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Moins travailler les sols agricoles pour une meilleure fertilité

La conservation des sols fait des émules. De plus en plus de producteurs, chercheurs et conseillers préconisent de ne pas travailler les sols agricoles afin d’améliorer leur fertilité.

 © RFL
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Travailler le moins possible les sols pour mieux les conserver. La thématique de la conservation des sols trouve de plus en plus d’écho, aussi bien chez les producteurs que chez les conseillers et les chercheurs. En témoigne la forte affluence lors du colloque organisé à Montpellier en janvier par la Fédération des fruits et légumes d’Occitanie, les Chambres d’agriculture de la région, la chaire Agrosys et le collectif « Pour une agriculture du vivant ». « A force d’être dans un système centré sur la plante, on a oublié son lien avec les micro-organismes du sol », évoque Marc-André Solosse, microbiologiste au Muséum national d’histoire naturelle, lors de cette journée. « En termes de biomasse, la vie bactérienne s’est effondrée. Mais on a encore une diversité taxonomique qui n’a pas vraiment été altérée. On peut encore inverser la tendance, il n’y a pas de sols morts », assure le spécialiste. « On constate un renouveau de l’intérêt pour la faune du sol depuis quelques années, souligne Mickael Hedde, Supagro/Inrae (UMR Eco & Sol). L’activité scientifique augmente sur ce sujet, il y a une prise de conscience globale. On peut aujourd’hui représenter la faune du sol sur des cartes. Mais attention, on a encore besoin d’améliorer nos connaissances. Pour avoir un sol avec de très bonnes qualités agronomiques, il est important de comprendre comment fonctionne l’activité biologique, et donc comment les micro-organismes interagissent en réseau ». Pour les différents intervenants de la journée, un moindre travail du sol est le levier principal d’une amélioration de sa fertilité. « En travaillant le sol, on diminue sa porosité et on perturbe l’habitat des organismes qui y vivent. Plus l’intensité du travail du sol est importante, plus la diversité fonctionnelle du sol diminue », note Mickael Hedde.

Les couverts végétaux, levier n°1 de l’ACS

« Plus un sol est profond, plus il est fertile, ajoute Jean-Pierre Sarthou (Ensat, Inrae). Or, 50 % des sols agricoles sont dégradés à très dégradés. Il y a une perte de fertilité par perte de profondeur des sols. L’érosion des sols est aggravée par le travail du sol intensif ». Pour contrer cette érosion, le chercheur a exposé les vertus de l’agriculture de conservation des sols (ACS). Celle-ci, d’abord développée en grandes cultures, consiste à toujours couvrir le sol en installant une culture derrière une autre, sans travail du sol. « Ainsi, l’érosion est quasi nulle, proche de la vitesse de formation des sols, assure Jean-Pierre Sarthou. En ACS, on favorise les vers de terre et les nématodes plus qu’en bio ou en conventionnel. La bioporosité est beaucoup plus importante et peut être utilisée par les racines des plantes pour aller plus en profondeur. » Selon le chercheur, l’ACS favorise aussi l’économie d’eau car un sol couvert chauffe beaucoup moins et perd donc moins d’eau qu’un sol nu. Les couverts végétaux sont le levier n°1 de l’ACS pour stocker du carbone sous forme d’humus dans le sol. Pour lancer la machine, un apport de biomasse exogène à C/N élevé comme du compost est nécessaire. « Par la suite, la biomasse est produite sur place ». Les performances de l’ACS en font, selon le chercheur, une approche adaptée au changement climatique. Alors, l’agriculture de conservation des sols ne présenterait que des avantages ? « Ce sont des systèmes difficiles à conduire, nuance Jean-Pierre Sarthou. Surtout, leurs performances dépendent de leur ancienneté. Les systèmes ACS anciens sont très fonctionnels. »

400 fermes en maraîchage sur sol vivant

Autre approche basée sur le non-travail du sol, le réseau « maraîchage sur sol vivant » a émergé il y a un peu plus de dix ans en Normandie, avec pour ambition de remettre la vie du sol au cœur du système de culture maraîcher. Les fermes du réseau, qui seraient près de 400 en France, ont pour piliers le non-travail du sol, une couverture végétale permanente et l’apport d’amendements organiques. Installé depuis cinq ans en maraîchage sur sol vivant, Vincent Levavasseur décrit des membres qui se mobilisent fortement grâce aux réseaux sociaux et aux nouvelles technologies, avec pour principe un libre partage des informations. « En maraîchage sur sol vivant, la fertilité du sol n’est pas induite uniquement par les couverts végétaux, indique Vincent Levavasseur. Contrairement aux systèmes en ACS, la matière organique remonte très vite, et tous les bénéfices associés ». L’approche nécessite toutefois un apport important de matière organique, de l’ordre de 20 t de matière sèche par hectare et par an.

