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Pomme : une protection mi-bio mi-conventionnelle en essai à La Morinière

La station expérimentale de La Morinière évalue depuis quatre ans un itinéraire de protection intégrant au maximum des produits autorisés en agriculture biologique. Objectif : réduire l’IFT « chimique » et atteindre le zéro résidu.

Une protection intégrant le maximum de produits autorisés en AB en verger de pommier a permis de maintenir la performance du verger mais n'atteint pas chaque année l'objectif du zéro résidu.
© RFL

Réduire l’indice de fréquence de traitement (IFT) de synthèse est devenu l’un des principaux challenges des producteurs. « Avec la mise en place de démarche comme le « zéro résidu », il devient impératif de concevoir des itinéraires techniques et culturaux visant à répondre à ces objectifs », insiste Richard Lothion, de la Morinière (Indre-et-Loire). Une des potentielles solutions est de remplacer des produits phytosanitaires de synthèse par des produits utilisables en agriculture biologique (AB). La station du Val de Loire teste donc depuis 2016 en verger de pommier, un système de protection dit « hybride » qui intègre des produits autorisés en AB à un calendrier de traitement PFI (Production fruitière intégrée). Ce système est comparé à une stratégie de protection classique. « Sur les quatre années d’essais, il n’y a pas pour le moment de différences majeures d’efficacité entre les deux systèmes, souligne l’expérimentateur. L’efficacité sur tavelure est légèrement inférieure sur feuilles mais n’a pas eu d’impacts sur les fruits. » Cette comparaison a été faite sur des parcelles de plusieurs variétés de pomme, dont Pink Lady.

Des produits bio pour les faibles projections

Pour la protection contre la tavelure, dans la modalité hybride, les projections à faible risque ont été protégées avec des bouillies de cuivre, de soufre ou sulfo-calcique. Le recours à des substances conventionnelles a été maintenu lors des épisodes les plus contaminants. Cette stratégie a permis de remplacer en moyenne près de 60 % des produits utilisés sur la référence par des produits utilisables en AB. Le nombre total d’applications est resté relativement identique entre les deux modalités. La protection contre la tavelure secondaire a été assurée uniquement par des produits AB, Curatio (jusqu’au 15 juillet) en curatif et cuivrol toutes les deux semaines. « En 2018, les repiquages ont été plus nombreux dans la modalité hybride sur Pink Lady, notamment à partir de juin. Près de 44 % des pousses étaient tavelées dans la modalité hybride contre 25 % sur la référence au 11 juillet, indique l’ingénieur. Ceci s’explique par une application curative sur la référence des épisodes contaminants de début juin, ce qui n’a pas été le cas sur la modalité hybride. Toutefois la contamination sur fruits demeure très faible dans les deux modalités. » Aucune différence n’est apparue sur les autres variétés. La protection contre l’oïdium était assurée par l’ajout de soufre dans les applications de cuivre dans la modalité hybride et dans de rares cas un produit spécifique. La stratégie de la référence était d’appliquer des produits spécifiques oïdium en mélange avec du soufre. Cette dernière a induit moins de traitements que la modalité hybride. Les résultats d’efficacité sont homogènes d’une stratégie à l’autre. Des différences s'observent entre variétés du fait de leur sensibilité.

Des ravageurs maîtrisés mais une protection plus fragile

Parmi les ravageurs, ce sont les punaises qui ont été les plus problématiques. Un traitement spécifique a été appliqué sur les deux parcelles en 2019 pour limiter les dégâts. La stratégie puceron était basée sur l’azadirachtine dans la modalité hybride qui a remplacé selon les années un à deux traitements chimiques. Le nombre d’application a été identique sur les deux modalités. « En 2016, les résultats du système hybride ont été moins bons, souligne Richard Lothion. Le Neemazal a été appliqué dans des conditions défavorables à son mode d’action en préfloraison. » La protection contre les lépidoptères a été assurée, dans la modalité hybride, avec les virus de la granulose contre le carpocapse, en alternant les souches, et des produits à base de Bacillus thurigensis contre les tordeuses. Dans la référence, la protection a été assurée principalement par des insecticides à large spectre : ovicide et larvicide. En moyenne, sur les quatre années d’essai, la stratégie hybride a nécessité près de deux fois plus d’applications que la modalité référence. « Les produits bio appliqués en hybride ont seulement un effet de contact et donc sont moins rémanents, tandis que ceux utilisés en référence ont des effets qui permettent de lutter sur davantage de stades des individus », explique le technicien. En 2017 et 2019, aucune différence significative n’a été montrée statistiquement entre les deux modalités. « En 2018, les dégâts sont légèrement supérieurs sur la modalité hybride mais ils restent inférieurs à 2 % de fruits piqués », continue-t-il. Des défauts de rugosité ont été observés sur les fruits des parcelles hybrides sur Golden et Granny en 2016 accompagnés de symptômes de phytotoxicité sur feuilles. Pour éviter ce problème soupçonné d’être lié à une incompatibilité entre deux produits : le dithianon et le cuivre ou soufre, le dithianon et les produits à base de captane ont été supprimés de la stratégie hybride les années suivantes. Les défauts de rugosité sont restés faibles et homogènes sur les deux modalités les années suivantes. « En l’absence de symptômes de phytotoxicité, le système hybride n’entraîne pas de dépréciation qualitative et quantitative de la récolte, conclut Richard Lothion. Cependant il faut rester vigilant lors des traitements avec le Neemazal qui peut provoquer de la phytotoxicité s’il interagit avec le dithianon. »

IFT, coûts et résidus

L’indice de fréquence de traitement global a été en moyenne légèrement inférieur sur la modalité hybride. « Ce phénomène était attendu puisque la dose d’utilisation du cuivre ne représente qu’environ 10 % de l’IFT. Mais il est cependant compensé par le nombre de traitements insecticides supérieurs dans la modalité hybride », commente Richard Lothion. En revanche les produits de biocontrôle représentent en moyenne plus de 65 % des applications dans la modalité hybride contre 18 % dans la référence. Le coût de la stratégie hybride a été légèrement supérieur à celui de la stratégie de référence en 2018 et 2019 mais équivalent les autres années. Pour les résidus à la récolte, la stratégie hybride présente de meilleurs résultats. Entre un et cinq résidus ont été détectés, toujours inférieurs aux LMR, quelle que soit la modalité. En moyenne, près de deux fois moins de résidus ont été analysés sur la modalité hybride. « Mais on constate une très grande variabilité d’une variété et d’une année à l’autre, soulignait Benjamin Gandubert lors des Rencontres phytosanitaires fruits à pépins de l’année dernière. Constat qui rend la mise en place d’un calendrier de traitement garantissant le zéro résidu difficile. »

 

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