La pomme de terre face aux défis du changement climatique
Le 18 mai, le CNIPT a convié la filière pommes de terre à une conférence portant sur l’avenir de la production face à l’évolution climatique.
Le 18 mai, le CNIPT a convié la filière pommes de terre à une conférence portant sur l’avenir de la production face à l’évolution climatique.
C’est à Paris que le CNIPT avait convié producteurs, distributeurs et détaillants à sa traditionnelle conférence. Le sujet retenu cette année était d’actualité : le défi du changement climatique pour la filière pommes de terre fraîches. Avec l’intervention d’un grand témoin : Bernard Valiorgue, professeur à l’EM Lyon Business School et auteur de « Refonder l’agriculture à l’heure de l’anthropocène ».
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Devenir une filière à impacts ?
« L’agriculture est la première victime du changement climatique », a expliqué l’universitaire après avoir dressé un tableau – parfois un peu glaçant – de ce pourrait être le climat de demain, en se basant sur les scénarios élaborés par le GIEC. Pour lui, le secteur va être sous le feu de trois grands faits : la multiplication des aléas climatiques et biologiques, la forte imprévisibilité à laquelle les opérateurs vont devoir faire face (quel type de culture pour quel rendement attendu ?) et l’augmentation forte d’une critique sociale, parfois radicalisée.
Face à cette situation, Bernard Valiorgue discerne deux façons de réagir. « Il s’agit soit de travailler à réduire les effets à impacts négatifs, soit adopter une trajectoire d’adaptation, a-t-il expliqué. Une production bas carbone, ce n’est pas une adaptation à l’avenir qui va demander un changement total de paradigme ».
Pour lui, l’agriculture régénératrice serait la solution. Et qu’en serait-il pour le secteur de la pomme de terre ? « Il doit devenir une filière à impacts : limitation des intrants (sujet déjà bien engagé), stockage du CO2 dans le sol, un point délicat car la production de pommes de terre demande un travail du sol, le développement de la biodiversité, la gestion de l’irrigation, qui va faire rapidement l’objet d’une forte pression sociale, amélioration du rendement énergétique ».
L'impact environnemental entre désormais dans l'équation
Mais pour l’universitaire, le secteur fait face à un encore plus gros défi : « l’excellence de la filière pomme de terre française s’est fondée sur un rapport qualité/prix. Cette équation est aujourd’hui en bout de course car une nouvelle variable est entrée : l’impact environnemental ». En d’autres termes, après avoir maximaliser le duo qualité et prix, il faut maximaliser les impacts.
Agir face à un consommateur peu au fait des enjeux
Autant dire que les propos de Bernard Valiorgue ont apporté du grain à moudre aux participants de la table ronde qui a suivi son intervention. « Nous vivons un paradoxe : notre produit est beau et reconnu mais faut-il demander au consommateur de baisse son niveau d’exigences » s’est interrogé Luc Chatelain, président du CNIPT. Car, les prochaines variétés de pommes de terre – des travaux importants sont en cours – pourraient être mieux adaptées aux enjeux du climat à venir, mais ne pas avoir les mêmes qualités esthétiques que les précédentes.
Ce que pourrait attendre le consommateur est rapidement venu au centre des échanges dans les échanges. Justine Gomez, chargée de programme « agroécologie » Filières fruits et légumes Carrefour, a expliqué : « La grande distribution fait face plus aux ONG qu’aux consommateurs sur ces thèmes. En revanche, les réclamations sont encore nombreuses si le consommateur remarque une baisse de la qualité esthétique des pommes de terre. Il y a clairement un important travail de sensibilisation à faire. Le consommateur n’est pas conscient des enjeux et il faut aussi savoir où placer le curseur ».
Pour Dominique Père, président de Fédépom, si la filière doit en effet accomplir d’importants progrès sur le sujet, l’obligation ne doit pas être seulement considérée : « Des devoirs oui, mais aussi des droits. Et le premier est qu’une pomme de terre à impact doit être une pomme de terre payée plus chère ». Le consentement à payer du consommateur-citoyen demeure encore la grande inconnue.