 

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Trois outils pour observer son sol

Test bêche

 
Il permet d’observer la structure du sol de façon très peu coûteuse. Sa prise en main est assez rapide. Très utilisé par les producteurs et les conseillers, il constitue une alternative simplifiée du profil de sol. Il permet de comparer les sols de différentes parcelles. C’est aussi un très bon outil d’animation. Il nécessite d’être réalisé dans un sol bien ressuyé et se limite à l’horizon de surface. De plus, il est difficile à mettre en œuvre sur les sols caillouteux.

 

Profil de sol

 
Avec le profil de sol, on va beaucoup plus finement dans l’observation de la structure du sol. En verger, il permet d’observer précisément l’enracinement. Comme le test bêche, il est un bon moyen d’observation à la fois physique et biologique des sols. Mais en allant beaucoup plus profondément dans le sol il permet de visualiser ses différents horizons. Cet outil de diagnostic est cependant assez lourd à mettre en œuvre et nécessite un apprentissage pour une description efficace.

 

Slake test

Ce test de résistance à l’eau des agrégats est très simple à mettre en œuvre. Il permet de visualiser la stabilité structurale du sol face à une situation de forte pluie. Il consiste à placer une motte de terre dans une passoire et à la plonger dans un tube d’eau. La stabilité des agrégats dans l’eau est un indicateur indirect de l’activité biologique du sol. Cette méthode est cependant sensible aux variations de pH.

 

Un échantillonnage participatif des vers de terre de France

En 1972, Marcel Bouché a réalisé un inventaire des espèces de lombrics sur plus de 1 400 sites répartis en France métropolitaine. L’ancien directeur de recherche à l’Inra a consacré pratiquement toute sa carrière professionnelle aux vers de terre. Près de cinquante ans après ses échantillonnages qui avaient permis de décrire plus d’une centaine d’espèces, une deuxième phase d’observations va venir faire écho aux premières données. En effet, le réseau Tebis (réseau sur les Traits écologiques et biologiques des organismes du sol) piloté par l’Inra propose de retourner sur les lieux d’échantillonnages de 1972 et d’y observer les espèces présentes. L’objectif de ce projet participatif, #Vers2022, est ainsi d’observer l’évolution de la répartition de la diversité des espèces lombriciennes cinquante ans après l’état des lieux initial produit par Marcel Bouché. Pour participer à l’échantillonnage, vous pouvez contacter le réseau Tebis à l’adresse tebis.bouche2022@gmail.com, puis réaliser un test bêche Vers de terre, et enfin faire parvenir au réseau les animaux collectés, fixés dans de l’éthanol, ainsi que 500 g de sol.

 

Panorama des outils de gestion des sols en verger

 
L’utilisation d’indicateurs de terrain fiables et reproductibles de l’activité biologique des sols est un enjeu majeur en arboriculture fruitière comme dans les autres filières. Le Gis Fruits a constitué un groupe de travail consacré à la thématique des sols en verger et les conditions du maintien de leur fertilité. Les actions du groupe se sont appuyées sur une enquête réalisée en 2017, qui a permis de collecter les témoignages de 123 producteurs et techniciens. Les attentes majeures identifiées dans l’enquête concernaient d’une part les outils et d’autre part une meilleure connaissance de l’effet de certaines pratiques liées au sol. Après six mois de recherches bibliographiques, des interviews d’acteurs de terrain, et l’organisation d’un séminaire participatif, un rapport de synthèse est paru à l’automne 2019. Dans celui-ci ont notamment été recensés les outils disponibles, toutes filières confondues, pour faire des diagnostics de la qualité du sol/de l’état nutritionnel de l’arbre, ou pour piloter les pratiques culturales. Au total, 251 outils, indicateurs ou méthodes d’évaluation, utilisés en recherche ou par les producteurs ont été compilés dans une base de données. Le principe général de chaque outil y est décrit. Trois colonnes permettent d’apporter des informations complémentaires : précisions sur le fonctionnement, limites d’utilisations et première évaluation pointant les avantages et inconvénients les plus mentionnés dans la littérature. Parmi les 251 outils et méthodes compilés, 57 % sont mobilisés sur le compartiment sol. Les autres concernent le compartiment aérien à l’échelle de la plante cultivée (14 %), des couverts végétaux (2 %) ou du système de culture (27 %). Ils concernent toutes les approches visant à appréhender le fonctionnement du sol via les réactions observées au niveau des végétaux dans la partie aérienne. Le rapport de synthèse et la base de données sont librement accessibles sur le site du Gis Fruits.
 

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