Réduction du gaspillage des fruits et légumes : les pistes développées en distribution
Ventes de paniers de fruits et légumes déclassés, dons aux associations, envois à destination de l’alimentation animale, voire en méthanisation : les solutions pour lutter contre le gâchis sont nombreuses. Des efforts semblent encore à faire.
Ventes de paniers de fruits et légumes déclassés, dons aux associations, envois à destination de l’alimentation animale, voire en méthanisation : les solutions pour lutter contre le gâchis sont nombreuses. Des efforts semblent encore à faire.
Depuis février 2020, l’objectif national en France est de réduire le gaspillage alimentaire, d’ici 2025, de 50 % par rapport à 2015 en distribution alimentaire et en restauration collective. Depuis plus longtemps la France a musclé son arsenal législatif : pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire en 2013, loi Garot en 2016, loi Egalim en 2018, loi Agec en 2020…
Pour aller plus loin :
Les fruits et légumes de Nous anti-gaspi en vente chez Carrefour
Hors Normes lève 7 millions d’euros afin de poursuivre sa croissance
Mille et une initiatives antigaspi en Europe
Plusieurs possibilités s’offrent à la distribution pour lutter contre le gaspillage. Le don aux associations et la vente de « paniers anti-gaspi » sont aujourd’hui les plus répandus. Ils concernent directement les fruits et légumes frais, catégorie de produits la plus jetée dans le monde (1 400 Mt selon la FAO et le National Geographic en 2016). Pour cette catégorie, les pertes peuvent se retrouver au niveau du consommateur, de la distribution mais aussi à l’amont, à cause de la périssabilité des produits et des conditions climatiques.
Toutes les formes de distribution engagées
Le baromètre de l’anti-gaspi 2022 édité par la start-up Phenix souligne une légère augmentation du taux de casse brute en supermarché par rapport à 2020 (fin des transferts de circuits d’achat hypermarché vers supermarché liés à la crise sanitaire). En revanche, la casse est en baisse en hypermarché, s’expliquant pour Phenix par une meilleure gestion des stocks.
La perte représente jusqu’à 3,8 % du chiffre d’affaires du rayon fruits et légumes d’un supermarché (14,6 % de toute la casse), et 3,6 % de celui d’un hypermarché (12,2 %). Pour pallier cela, les enseignes tablent sur le don. En GMS, les fruits et légumes gencodés les plus donnés (en valeur) sont les salades IVe gamme, la banane, l’endive, la tomate. La valorisation par les paniers anti-gaspi est aussi importante et pour cause, la vente de cinq paniers par jour apporte un chiffre d’affaires additionnel mensuel moyen de 650 €.
Le commerce traditionnel n’est pas en reste. C’est ce que souligne une étude menée en mars et avril auprès de 215 primeurs, par Phenix et l’institut Episto. 26 % des commerçants interrogés reconnaissent jeter entre 5 et 10 kg de fruits et légumes par semaine. Pour 19 % du panel, la perte annuelle pouvant aller jusqu’à 10 500 €. Cependant 75 % assurent avoir mis en place des solutions anti-gaspi. Ainsi 63 % des primeurs questionnés déclarent donner régulièrement des invendus à leurs clients. 50 % utilisent une appli anti-gaspi pour valoriser leurs invendus. Ils sont même 42 % à disposer d’un espace dédié à la vente des produits en dates courtes sur leur surface de vente.
Toujours des freins au développement
Phenix est un acteur majeur dans le secteur. Il est actif à la fois sur la vente de paniers solidaires, le don aux associations caritatives et aussi sur le fléchage de certains produits vers l’alimentation animale. Travaillant avec les GMS, Phenix a une analyse fine des tenants et aboutissants de la lutte contre le gaspillage.
