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Quel statut juridique pour mon exploitation ?

Les lois d’orientation, de modernisation et d’avenir, les réformes de la PAC… mais aussi l’évolution des marchés, tout comme les aléas climatiques ont apporté des nouveautés et favorisé les évolutions des statuts des exploitations agricoles.

La structure juridique d'une entreprise agricole est souvent composée dans le cercle familial et avec des formes sociétaires.
© S. LEITENBERGER

Evoquer les différents statuts juridiques des exploitations agricoles professionnelles dans la filière fruits et légumes, c’est lever un peu plus un coin du voile sur les nombreuses spécificités (complexités ?) qui se sont multipliées en agriculture, notamment depuis les lois de 1960-1962. Apparemment, il n’y a rien de commun entre une endiverie et une exploitation maraîchère du Val de Saire ou un serriste du Finistère, un arboriculteur indépendant qui cultive 100 ha de pêches et nectarines dans les Pyrénées-Orientales et un coopérateur qui produit des pommes du Limousin ou un maraîcher bio qui valorise en vente directe ses productions ! Et pourtant, quand il s’agit d’évoquer le statut juridique de ces milliers d’exploitations qui composent « l’entreprise fruits et légumes », apparaissent aussitôt des fondamentaux qui font la spécificité du monde agricole, exceptée peut-être la question foncière. Car la terre n’a pas la même valeur en France : valeur de placement au Nord, elle revêt plus une valeur patrimoniale au Sud ! En termes de gestion, elle peut ainsi avoir des traitements différents. « Il arrive souvent de rencontrer des schémas où le dirigeant sépare la société d’exploitation du foncier. C’est souvent le cas en arboriculture », explique Nicolas Campels du Cerfrance Midi Méditerranée. Dans le Bordelais, le foncier est généralement porté par un GFA, dans d’autres régions ou d’autres spéculations, il peut être aussi porté par une SCI. Mais il arrive aussi parfois que « la volonté de maintenir le patrimoine familial dépasse parfois les critères de rentabilité économique de court terme », ajoute Nicolas Campels.

Pas de spécificités particulières

« Le monde des fruits et légumes n’a pas de spécificités particulières sur le plan du statut juridique de l’exploitation », souligne Céline Salinaires, de la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, en évoquant les différents types de sociétés civiles agricoles (voir encadré). « Quelles que soient les spéculations choisies pour sa future exploitation, l’agriculteur aura le choix entre différentes possibilités », précise-t-elle. Et au cours de sa carrière, l’entrepreneur agricole aura toujours l’opportunité – voire la nécessité – de changer de statut agricole. Juriste en droit rural, Céline Salinaires reçoit régulièrement des porteurs de projet qui préparent leur installation. Quel statut doivent-ils choisir ? « Ils ont deux possibilités : soit l’installation à titre individuel, soit la création en société. Dans ce cas, si le chef de projet envisage de s’installer seul, il n’a qu’une possibilité, c’est la création d’une EARL », poursuit-elle. Mais il est également possible que sa conjointe ou ses parents veuillent participer financièrement à la création de la jeune pousse sans pour autant y travailler, « alors, deux autres solutions se présentent à lui : soit créer une EARL, soit adopter le statut d’une SCEA ». En tout état de cause, « le choix du dirigeant s’effectuera en fonction de nombreux critères, dont l’un des plus importants concerne la limitation de la responsabilité », précise Nicolas Campels. Certaines formes sociétaires permettent en effet cette limitation plus que d’autres, ce qui est parfois intéressant dans le cas de revenus variables.

