Les fumigants dans le brouillard
L’interdiction du métam-sodium et le non-renouvellement de la dérogation du dichloropropène limitent fortement les solutions de désinfection des sols.
L’interdiction du métam-sodium et le non-renouvellement de la dérogation du dichloropropène limitent fortement les solutions de désinfection des sols.
L’annonce a fait grand bruit début novembre. A la suite d’un réexamen du métam-sodium, l’Anses a décidé l’interdiction définitive des produits à base de cette substance. La décision a fait suite à des cas d’intoxication lors d’applications mal contrôlées de métam-sodium dans le Maine-et-Loire en octobre, qui ont conduit dans un premier temps à son interdiction provisoire. La Fédération des maraîchers nantais s’est alarmée le 5 novembre « d’une décision couperet qui mettrait gravement en péril la filière ». Avec la fin du métam-sodium, les solutions de fumigation des sols, déjà peu nombreuses, se réduisent à peau de chagrin. Le contexte n’est pas favorable à ce type de protection phytosanitaire, à qui l’on reproche, en plus des récents épisodes d’intoxication, de détruire la vie du sol. Déjà il y a dix ans, l’interdiction du bromure de méthyle en Europe avait donné le ton. Les nématodes étaient auparavant contrôlés par ce produit et l’on observe depuis une augmentation de leurs populations. Quant au 1,3 dichloropropène, interdit en Europe depuis 2009, il faisait jusqu’en 2017 l’objet de dérogations provisoires reconduites chaque année en France, comme dans plusieurs autres Etats membres dont l’Espagne, l’Italie ou le Portugal. Mais cette année, le gouvernement français a choisi de ne pas accorder la fameuse dérogation. Dans la Manche, les producteurs de carottes ont dû composer sans désinfection au dichloropropène pour limiter les populations de nématodes. Certains ont décidé de ne pas emblaver leurs parcelles. « Sur le bassin créançais, d’environ 840 ha, 240 ha n’ont pas été emblavés cette année », indiquait en octobre Alexandra Tirel, présidente du syndicat de producteurs de carottes de Créance, d’après le quotidien Ouest France. Aujourd’hui, seul le dazomet reste autorisé comme fumigant des sols.
Le DMDS en ligne de mire
Mais une nouvelle molécule pourrait être utilisable d’ici quelques années pour la désinfection des sols. Le disulfure de diméthyle (DMDS), déjà utilisé pour ses propriétés nématicides dans plusieurs pays dont les Etats-Unis, Israël, le Maroc, la Turquie… est en cours d’homologation en Europe. Le processus a débuté en 2011 et une AMM est attendue au plus tôt dans deux ou trois ans. Mais le DMDS est déjà utilisé en dérogation depuis quelques années en Espagne et en Italie. Cette matière active agit au niveau mitochondrial sur le transport d’électrons. « Ce mode d’action, nouveau pour un fumigant, pourrait être utile pour prévenir l’apparition de résistance », estime Philippe Sunder, Certis Europe, lors de la journée technique du Comité français de la fumigation, en avril dernier. Suite à un partenariat avec Arkema, le leader mondial du DMDS, Certis sera le distributeur européen d’Arkema pour ce fumigant. Composant du cycle du soufre, le DMDS est produit notamment par les Alliacées par dégradation de tissus ou sous la forme d’exsudats racinaires. En plus de son action nématicide, il présente aussi des propriétés fongicides et herbicides. « Il est très efficace contre nématodes phytopathogènes et très intéressant sur la plupart des champignons du sol ainsi que sur certaines adventices », assure Philippe Sunder. Notamment contre le souchet, contre lequel son efficacité semble prometteuse. La demande d’homologation du DMDS concerne deux formulations distinctes, pour deux types d’application différente : par injection dans le sol, avec une machine d’injection équipée de coutres, ou par application à la surface par le système d’irrigation au goutte-à-goutte.
Les films barrières deviennent indispensables
« L’utilisation de films barrières, étanches au gaz, lors de la fumigation des sols est de plus en plus recommandée et sera obligatoire pour les nouveaux produits comme le DMDS », indique Thierry Fouillet, Arkema, lors de la journée technique du Comité français de la fumigation. La pose du film plastique barrière s’effectue en combinaison de l’application du fumigant dans le sol par la machine d’injection. Lorsque le fumigant est injecté, sous forme liquide, à une certaine profondeur de sol (qui dépend des organismes visés), il se vaporise et remonte progressivement vers la surface. Le film barrière permet ainsi d’éviter le risque de contact entre le gaz et l’air ambiant et donc une potentielle exposition des applicateurs. Une norme européenne sur les films barrières a récemment été publiée. Elle est destinée à être un support à la fois pour les fabricants de films, ceux de fumigants et les laboratoires en charge des tests.
La fumigation par goutte-à-goutte est répandue en Italie
« En Italie, la fumigation des sols est couramment utilisée pour des cultures de plein champ (tabac, carottes, cultures et pépinières fruitières…) et sous abri (tomate, aubergine, poivron, fraises, melon…). Par exemple, 84 % des surfaces de fraise de plein champ est fumiguée en Italie, contre 18 % en France. Dans la région de Naples, 6 000 ha de laitue sont fumigués au métam-sodium. Depuis l’arrêt du bromure de méthyle, de nouvelles méthodes d’application des fumigants ont été développées. La fumigation par goutte-à-goutte est répandue en Italie, surtout sous abri. Elle présente l’avantage de réduire les émissions de gaz et l’exposition des opérateurs pendant la fumigation, ainsi que d’utiliser les réseaux de goutte-à-goutte déjà existants chez les producteurs. »