« Les fruits et légumes, peut-être parce qu’il s’agit de la catégorie où le gaspillage est le plus présent, font partie des produits très présents dans l’offre solidaire, souligne Jean Moreau, cofondateur et président de Phenix. Mais des freins existent toujours. C’est une question socio-économique. Les grandes surfaces s’approvisionnant en direct, préfèrent souvent 1 à 2 % de pertes plutôt que de faire face à une rupture de stock. Mais de l’autre côté, il y a un tabou : être obligé de jeter, c’est laisser croire que le magasin n’est pas bien géré. »
Par ailleurs, la loi Garot stipule que seuls les magasins dont la surface est supérieure à 400 m2 sont astreints à une politique de réduction du gaspillage (convention de don à une association habilitée). « Or, on assiste depuis plusieurs années au fort développement des magasins de proximité spécialement à Paris et dans les grandes métropoles. Ceux-ci ne sont donc pas concernés. L’abaissement du seuil apparaît donc nécessaire », précise Jean Moreau. Pour Phenix, la mise en place d’actions complémentaires permet de valoriser jusqu’à 85 % de la casse en supermarché et hypermarché, mais un effort de formation des personnels est essentiel.
Réduire les pertes à l’amont
L’actualité du réseau d’épiceries solidaires Nous anti-gaspi au 1er semestre a été riche : ouverture de son 25e magasin à Nantes en mai (Bordeaux devrait suivre en août), lancement de son site e-commerce début juin, partenariat avec Carrefour… Le modèle du réseau est d’intervenir à l’amont de la filière : il achète quotidiennement des produits déclassés, mal ou pas du tout valorisés (asperges trop petites, des pommes de terre difformes…) auprès d’un panel entre 100 et 200 producteurs de fruits et légumes. Ces produits sont vendus en magasin avec un prix de 20 à 25 % inférieur en moyenne.
Vincent Justin, cofondateur, explique : « Nous signons des contrats avec nos fournisseurs portant sur des produits dont l’esthétique ne convient pas au cahier des charges du distributeur traditionnel, sur ses écarts de tri mais aussi sur les stocks venant d’une surproduction » et de rappeler le cas de la fraise arrivée trop en maturité cette année. Les magasins Nous anti-gaspi valorisent environ 12 t de produits par semaine, soit environ 50 t par mois.
Cela équivaut à 100 000 repas par magasin et par mois. Néanmoins, pour Vincent Justin, d’autres leviers devraient être mis en œuvre : « À l’échelle des fruits et légumes, on est encore loin du compte. Les pertes devraient être plus fortement réprimées à l’amont comme à l’aval. De plus, on gagnerait à assouplir les normes produits ».
Des enjeux au-delà du gaspillage
C’est dans le cadre de sa stratégie RSE que Lidl France s’investit dans la lutte contre le gaspillage depuis une quinzaine d’années. En 2016, il a lancé l’opération « Zéro Gaspi fruits et légumes » qui consiste à mettre en vente au prix de 1 € une cagette d‘environ 5 kg de fruits et légumes « abîmés ». « La moitié de cette somme est dédiée aux Restos du cœur afin de financer certains projets (achat de camions, de matériels frigorifiques, rénovation…), explique Jean-Baptiste Léger, directeur RSE de Lidl France. 117 projets ont été menés entre 2018 et 2021, soutenus par Lidl pour près de 6 M€. »
Mais en développant ainsi des cagettes anti-gaspi, n’y a-t-il pas le risque d’« assécher » les volumes disponibles en fruits et légumes pour le don ? « Notre partenariat avec les Restos du cœur compense en quelque sorte cela, reconnaît Jean-Baptiste Léger. Mais il y a aussi un autre enjeu : rendre accessible le produit aux populations à faible revenu. »
À l’amont de la filière, les pertes au champ peuvent être importantes. Le distributeur est aussi engagé sur ce sujet. « Grâce à notre efficacité logistique, nous intervenons pour le dégagement des volumes : nous l’avons fait en 2021 pour le chou-fleur et cette année, pour la fraise. Mais, il faut être conscient que tout résoudre avec une seule politique n’est pas possible », conclut le directeur RSE de Lidl France.
Selon l’Ademe, la distribution est responsable de 14 % du gaspillage alimentaire en France.
La perte représente jusqu’à 3,8 % du chiffre d’affaires du rayon fruits et légumes d’un supermarché (14,6 % de toute la casse), et 3,6 % de celui d’un hypermarché (12,2 %)