Importance de la fiscalité

Mais, même si la filière fruits et légumes ne possède pas totalement de spécificités propres, les entrepreneurs doivent parfois tenir compte de certaines caractéristiques particulières du secteur comme le niveau élevé des investissements (c’est le cas notamment dans le secteur des serres verre), l’attribution de subventions via notamment les programmes opérationnels prévus dans l’OCM, mais surtout le yoyo des prix des produits d’une campagne sur l’autre, tout comme les aléas climatiques. Plus que d’autres en effet, cette filière est très sensible à ces différents paramètres dont elle doit tenir compte dans le développement de ses outils. Bien sûr, « la plupart d’entre eux ont commencé tout petit ». Certains se sont développés et ont grandi jusqu’à créer plusieurs sociétés en parallèle, une société de commercialisation, voire une holding, comme on peut en rencontrer dans l’endive en Hauts-de-France. Des cas de figure que l’on retrouve également en arboriculture, dans la production de légumes de plein champ ou chez certains serristes. L’aspect fiscalité prend alors toute son importance et pèse lourdement dans les décisions du chef d’entreprise qui fait appel à son conseiller de gestion ! « Traditionnellement, il existe deux grandes fiscalités agricoles, le micro BA (Bénéfices agricoles, ndlr) et le réel, le forfait agricole ayant disparu depuis deux ans », explique Céline Salinaires tout en soulignant que les créateurs partent la plupart du temps en micro BA. En tout cas, « la fiscalité choisie en dernier ressort doit surtout éviter que les investissements engagés ne supportent pleinement les cotisations sociales ainsi que l’impôt », explique un conseiller de gestion. La SCEA est obligatoirement au réel et soumise à l’impôt sur le revenu (IR), le GAEC peut être assujetti soit au micro BA soit au réel. Quant à l’EARL si elle ne compte qu’un seul associé, elle est au micro BA, sinon au réel dès que le nombre d’associés est égal ou supérieur à deux. Les exploitations en plein développement peuvent choisir également l’impôt sur les sociétés (IS) en matière de fiscalité, ce qui permet d’éviter de pénaliser les investissements. Dans certains cas, l’IS peut être avantageux quand le chef d’entreprise a atteint un certain niveau d’activités, mais « on rencontre encore des résistances dans le monde agricole qui sont plus culturelles qu’autre chose », souligne Nicolas Campels. « Ce qui change fondamentalement dans l’IS par rapport au réel, c’est que l’on n’est pas imposé sur des revenus, mais sur les dividendes. L’impôt est payé par la société à la différence des impositions applicables sur le revenu comme le micro BA ou le réel BA », précise de son côté Céline Salinaires. « Les associés n’auront de fiscalité à payer que si les dividendes sont distribués ! ». Néanmoins, pour leurs besoins financiers réguliers, les associés doivent régulièrement sortir des dividendes de la société ! C’est un calcul à faire, notamment en fonction de ses tranches d’imposition. Car parfois, la solution juridique choisie n’est pas la meilleure sur un plan fiscal. « Et il arrive parfois qu’il y ait concurrence entre fiscalité et responsabilité », conclut Nicolas Campels.

En 2016, 49,2 % des exploitations ou entreprises agricoles sont constituées en société et elles représentent près de 265 000 associés. (Source MSA mai 2017)

L’entreprise « Agriculture »

Nombre d’exploitations (moyennes et grandes) : 308 061 exploitations

Dont maraîchage et horticulture : 11 105 exploitations

Dont arboriculture et autre cultures permanentes : 8 447 exploitations

SAU des exploitations : 27 622 527 ha

(Source FranceAgrimer 2015)

Les différents statuts juridiques

Exploitation individuelle

Le chef d’exploitation dirige l’exploitation pour son propre compte en exploitant des terres, des bâtiments et éventuellement du cheptel quel qu’en soit le mode de propriété.

Le GAEC

Composé de 2 à 10 associés, le Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) doit revêtir un caractère familial, tant dans sa taille que dans sa gestion et la répartition du travail qui s’y exerce. Les GAEC totaux regroupent l’intégralité des exploitations des associés qui travaillent à titre exclusif et à temps complet ; les GAEC partiels seulement certaines activités des associés. Les associés partagent la responsabilité économique de l’exploitation.

L’EARL

L’Entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) est composée de 1 à 10 associés, dont certains peuvent être exploitant ou non de l’exploitation, l’EARL doit avoir un capital minimum de 7 500 €. Aucune condition n’est imposée sur le travail des associés et aucun agrément n’est nécessaire. Les biens professionnels destinés à l’exploitation, constituant le capital de la société, sont séparés des biens personnels de l’agriculteur. La responsabilité est limitée, chaque associé ne supportant que les pertes qu’à concurrence de ses apports.

La SCEA

La Société civile d’exploitation agricole (SCEA) est composée d’au moins deux associés. Aucun capital minimal ni maximal n’est fixé. Un associé peut prendre le statut d’associé exploitant. Il peut y avoir un ou plusieurs gérants. La responsabilité des associés n’est pas limitée à leur apport dans le capital. Ils sont solidairement responsables des dettes de la société vis-à-vis des tiers et cela sans aucune limite et proportionnellement à leur participation dans le capital social.

(Source : Agreste, les dossiers n°20 juin 2014)

Autres formes sociétaires

D’autres formes sociétaires existent. Elles ne sont pas spécifiques à l’agriculture et restent relativement marginales (SA, SARL, coopératives…). Les sociétés commerciales pèsent dans la production horticole et dans le maraîchage. Un tiers de la production brute standard PBS de ces orientations productives est assuré par ces sociétés qui représentaient 7 % des exploitations en 2010. Les Groupements d’intérêt économique et Eenvironnementaux (GIEE) ont été portés par la loi d’avenir de 2014. Ils visent à constituer des collectifs d’agriculteurs partageant ensemble un projet de pratiques agricoles alliant performance économique et écologique. Ce ne sont pas à proprement parler une nouvelle forme juridique mais plutôt un label attribué à un groupe inscrit dans une démarche collective.

 

A lire aussi : L’EARL représente plus de la moitié des formes sociétaires

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