle. Trois sites, choisis parmi les sites sensibles identifiés dans la région, ont reçu des applications du produit Rise P à base de Bacillus amyloliquefaciens. Les applications se sont faites tous les mois au goutte-à-goutte à partir du mois de janvier (plantations des cultures mi-novembre).
En 2021, aucun symptôme de Cmm n’a été observé dans les deux parcelles, ce qui ne permet pas de conclure sur l’efficacité du traitement. En deuxième année (2022), des symptômes de Cmm sont apparus dans la modalité non traitée seulement, ce qui est encourageant mais il est difficile de déterminer si la parcelle traitée a été épargnée grâce à l’application de Rise P ou si le Cmm n’était pas présent dans ce bloc. Pour la saison 2023, des tests sur échantillon de plantes pourront être réalisés par l’Aprel.
Aurélie Rousselin, Claire Goillon, (Aprel), Christelle Lacroix (INRAE Avignon)
Suivi des cas en Provence
Vingt cas de Cmm ont été recensés dans le réseau Aprel de 2018 à 2021. La problématique du Cmm concerne aussi bien les cultures en sol que hors-sol, avec ou sans recyclage des eaux de drainage. Les variétés de tomate présentes dans les parcelles touchées sont diverses, ainsi que l’origine des plants. Les symptômes apparaissent tout au long de la saison, souvent à partir des premières récoltes. Les intensités de contamination sont variables, certaines parcelles présentant moins de 1 % des plantes atteintes et d’autres plus de 20 %. La désinfection des outils avec différents produits et le vide sanitaire pour les cultures hors-sol sont les mesures de prophylaxie couramment pratiquées. Les tests pour confirmer le diagnostic sont réalisés dans seulement la moitié des cas. Il s’agit principalement de tests bandelettes.