Le Maroc segmente sa tomate
Sans développer ses surfaces, la tomate marocaine cherche à segmenter sa production, ce qui impose d’améliorer ses techniques de production.
Sans développer ses surfaces, la tomate marocaine cherche à segmenter sa production, ce qui impose d’améliorer ses techniques de production.
La production de tomate marocaine destinée à l’exportation s’est développée au début des années 1980 en y trouvant des conditions climatique et économique favorables. Bousculant des situations acquises en Europe, elle a progressivement trouvé sa place dans un contexte international. « Aujourd’hui, 95 % de la tomate primeur est produite dans le Souss Massa Draa autour d’Agadir, la plus grande zone de production maraîchère au Maroc », mentionne Abdelmoumen Guennouni, dans Agriculture du Maghreb. Ainsi, sur les 21 000 ha de serre que regroupe cette zone, 6 000 ha sont consacrés à la tomate dont 5 200 ha destinés aux produits d’exportation. Elle représente la première culture sous abri, devant la banane (4 500 ha) et d’autres légumes (poivron, courgette, haricot, melon…).
Supporter les investissements d’une serre multichapelle
La tomate export représente 530 000 t, soit près de la moitié des 1,2 million de fruits et légumes primeur (hors agrumes) produits. « Cependant, le secteur se trouve devant une double difficulté avec une hausse régulière des charges entraînant une baisse de rentabilité et la nécessité de procéder à de nouveaux investissements pour la modernisation des outils sans avoir une visibilité d’avenir », note le mensuel. Même si, les serres de tomate ont connu des améliorations, notamment l’augmentation de leur étanchéité pour faire face à la pression parasitaire (aleurodes et Tuta absoluta), les producteurs ressentent de nouveau le besoin d’amélioration la performance des outils de production notamment pour une meilleure gestion du climat. Celle-ci passe essentiellement par une meilleure aération des abris aujourd’hui difficile dans les serres canariennes traditionnelles. « Pour tenir compte de cette nécessité, nous avons consacré un symposium sur le sujet en 2015 », témoigne Ahmed Mouflih, directeur de la Fifel, Fédération interprofessionnelle marocaine de production et d’exportation des fruits et légumes. Selon le responsable, un projet de centre d’excellence est en cours de réalisation en partenariat avec l’Institut Agronomique et Vétérinaire (IAV) Hassan II- complexe horticole d’Agadir, des sociétés hollandaises et la Fifel avec pour objectif de travailler la maîtrise du climat, les économies d’eau et la production hors-sol dans des serres de nouvelles technologies. Mais ces évolutions ont un coût. Selon Samir Belghol, directeur de l’Apefel, Association marocaine des producteurs et producteurs-exportateurs de fruits et légumes, « le coût de la structure seule d’une serre multichapelle est d’environ un million de dirhams par hectare contre 430 000 dirhams pour une serre canarienne prête à produire ». De fait, seule la valorisation par des productions de tomate de segmentation, essentiellement tomate à cerise, permet de supporter les investissements d’une serre multichapelle. Pour l’heure, le parc des serres multichapelles, les plus élaborées, représente environ 400 ha dans la zone du Souss Massa. Certains groupes de production ont même tenté l’utilisation du chauffage à air pulsé, pour faire face aux plus basses températures, et l’injection de CO2 mais avec une rentabilisation très difficile.
Le hors-sol pour les petits fruits
Aussi, il semble qu’une part du renouvellement s’oriente plutôt vers des serres « canariennes améliorées ». L’installation de gouttières entre chéneau se généralise afin d’évacuer les excès ponctuels de précipitation et éviter les problèmes de conduite de la fertilisation (chute de l’EC par lessivage). Quelques serres canariennes avec ouvrants sont également mises en place, mais le surcoût de la structure et de l’ordinateur de gestion climatique freine les motivations. Toutefois, le développement de la contractualisation avec la grande distribution en Europe qui constitue 80 % des débouchés et l’ouverture de nouveaux marchés vers la Russie encouragent ces investissements. La Russie, qui représente près de 15 % avec une exigence qualitative accrue, est un nouveau débouché très convoité (voir encadré). Ahmed Mouflih note également un début d’exportations vers les pays du Golfe. La forte augmentation des surfaces en production hors-sol est également une évolution notable. Ce mode de culture concerne surtout les productions de tomate petits fruits car il permet une bonne maîtrise de l’EC des solutions nutritives pour éviter l’éclatement des fruits. Certains opérateurs spécialisés sont à 100 % en hors-sol. Pour la tomate ronde, même si le hors-sol apporte peu d’amélioration de rendement et donc de valeur, il représente la seule solution au problème croissant des nématodes. La technique devrait donc continuer à se développer. De plus, la durée d’utilisation des substrats, essentiellement en fibre de coco, se réduit. De quatre ans, celle-ci est parfois rendue à un an. Cette utilisation unique facilite le drainage et réduit les risques d’excès d’eau à température élevée dans les conditions de plantations très chaudes du mois d’août. A noter également l’utilisation de plus en plus fréquente des sacs de substrats au détriment du vrac en gouttière.
