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Le numérique change l’approche du travail agricole

La 3e édition d’Esaconnect, les rendez-vous de l’agriculture connectée, organisée par l’ESA d’Angers, a porté sur les effets de la révolution numérique et de l’intelligence artificielle sur le travail.

Enthousiasmante pour certains, angoissante pour d’autres, la révolution numérique qui touche le secteur agricole entraîne des mutations profondes des façons de travailler. « A la différence de la mécanisation qui a, en son temps, bouleversé les pratiques, ce ne sont plus seulement les opérations techniques qui sont déléguées aux machines mais aussi des activités jusque-là dévolues aux agriculteurs et techniciens comme l’observation, la surveillance, le diagnostic, la décision », a souligné Berthille Thareau, sociologue, responsable du Laress* et de la Chaire Mutations Agricoles à l’ESA. En fruits et légumes, l’imagerie numérique est utilisée depuis longtemps pour trier et calibrer. Le numérique est aussi très présent sous serre, pour le pilotage du climat. On le trouve sur des tracteurs et outils de désherbage ou récolte, avec parfois des échecs, comme la botteleuse à radis, qui fonctionne, mais fournit des bottes ne répondant pas aux attentes. Le numérique permet aussi le suivi des temps de travaux et assure la traçabilité du producteur au consommateur (QR codes), sans interface des distributeurs. Et le changement numérique s’accélère. Sous serre, des outils sont mis au point pour piloter les cultures à distance et suivre la physiologie des plantes. « Un enjeu demain sera de détecter les problèmes sanitaires dès qu’ils apparaissent pour éviter un dérapage et produire des légumes zéro résidus zéro phyto », estime Philippe Retière, président de la Fédération des maraîchers nantais. En plein champ, l’utilisation de capteurs d’humidité des sols pour piloter les cultures commence à se développer. Et si la robotique est déjà développée en logistique (conditionnement, palettisation…), les producteurs s’intéressent aujourd’hui à la robotique et la cobotique pour réduire les tâches pénibles de désherbage, récolte, effeuillage… S’y ajoute encore l’agriculture urbaine, qui concentre les technologies les plus avancées.

Garder une vision globale

Les points de vue sur ces évolutions sont contrastés. Si le numérique et l’intelligence artificielle facilitent le travail, permettent des diagnostics plus précis, plus de réactivité et de performance, ils peuvent aussi entraîner une perte de sens du métier en reléguant l’homme au rang de simple exécutant. Ils attirent les jeunes, mais accélèrent aussi la baisse du nombre d’agriculteurs. Et des gens saturés du numérique s’orientent vers le maraîchage. Ils rendent le travail moins pénible physiquement, mais plus stressant. Et ils changent l’approche du travail. « Le temps passé à l’observation, auparavant essentiel à la réussite, est plus réduit aujourd’hui, constate Philippe Retière. Les maraîchers passent par contre plus de temps à suivre les données sur leur ordinateur ou leur smartphone. » La masse de données fournies en continu, le lien permanent à la culture par le biais du smartphone peuvent aussi être source de stress et de baisse de performance. « Il y a une tendance à la confiance absolue dans les capteurs et modèles. Mais les capteurs peuvent dévier et les modèles complexes sont parfois vendus trop tôt. Il faut aller voir la culture, pendre du recul sur les données et garder une vision globale du système. » De nouveaux enjeux apparaissent également. Un premier enjeu, pour éviter tout risque de fracture, est celui de la formation. « Nous devons nous former en continu et augmenter la compétence du personnel, avec des modules courts mais fréquents », estime Philippe Retière. Un autre enjeu est celui de la propriété des données et de leur mutualisation. « Aux Usa, des agriculteurs sont obligés de « hacker » leurs machines pour pouvoir les réparer, illustre Vincent Guérin, docteur en Histoire contemporaine. Et que se passerait-il par exemple si les assurances s’emparaient des données d’usure des pièces ? »

* Unité de Recherche en Sciences Sociales

Des start-up pour l’agriculture

Plusieurs start-up étaient présentes à Esaconnect. Créée en 2017, Echo-Green travaille avec l’Inra, Agroparistech et un partenaire informatique sur un capteur des signaux électriques émis par les racines des plantes en cas de stress. Son objectif à court terme est de le tester en tomate et concombre. Copeeks propose un boîtier qui prend des photos et vidéos de la culture et les transmet désormais par messagerie instantanée. Wefarm Up facilite la location de matériel entre agriculteurs en réglant notamment les problèmes de paiement et d’assurance. Elle compte 7 000 membres et 4 500 matériels dont une centaine pour les cultures spécialisées.

 

Agrinove et l’intelligence numérique

Le Forum Agrinovembre avait choisi l’intelligence numérique en agriculture comme thème de sa troisième édition, mi-novembre à Nérac (47). Le sujet découlait du concours organisé chaque année par la technopole Agrinove. En effet, les dossiers reçus en 2017 (entre 30 et 40) présentaient essentiellement des capteurs, applications connectées, logiciels d’optimisation de la gestion de l’exploitation… Un constat partagé par François Brun, de l’Acta. En effet, 70 % des agriculteurs installe des applications professionnelles sur leur portable, 46 % des tracteurs est équipé de GPS, et que plus de 200 entreprises travaillent dans le numérique agricole. De même, Laurent Bernède, fondateur de WeFarmUp, a présenté son application sur la location de matériels, concrétisant le concept de co-farming pour valoriser le capital matériel situé sous les hangars des fermes. Travailler en réseau présente un potentiel de plus en plus de important dans le monde agricole. Christian Lubat, fondateur de BeeGuard, système de suivi à distance de ruchers, a martelé : « Remplacer des gens par des technologies n’est pas intéressant mais augmenter leur capacité de travail grâce à ces nouvelles technologies, oui ». David Joulin, co-fondateur d’Ekylibre, lui, a insisté sur l’importance de faire communiquer les différents systèmes d’information et les diverses applications qui peuvent exister entre eux pour mieux échanger des données (l’interopérabilité des données). Ambroise Garnier, concepteur des Amiculteurs, souhaite mettre en place un réseau social agricole pouvant augmenter les chances d’échanges d’informations et de pratiques entre agriculteurs. L’après-midi s’est terminée par le lancement de l’édition du concours Agrinove 2018.

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