Rien n'arrête l'avocat
Cet été, l'avocat Hass a encore battu des records en Europe, que ce soit en volumes ou en prix.
Cet été, l'avocat Hass a encore battu des records en Europe, que ce soit en volumes ou en prix.
S'il est bien un fruit qui défie toutes les lois de l'économie, c'est bien l'avocat Hass, battant son propre record chaque année. Plus il y a de volumes sur les marchés européens, plus les prix montent ! « L'Europe consomme de plus en plus et de plus en plus cher, souligne Gabriel Burunat, président-directeur général de Commercial Fruits. On pense qu'il y a un déficit de volume mais il n'y en a pas ; c'est la demande qui est très importante. » Cet été, pendant 14 semaines consécutives, le marché européen a absorbé entre 2 et 2,5 millions de colis (de 4 kg) par semaine. « En semaine 20, les volumes sont montés à 2,890 millions de colis et on ne s'en est même pas rendu compte !, s'exclame-t-il. Il y a encore quatre ans, on estimait la limite du marché européen à 1,2 million de colis par semaine pour garder un prix raisonnable de 7-8 €/colis. Lorsqu'on atteignait 1,5 million de colis, on était en crise, avec des prix à 4 €/colis. Aujourd'hui, on dépasse les 2 millions de colis avec des prix record ! »
Un marché d'été élevé en prix mais compliqué à gérer
Le marché d'été s'est très bien déroulé, avec une hausse de 20-30 % en volume et une progression du même ordre en prix. « Les prix cet été ont été historiquement hauts, environ 1,50 €/colis plus élevés que l'année dernière », souligne Philippe Mendez, directeur général de RG France. Les cours se situaient même entre 10 et 13 €/colis dans les bons calibres (16-18-20) cet été. « Cette tendance haussière s'est même raffermie en septembre avec des prix supérieurs à 13 € », précise Olivier Fakhri, directeur commercial chez Georges Helfer. En revanche, le marché a été compliqué à gérer en termes d'approvisionnement. « Il y a eu beaucoup de différences entre le prévisionnel et le réel sur l'origine Pérou, explique Anthony Langlais, import manager chez AZ France. Jusqu'en février-mars de l'année dernière, les Péruviens prévoyaient une croissance de l'ordre de 18 %. Toute la filière a donc fait les plannings en conséquence. Au final, les volumes étaient moins importants, les Péruviens ont commencé en avance. En termes de prix, on imaginait une situation semblable à celle de l'année dernière, mais le marché n'a quasiment pas baissé. De gros calibres étaient comme habituellement prévus, ils étaient en réalité plus petits. »
A la fin de la campagne d'hémisphère Sud, en septembre, les prix ont continué à se raffermir, et ont été supérieurs à 13 €/colis dans les bons calibres.
« Le marché a donné l'impression d'être sous-approvisionné, que ce soit en Pérou, Afrique du Sud ou même Kenya, analyse Olivier Fakhri. Les raisons sont diverses : moins de volumes en raison notamment de l'alternance, mais surtout moins de fruits pour l'Europe : des marchés s'ouvrent (Asie, Amérique latine), le marché américain est très bon cette année. »
Les exportateurs péruviens ont chargé très tôt (températures hautes en raison d'El Niño et bon marché européen) et la qualité des premiers fruits (jusqu'en juin) était moyenne. Le Kenya (de juillet à septembre) a eu une belle qualité et des bons calibres (18-20). A noter que la campagne de Kenya précoce (immature) de mars à juin a été particulièrement laborieuse.
