Kiwi : comment évoluent les pratiques culturales ?
Le kiwi connaît un fort engouement au niveau mondial. Les itinéraires culturaux au verger et le circuit post-récolte en station se spécialisent, comme en témoignent les communications sur l’avancée des connaissances et la technologie lors du 10e Symposium international du kiwi.
Le kiwi connaît un fort engouement au niveau mondial. Les itinéraires culturaux au verger et le circuit post-récolte en station se spécialisent, comme en témoignent les communications sur l’avancée des connaissances et la technologie lors du 10e Symposium international du kiwi.
« L’amélioration des pratiques de production de kiwi dans le monde ne vise plus seulement les rendements et les calibres. L'arrivée des nouvelles variétés doit s’accompagner de recommandations spécifiques sur la conduite au verger et les performances post-récolte » : telle a été l’analyse des perspectives d’évolution de la filière kiwi réalisée par Chloé Leclerc et Elsa Desnoues, du CTIFL, après leur participation au Xe Symposium international du kiwi. Lors de cet événement qui s’est déroulé fin 2021 en Turquie, plus de 120 publications ont présenté les résultats de la recherche et les perspectives de la filière à l’échelle mondiale.
La couleur et les propriétés nutritionnelles
Parmi les 60 cultivars existants, le kiwi vert Actinidia chinensis var. deliciosa Hayward conserve encore son monopole sur les étals, « le temps que les nouvelles sélections terminent le processus d’enregistrement », a annoncé G. Costa, représentant de la Société internationale des sciences de l’horticulture (ISHS). Ainsi, la diversification de l’offre variétale s’accélère depuis les années 1990, d’abord avec les cultivars à chair jaune puis à cœur rouge. Les kiwis de couleur sont des sélections naturelles. En Chine, le Wuhan Botanical Garden and Botanical Institute a sélectionné Jintao puis Jinyan et Donghong parmi les plus connus. Gold (Hort16A), SunGold (G3) et RubyRed sont brevetés par Zespri et Plant & Food Research. L’université d’Udine en Italie diffuse Soreli. Pour les mini-kiwis, dits kiwaïs, deux cultivars d’A. arguta rouge et vert sont en cours d’enregistrement à l’Office communautaire des variétés végétales d’Angers (OCVV).
« La couleur et les propriétés nutritionnelles des kiwis rouges attirent également l’attention », mentionnent Chloé Leclerc et Elsa Desnoues. Diffusé depuis 2022 en Asie, le nouveau cultivar de Zespri, RedRuby, est déjà très attendu. Il ne contient pas d’actinidine, l’enzyme bénéfique pour le transit intestinal mais allergisante. Les exigences des programmes d’amélioration se sont également renforcées au niveau de la productivité et de la facilité de conduite. « Au verger, les producteurs recherchent des cultivars et porte-greffes à faibles besoins en froid et avec de meilleures capacités d’enracinement et d’adaptation face au climat instable », soulignent les spécialistes. Ainsi, une vigueur modérée devient un critère de sélection pour limiter les opérations de taille d’une végétation stimulée en milieu protégé chez A. chinensis (filets, tunnels, serres). La sélection de plantes résistantes ou tolérantes à la bactérie Pseudomonas syringae pv actinidiae (PSA) reste aussi une priorité, notamment pour les nouveaux pays producteurs encore épargnés.
Alléger les symptômes du dépérissement
L’adaptation au changement climatique fait également partie des axes de sélection. Des hybrides inter-spécifiques entre des variétés appréciées par le consommateur et adaptées au climat chaud sont déjà commercialisés (A. chinensis, A. rufa, Sanuki Kiwicco®). Ces hybrides ont hérité des capacités d'adaptation d’A. rufa : sa cuticule plus épaisse permet de limiter l'évapotranspiration des feuilles. « Assurer la santé de la plante est crucial. Le maintien de la biodiversité, de l'aération du sol et d'une fertirrigation au plus près des besoins de la plante permet d’alléger les symptômes du dépérissement des vergers et de la bactériose causée par PSA », relatent Chloé Leclerc et Elsa Desnoues.
Face au syndrome du déclin, les équipes italiennes recommandent donc un porte-greffe adapté au sol avec une affinité vérifiée avec le greffon, la décompaction du sol, le maintien d’une teneur en matière organique élevée, l’entretien de la végétation et de la biodiversité sur l’interrang, la butée des rangs, une fertilisation et une irrigation adaptées (volume, fréquence, forme). Selon Tacconi et al., ces mesures n’apportent qu’un soulagement temporaire : les symptômes peuvent réapparaître au bout de quelques années.
