ABRI
Les abris diversifient leurs cultures
Diversifier les systèmes maraîchers à la parcelle peut avoir un intérêt agronomique et économique mais soulève des questions logistiques, commerciales et techniques. L’Inra d’Alénya a observé des éléments de faisabilité pratique sur les cultures d’été de ces systèmes.
Diversifier les systèmes maraîchers à la parcelle peut avoir un intérêt agronomique et économique mais soulève des questions logistiques, commerciales et techniques. L’Inra d’Alénya a observé des éléments de faisabilité pratique sur les cultures d’été de ces systèmes.
Réduire les dommages causés par les ravageurs et maladies, développer une stratégie commerciale, répartir le travail ou encore optimiser l’usage des ressources sont autant d’arguments régulièrement cités pour introduire davantage de diversification dans les exploitations maraîchères. Dans ce contexte, l’Inra d’Alénya a fait évoluer ses dispositifs d’expérimentation et pilote désormais une multitude de combinaisons de diversification qui va bien au-delà de la simple rotation d’espèces maraîchères.
Insertion de différentes espèces maraîchères
Si « diversifier » semble un levier prometteur pour rendre les systèmes maraîchers sous abri de pleine terre moins sensibles aux aléas et réduire la dépendance des exploitations aux intrants extérieurs, cela pose de nombreuses questions sur leur faisabilité, leur conduite au quotidien, leurs performances réelles et leurs conditions de réussite. En combinaison avec d’autres leviers de gestion de la santé des plantes, la faisabilité et l’intérêt de la diversification des cultures ont été évalués sur l’évolution des problèmes sanitaires du sol (maladies, nématodes, …) et à dispersion aérienne (maladies, ravageurs…) et sur l’intensité du recours aux produits phytosanitaires. Pour cela, des systèmes plus ou moins diversifiés, conduits en protection intégrée ou en agriculture biologique ont été mis en oeuvre. Ainsi, depuis 2012, les systèmes de culture testés et analysés par l’Inra illustrent qu’il est possible de réduire la part de laitue/ tomate/concombre, d’augmenter la diversité cultivée sous un même abri, et que la situation sanitaire peut s’en trouver améliorée. Sur la même période de quatre ans, il est possible de passer d’une succession incluant sept salades/ une tomate/un concombre à une succession incluant une seule salade/une tomate/un concombre et six autres espèces (poivron, haricot, fenouil, pois, oignon, céleri). En printemps-été, la diversification s’est traduite par l’insertion de différentes espèces (melon charentais, courgette ronde et longue, aubergine, poivron rouge ou jaune, pomme de terre) voire familles botaniques (haricot vert - Fabacées). L’utilisation de types variétaux différents est aussi une manière de diversifier les systèmes, en cultivant par exemple du concombre court épineux type Noa.
Une gamme d’intrants en majorité commune
Sur les quatre dernières années, les rotations pratiquées à l’Inra d’Alénya font se succéder de trois à sept familles botaniques, de cinq à neuf espèces et jusqu’à 11 types variétaux différents. Certaines stratégies de diversification de ces systèmes sont compatibles avec la mise en place d’une solarisation en plein été (technique intéressante pour gérer la pression sanitaire du sol), après une culture courte ou précoce type cucurbitacée ou primeur. Cette diversification est aussi passée par l’intégration d’engrais vert d’été dans les assolements (sorgho, ou mélange sorgho-sarrasin-pois fourrager). L’expérience montre qu’insérer de nouvelles cultures dans une rotation en conservant une place plus ou moins importante aux cultures historiques est une pratique accessible. Elle ne demande pas forcément de nouveau matériel, sauf pour une pomme de terre si plantation et récolte sont mécanisées. Le matériel de culture peut varier pour les espèces de diversification. Par exemple, il est préférable d’utiliser du paillage thermique pour les melons les plus précoces. Les systèmes d’irrigation comme le goutteur en ligne ou le T-tape semblent plus adaptés aux cultures de diversification que les goutte-à-goutte avec des capillaires classiquement utilisés en concombre ou tomate. Pour être plus rapide, le palissage du poivron en haie peut nécessiter l’installation de poteaux en bois et l’achat de clips spécifiques. La gamme d’intrants de pollinisation et de protection des cultures est en majorité commune pour la diversification par rapport à la tomate ou au concombre. Toutefois, les homologations des produits phytosanitaires et les stratégies de lutte biologique sont différentes, ce qui demande donc une attention particulière. En termes de conduite des plantes, certaines cultures de diversification nécessitent peu ou pas d’entretien des plantes (pomme de terre, melon, poivron conduit en haie). D’autres, comme l’aubergine palissée sur ficelles, sont presque aussi exigeantes que la tomate ou le concombre, voire augmentent le temps et la fréquence de la récolte à surface égale (haricot vert et courgette).
