« Je me suis lancé dans la production de framboise pour me diversifier et pérenniser l’exploitation »
Producteur de framboise depuis vingt ans dans la Marne, François Legras a diversifié ses outils de production, mais aussi ses cultures, en démarrant des productions de mûre et de groseille pour le marché du frais.
Producteur de framboise depuis vingt ans dans la Marne, François Legras a diversifié ses outils de production, mais aussi ses cultures, en démarrant des productions de mûre et de groseille pour le marché du frais.
Dans le sud de la Marne, à Villeneuve-Saint-Vistre, François Legras produit des framboises depuis 2003. « J’ai démarré mon activité agricole en 1990, comme double-actif sur une petite exploitation céréalière, témoigne-t-il. Je me suis ensuite lancé dans la production de framboise pour me diversifier et pérenniser l’exploitation ». Vingt ans plus tard, le producteur, désormais à temps plein sur son exploitation avec son épouse, produit de la framboise sur 1,5 ha. Et d’autres cultures de petits fruits sont venues diversifier la production : la mûre en 2016 (0,5 ha) et la groseille en 2020 (0,8 ha). Également président de la coopérative Fruirose qui regroupe une quarantaine de producteurs de petits fruits dans le Grand Est, les Hauts-de-France et la Normandie, François Legras commercialise depuis ses débuts toute sa production en frais via Fruits Rouges & Co.
Une combinaison bâche plastique + filet
La framboise est conduite en pots, ce qui permet d’avoir quatre périodes de plantation de février à mai, et donc d’échelonner la récolte sur quatre mois. Une partie de la production de framboise se fait sous une serre multichapelle construite en 2018. L’autre partie est sous tunnels légers de 6 m de large, couverts par une combinaison bâche plastique imperméable et filet. « Les filets ont le même rôle que le blanchiment sur la serre multichapelle : apporter de l’ombre pour limiter les risques de fruits déformés et de brûlure, et réduire les températures pour ne pas bloquer les plantes », explique François Legras. Le climat est aussi plus supportable pour le personnel lors de la récolte. « Quand il fait chaud, on est mieux sous les tunnels qu’à l’extérieur. Avant qu’on utilise les filets, c’était l’inverse », précise le producteur.
Les deux types d’abris, tunnels légers et serre multichapelle, sont complémentaires et « permettent de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier », souligne François Legras. « Les tunnels sont un investissement beaucoup moins lourd que la multichapelle. Ce sont des abris peu chers et modulables, qui apportent de la flexibilité. En revanche, la manipulation des bâches demande du temps et de l’énergie. » Les bâches sont mises en place à la plantation et repliées à la fin de la récolte, car le risque de casse est très important. À la fin de la saison, les pots sont retirés des tunnels et le système d’irrigation reste en place.
Aucun traitement phytosanitaire en framboise
La multichapelle permet de planter plus précocement (en février, contre mars pour les tunnels), donc d’entrer en production plus tôt, et de finir plus tard, jusqu’à mi-octobre pour les variétés remontantes. Les risques de gel jusqu’à début avril sont limités. « On a énormément amélioré la qualité en produisant sous multichapelle », apprécie le producteur. Sous les tunnels, des bougies de chauffage sont parfois nécessaires au printemps en fonction du risque gel. La récolte se termine fin août, pour éviter l’humidité de septembre et donc les maladies.
Que ce soit sous la multichapelle ou les tunnels, aucun traitement phytosanitaire n’est employé sur les cultures de framboise. « La PBI consiste en des lâchers de complexes de parasitoïdes contre les pucerons, et des acariens prédateurs contre les acariens jaunes », décrit Cécile Pruvot, qui assure le suivi technique des producteurs chez Fruits Rouges & Co. Le désherbage et l’édrageonnage des pots sont faits à la main à partir d’avril. L’un des principaux problèmes sanitaires rencontrés est bien sûr Drosophila suzukii, contre laquelle « nous n’avons pas de solutions », regrette François Legras. Ce ravageur génère « beaucoup de tri, des pertes de fruits et des baisses de rendement ». Une récolte régulière est obligatoire, tous les jours lorsque D. suzukii est présente.
Moins d’investissements nécessaires pour la groseille
Une fois récoltés, les fruits sont conditionnés en barquettes de 125 g par cinq à six personnes. Puis les barquettes sont mises en plateaux et stockées sur palettes en chambre froide pendant quelques heures pour bloquer la maturité. Un transporteur frigorifique passe tous les jours pour amener les fruits à Fruits Rouges & Co dans l’Aisne, afin qu’ils soient vendus et mis en rayons le jour même ou le lendemain.
Plusieurs variétés de framboise sous licence sont cultivées dont les principales sont Vajolet et Lagoraï, deux obtentions italiennes qui répondent aux attentes du marché en termes de tenue et de qualité gustative. La mûre, de variété Loch Ness, est plantée en mars pour deux ans et se récolte de juillet en septembre, avec un passage tous les deux jours. La conduite est la même que pour la framboise. Les cinquante ares de mûres sont cultivés en pots sous tunnel, sans traitement. La groseille (variété Rovada) est produite en pleine terre. Réalisée en 2020 sur paillage plastique, la plantation a été prévue pour durer une dizaine d’années. « C’est une culture qui nécessite moins d’investissements, qui est assez résistante et n’a pas trop de bioagresseurs. J’ai choisi d’en produire pour ne pas augmenter les surfaces de cultures sous bâche », explique François Legras. La récolte est réalisée pendant trois semaines en juillet, en deux ou trois passages. « Tant qu’il fait sec pendant la récolte, les fruits sont sains. Pour l’instant, nous avons eu la chance de ne pas avoir de pluie à cette période ».
Jusqu’à 30 saisonniers en juillet
La récolte mobilise jusqu’à trente saisonniers au cœur de la saison, en juillet, dont beaucoup d’étudiants. Auparavant réalisé par l’intermédiaire de Pôle Emploi, le recrutement des saisonniers se fait aujourd’hui surtout par bouche-à-oreille. La plupart d’entre eux habitent à moins d’une heure de route de l’exploitation. « Nous essayons de les fidéliser au maximum », précise François Legras. En septembre, la main-d’œuvre se limite à une dizaine de personnes, en raison de la concurrence d’autres cultures dans le secteur, comme la vigne et la pomme de terre.
Un campus Fruits Rouges & Co va ouvrir ses portes
Basé à Laon dans l’Aisne, Fruits Rouges & Co commercialise 100 % de la production de petits fruits de François Legras. L’entreprise est à la recherche de producteurs pour répondre à la demande de petits fruits Origine France. Une équipe accompagne les producteurs pour la partie technique, du projet à l’installation, puis pour le suivi agronomique. « Nous les orientons pour le choix des variétés et les techniques de culture, afin qu’ils ne se lancent pas à l’aveugle », explique Julie Fournier, responsable communication. Fruits Rouges & Co ouvrira en 2024 son campus dédié à l’expérimentation en culture de petits fruits rouges. « Le but de ce campus sera de récolter des données techniques et économiques sur la production de petits fruits dans le contexte de notre région », détaille Julie Fournier. Des essais de production agrivoltaïque, en partenariat avec Insolight, seront notamment mis en œuvre.