Des perspectives d'hiver inquiétantes en termes de sourcing
Les trois origines d'été (Pérou, Afrique du Sud, Kenya) se sont terminées très tôt. Le Kenya devrait être présent jusqu'à mi-octobre avec de petits volumes chez Georges Helfer. Les Péruviens, pour une fois, n'ont pas retenu les volumes et terminent tranquillement. Chez RG France, les dernières ventes d'avocats d'hémisphère Sud ont eu lieu fin septembre. « Chez AZ France, nous avons eu notre dernière livraison du Pérou (un ou deux conteneurs) en semaine 40 (début octobre), alors que depuis deux-trois ans des fruits étaient disponibles tout octobre, précise Anthony Langlais. On a dû activer le Mexique plus tôt, début août. Début septembre, certains opérateurs avaient déjà démarré le Chili. » Les premiers fruits du Mexique arrivés en Europe depuis la mi-août ont montré une très belle qualité. « A voir en octobre-novembre lors du changement de zone de récolte, précise Anthony Langlais. De manière générale, la qualité a beaucoup progressé suite au travail de professionnalisation des acteurs, qui se fait entre les producteurs et la station. » Le Mexique est potentiellement disponible toute l'année. Mi-septembre, cette origine était entre deux floraisons (“flora loca” et “aventejado”). « Il y a un cap entre deux récoltes, et comme il a plu beaucoup, notamment au Michoacán et à Jalisco, les disponibilités de fruits au Mexique ont été extrêmement réduites sur le mois de septembre. En octobre, l'Europe manque de fruits. Ce sera aussi tendu en novembre. Les prix devraient être très élevés », explique Olivier Fakhri.
• Olivier Fakhri, directeur commercial chez Georges Helfer. L'entreprise représente environ 8 000 t d'avocats, principalement du Pérou et du Kenya l'été, et du Mexique à 90 % l'hiver.
• Gabriel Burunat, président-directeur général de Commercial Fruits. L'entreprise représente environ 10 000 t d'avocats sur l'année, dont 5 0006 000 t du Pérou.
• Anthony Langlais, import manager chez AZ France. Le tonnage prévisionnel du groupe pour 2016 est de 11 500-12 000 t, (+ 15-16 % comparé au réel 2015, face à un marché demandeur). La première origine travaillée est le Mexique (avec une filière implantée depuis 1998). Le Pérou est sourcé pour le printemps et l'été, et le Chili l'hiver, complétés par d'autres origines en fonction des disponibilités.
• Philippe Mendez, directeur général de RG France. La filiale française de l'espagnol Reyes Gutiérrez entame sa quatrième année d'existence, avec « une croissance en avocat de 50 % par an ». Pérou, Mexique… sont travaillés.
L'entreprise est spécialisée dans l'avocat Hass et la mangue.
La GMS a suivi la montée des prix
« Octobre va être très difficile, confirme Philippe Mendez. Le Mexique et le Chili avaient démarré très fort en 2015, cela n'a pas été le cas cette année. Il y a un manque de ces deux origines en Europe car elles privilégient le marché américain qui est très bon : 60 $ [53,72 €, ndlr] le colis de 11 kg, du jamais-vu ! Et le Mexique n'est pas encore en pleine production. »
La récolte chilienne a commencé en août. Le pays a de moins en moins de problèmes de sécheresse et de nouveaux vergers entrent en production, le potentiel de cette année est de 200 000 t. Mais le pays arbitre ses volumes entre l'Europe, les Etats-Unis et son marché local, ces deux derniers étant plutôt rémunérateurs. « Le marché américain est resté très bon en prix, certifie Anthony Langlais. Début septembre, l'équivalent du colis de 4 kg calibre 18 se vendait en moyenne 20 €. La Californie a fini le gros de sa campagne en août. Le Mexique et le Chili ont pris le relais. En semaine 35, le Mexique a envoyé 16 000 t aux Etats-Unis ! » Il est difficile pour les opérateurs européens de concurrencer les prix américains, d'autant plus que les Etats-Unis sont plus proches pour les producteurs latino-américains. « On ne peut pas rivaliser avec ces prix, regrette Olivier Fakri. Mais on se demande si cela vaudrait le coup de payer ces niveaux. La GMS a su s'adapter à cette situation qui n'est pas évidente. »
La situation pourrait s'alléger en décembre avec l'arrivée de l'Espagne et d'Israël. Israël serait sur une récolte normale, à + 25-30 % comparée à 2015-2016 qui avait été très faible. Mais Israël envoie surtout sur des marchés rémunérateurs comme la Scandinavie ou le Royaume-Uni. En Espagne, il n'y a pas eu d'accident climatique majeur, la récolte pourrait être sur un niveau normal. D'après les premières tendances, les volumes devraient être supérieurs à l'année dernière (météo défavorable en 2015-2016) avec de meilleurs calibres.