Pomme : comment adapter l’irrigation aux besoins des jeunes vergers
Les besoins en irrigation des jeunes vergers de pommiers ont été estimés par la station Sud Expé, afin d’adapter les apports en eau dans un contexte de changement climatique.
Comment adapter l’irrigation aux besoins réels des jeunes vergers de pommiers ? C’est le problème qu’ont cherché à résoudre les acteurs d’Oreve (pour Optimisation de la ressource en eau des jeunes vergers), un projet porté par la station d’expérimentation Sud Expé, cofinancé par la Région Occitanie et l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.
« Dans un contexte de changement climatique, il existe peu de références sur les besoins en eau des jeunes vergers », a expliqué Xavier Crété, responsable du pôle Innovation technique à Sud Expé, lors de la journée Innovation, recherche et développement organisée à Labège (Haute-Garonne) en décembre 2023. Le projet Oreve a pour objectifs de comparer différents modes de pilotage de l’irrigation en jeunes vergers, de définir les besoins en eau de ces jeunes vergers, et enfin de proposer un outil simple pour adapter les apports aux besoins réels des arbres.
Trois modalités de pilotage de l’irrigation
Les essais ont été menés sur la station Sud Expé pendant trois ans, de 2021 à 2023, sur un verger de Gala planté à une densité de 4 m x 1 m, en irrigation en goutte à goutte. Trois modalités de pilotage de l’irrigation ont été évaluées : la première basée sur le volume de végétation, la deuxième sur les mesures de sondes au sol (sondes capacitives, tensiomètres) et la troisième a consisté à irriguer à 50 % de la dose d’un verger en production (référence producteur). Ces trois modalités ont été croisées avec quatre méthodes de mesure de la végétation.
Parmi ces méthodes, le Lidar (Light detection and ranging, en français : détection et localisation par la lumière) utilise un capteur pour caractériser très précisément la végétation d’un verger : une pulsation laser est envoyée vers la végétation et la distance entre le capteur et la haie fruitière est déterminée à partir du temps que met le rayon à revenir au capteur. Les résultats obtenus avec cette technologie ont été comparés aux mesures de LWA (Leaf wall area, une estimation de la surface foliaire) et de TRV (Tree row volume, le volume de haie fruitière) dont on sait qu’ils sont bien corrélés avec la surface foliaire.
Une cartographie par un drone équipé d’un capteur multispectral a également été réalisée. Les deux dernières méthodes testées ont été la mesure de l’ombre portée des arbres, effectuée au midi solaire, ainsi qu’une mesure manuelle des indicateurs LWA et TRV, réalisée à partir de la hauteur de la haie fruitière, de son épaisseur et de la distance interrang. Une autre méthode de mesure basée sur une prise de vue satellite (couple de satellites Pléiades) était prévue, mais celle-ci n’a pas permis d’obtenir des données exploitables en raison d’une définition d’image insuffisante.
Une économie d’eau importante est réalisable
« Nous n’avons pas observé d’effets pénalisants des régimes hydriques adaptés, que ce soit sur le volume de végétation, le grossissement des troncs ou sur le rendement et le calibre des fruits », observe Xavier Crété. De manière générale, les résultats de l’étude confirment que les apports en eau sont souvent excessifs par rapport aux besoins des plantes durant les trois premières années suivant la plantation du verger. Les apports en eau les plus importants correspondent à la modalité M3 (50 % des apports d’un verger en production) et sont en excès chaque année.
Une économie d’eau importante est donc réalisable. « Une simple mesure de volume des arbres [TRV] est sans doute suffisante pour adapter les apports de façon satisfaisante », estime Xavier Crété. Les essais ont aussi mis en avant l’intérêt potentiel des technologies d’imagerie pour l’amélioration du pilotage de l’irrigation du verger, au-delà des apports en phase juvénile des arbres. Ces technologies permettent notamment d’intégrer la notion d’hétérogénéité spatiale au sein du verger.
Une méthode simplifiée
Les résultats du projet Oreve ont donné lieu à la diffusion de deux fiches pour adapter les apports aux besoins réels des plantes (voir encadré). La première fiche détaille la méthode complète de calcul des besoins en eau, basée sur le calcul du volume de végétation TRV et le coefficient de végétation Kvv (établi par Sud Expé dans le cadre du projet). La deuxième est une fiche pratique comprenant une méthode simplifiée, qui permet de déterminer la dose d’apport avec un coefficient de modulation précalculé.
Calcul des besoins en eau
Pour calculer les besoins en eau grâce à la méthode établie dans le cadre du projet Oreve, il faut d’abord mesurer le TRV (volume de haie fruitière), utilisé classiquement pour calculer les volumes de pulvérisation. Les valeurs de TRV sont obtenues en réalisant les mesures sur 10 arbres représentatifs de la parcelle. TRV = (H x E x 10000) /D avec H la hauteur moyenne des arbres, E leur épaisseur moyenne et D la distance entre deux rangs. La mesure du TRV est nécessaire pour calculer le coefficient Kvv établie par Sud Expé.
Kvv = (6,938 x TRV) /10000
Il faut ensuite utiliser les données d’ETP (évapotranspiration) et de Kc (coefficient cultural), fournies par les bulletins d’irrigation, afin d’obtenir les besoins en eau journaliers avec la formule suivante :
Besoins en eau (mm/j) = Kc x ETP x Kvv
Les apports en eau doivent ensuite être adaptés si la pluie est supérieure à 10 mm, et en fonction de l’humidité du sol (mesurée par des sondes tensiométriques ou capacitives). « Ce protocole est à répéter chaque mois de mai jusqu’à la fin de la période de croissance des arbres, en général en juillet », précise la fiche méthode de Sud Expé réalisée par Xavier Crété et Julien Chabat. Une méthode simplifiée de calcul des apports en eau est également proposée par Sud Expé. Au lieu de calculer le coefficient de végétation Kvv, il suffit d’utiliser un coefficient précalculé en fonction de l’âge du verger et de la vigueur du verger.