Evolution de la fertilité biologique du sol
La tomate et le concombre comptent parmi les espèces les plus sensibles aux ravageurs et maladies aériens. Dans le contexte d’Alénya, l’oïdium et l’aleurode sont les problèmes les plus importants et récurrents. Les espèces de diversification n’ont pas toujours la même gamme de bio-agresseurs (voir encadré). La diversification des cultures a aussi permis de réduire le développement de parasites du sol. Ainsi, il a été mis en évidence que, quatre ans après la première production maraîchère dans ces parcelles anciennement en blé, la tomate Paola en franc révèle moins de nécroses racinaires (expression d’attaque de maladies cryptogamiques) dans les systèmes les plus diversifiés. De même, dans une parcelle en maraîchage sous abri depuis 20 ans affectée par un pool de maladies cryptogamiques, l’allongement de la rotation par la diversification des cultures et sans solarisation a permis de stabiliser, voire de baisser l’indice de nécroses racinaires évalué sur la tomate. Ces premiers éléments ne suffisent pas à valider l’effet strictement positif de la rotation diversifiée sur la régulation des maladies et ravageurs du sol ou aériens. Il s’agit de mécanismes en interaction avec les pratiques culturales, soumis aux conditions environnementales et qui se mettent en place sur plusieurs années. Pour contrôler les problèmes sanitaires, faire évoluer les systèmes maraîchers vers la diversification ne suffit pas, mais c’est une piste intéressante à creuser. Les expérimentations se poursuivent ; les systèmes sont également évalués en termes de recours aux intrants, de quantité et qualité de production, de temps passé, d’évolution entre autre de la fertilité biologique du sol. Ces dispositifs posent également la question du débouché commercial de ces productions. Ils sont pour l’Inra d’Alénya l’occasion de capitaliser des connaissances sur d’autres espèces : variétés, calendriers, densités de plantation, conduite des plantes et leurs besoins, critères de tri à la récolte, méthodes de conditionnement.
Les essais 4SYSLEG et Gedubat ici cités sont financés par l’Inra et Ecophyto Dephy Expe.
Plus de tolérance des espèces de diversification
Les espèces de diversification n’ont pas toujours la même gamme de bioagresseurs, certaines cultures comme la pomme de terre, le melon ou le poivron, ont très peu souffert de problèmes sanitaires. D’autres cultures sont plus tolérantes à des pressions modérées, voire fortes. Ainsi, la courgette, malgré une très forte pression d’aleurodes et d’oïdium, a donné des rendements tout à fait satisfaisants. Le concombre court épineux tolère la présence de thrips dans les fleurs car il est moins sensible à la déformation que leurs piqûres peuvent entraîner. Ainsi, la forte pression globale d’aleurodes sur le site expérimental s’est traduit par des appétences différentes selon les espèces et les variétés. La courgette se montre la plus affectée comptant plus de 40 aleurodes par feuilles contre 20 à 30 pour le concombre et moins de 5 pour le melon.