Des cultures à forte valeur ajoutée
Si la production de tomate connaît des évolutions techniques et une diversification de sa segmentation, les surfaces évoluent peu dans la région du Souss Massa Draa. Les anciennes serres (mais surtout les investissements) sont mobilisés pour le développement des fruits rouges, surtout la framboise qui y connaît un essor fulgurant (voir encadré). A 1 200 km au sud, la zone de Dakhla compte environ 700 ha de culture de tomate, essentiellement petits fruits et 300 ha de melon. Ces surfaces sont réparties entre quatre structures de production. « L’Apefel et la Fifel y ont implanté une antenne avec un projet de création de 100 ha de serre autour de jeunes producteurs du groupe Rosaflor », mentionne Samir Belghol. Malgré un contexte politique délicat, Dakhla est présenté comme « un pôle agricole d’avenir et une porte ouverte vers l’Afrique ». La zone bénéficie d’un projet de grand port et d’amélioration des infrastructures routières pour la rendre plus accessible. Son évolution agricole est basée sur la gestion de l’eau fossile, provenant de nappe profonde. « Nous sommes dans un contexte de valorisation de l’eau et de pompage raisonnable avec des quotas pour des cultures à forte valeur ajoutée », précise le responsable.
La framboise en plein essor
La production de framboise, et plus largement de fruits rouges, a explosé dans la région du Souss. Ils représentent environ 2 000 ha dont 1 500 ha de framboise, 400 ha de myrtille, 80 ha de fraise et une dizaine de mûres, contre 550 ha en 2006. Après l’échec des premières tentatives dans les années 1990, la région est devenue un acteur important de la production de framboise pour le marché européen. Elle bénéficie d’un climat semi-aride permettant des récoltes de contre saison en période hivernale et de l’expérience d’opérateurs déjà impliqués dans d’autres productions. Une partie du parc de serre de tomate, plus étanche et disposant de la brumisation, a été et est en cours de reconversion vers la framboise. Ainsi, la culture se déplace de la région de Taroudan vers celle de Chtouka Ait Baha où des producteurs de tomate développent les cultures de fruits rouges, mentionne Agriculture du Maghreb. Cette évolution est directement associée à la dynamique de production de fruits rouges que connaît actuellement le Maroc, notamment dans les régions du Gharb et du Loukkos, au nord du pays, qui comptent aujourd’hui plus de 7 000 ha dont 3 300 ha de fraise, plus de 1 800 ha de framboise, 1 900 ha de myrtille pour une production globale de près de 170 000 t.
Duroc emballe ses tomates
Duroc, filiale du groupe Delassus, est spécialisé dans la production de tomates petits fruits avec une production de 37 000 à 38 000 t. Très axée sur le marché européen, notamment britannique, l’entreprise s’est implantée avec intérêt sur le marché russe très réceptif aux démarches marketing et packaging. « Depuis septembre 2017, notre marque est déclinée en collection : Notorious, Pop star, Sun Pop, Delicates, Lollypop », explique Fatiha Charrat, directrice marketing. Chacune d’elle permet de positionner différents types de tomate allongée + cerise pour Notorius, variétés jaunes et orangées pour Sun Pop, mélange de couleurs et de formes pour Lollypop. La stratégie marketing a impliqué des investissements importants dans des chaînes de pré-emballage pour proposer des unités consommateurs. Mais Duroc n’entend pas s’arrêter là. « Notre développement se fera aussi dans la tomate ronde avec du goût pour le marché anglais et européen », confie Fatiha Charrat.
Région Agadir-Souss Massa Draa
21 000 ha de serre
6 000 ha de tomate
530 000 tonnes de tomate exportées
1500 ha de framboise