Vers l’optimisation des itinéraires post-récolte
« Les paramètres physiologiques de maturité ne répondent pas uniquement à la température (nuit froide) : le changement climatique (automne chaud) et les nouvelles variétés ont montré que ces processus étaient en partie génétiquement contrôlés », relèvent les spécialistes. Les performances en conservation selon la maturité des kiwis sont inégales avec des pertes d’eau plus importantes pour les fruits très précoces et très tardifs. « La probabilité des dommages liés au froid peut être prédite par la mesure du degré Brix et de la fermeté à la récolte, puis par un contrôle de la fermeté à 4 et 6 semaines après la mise en chambre froide », ont mentionné Burdon et al.
Aussi, les outils de mesures non destructifs sont actuellement capables d’estimer de façon fiable le taux de sucres et de matière sèche par proche-infrarouge (HC-100C Sunforest). En revanche, les modèles ne permettent pas encore de mesurer les paramètres de couleur et de texture à la récolte, ni de suivre leur évolution au cours du stockage. D’autres applications de ces outils sont à l’étude : détection de certains désordres internes comme les chocs, la vitrescence, ou les zones atteintes de pourritures. La 11e édition du Symposium international du kiwi, prévue du 20 au 23 février 2023 en Nouvelle-Zélande, est déjà très attendue.
Une vigueur modérée devient un critère de sélection pour limiter les opérations de taille
Changement climatique en Nouvelle-Zélande
Les conclusions des simulations néo-zélandaises sont optimistes. Dans un contexte de réchauffement global, la distribution des productions fruitières pourrait être redessinée. La zone de culture du kiwi s’étendrait notamment vers le centre et le sud de l’île car le réchauffement réduirait le risque de froid. Les cultivars diploïdes et tétraploïdes (SunGold) seraient favorisés car leurs besoins en froid sont inférieurs à ceux des hexaploïdes (Hayward). Toutefois, l’usage de traitement favorisant le débourrement pour Hayward pourrait être nécessaire pour compenser le manque de froid et continuer à cultiver la variété (prévision 2068-2098). En Europe, les vergers de Hayward pourraient migrer vers le nord ou en altitude si le pédoclimat le permet.
Trois points de recherches à retenir
La couleur du kiwi, comme les hybrides jaunes de petit calibre, Jinyan, ou bicolores à cœur rouge cerclé d’une chair verte, Hongyang (Red Sun®, RS1, Kiwi PassionTM) et Donghong (Oriental Red®, JingoldTM) attisent la curiosité. L’institut turc d’Atatürk a enregistré deux variétés jaunes et continue sa sélection pour la couleur en tenant compte de la qualité gustative.
Lutter contre PSA en fortifiant la plante
Depuis 13 ans, la bactérie Pseudomonas syringae pv. actinidiae (PSA) s’est disséminée de l’est de l’Asie vers tous les pays producteurs de kiwi. Très virulent, Pseudomonas syringae pv. actinidiae biovar 3 (PSA 3) peut survivre sans provoquer de symptômes pendant de longues périodes. Il infecte la plante, se propage par le xylème jusqu’aux racines. Les feuilles présentent des points, jaunissent et flétrissent. Dans les cas les plus sévères, les vergers signalés sont arrachés. Le kiwi n’est pas réimplanté dans ces zones. L’apport azoté sous forme ammoniaquée réduit les défenses de la plante face à PSA. L’ammonium NH4+ était déjà connu pour entrer en compétition avec les éléments minéraux calcium, potassium et magnésium et avec les ions métalliques zinc, manganèse et fer. Les nitrates NO3– améliorent la nutrition de la plante en phosphore, potassium, magnésium, calcium, zinc, manganèse et fer. L’accumulation des minéraux fortifie la plante (tissus, mécanismes de défense) et limite la colonisation par la bactérie. Ces observations ont permis aux producteurs d’adopter des mesures prophylactiques pour réduire les sources d’infection primaire au verger et de continuer à vivre avec la maladie.
Déverdissement des kiwis jaunes
Les kiwis jaunes développent leur couleur en mûrissant sur la liane. Pour déclencher la récolte de ces variétés, le critère de teinte de la chair complète le traditionnel indice réfractométrique (8,5-10 ° Brix), la matière sèche et la fermeté. La coloration est contrôlée génétiquement, en lien avec l’évolution de l’amidon, de l'indice refractométrique, et parfois de la fermeté. Elle reste trop dépendante de la température et de la variété pour pouvoir être un indicateur à lui seul suffisant de maturité ou de mûrissement. Des épisodes soudains de froid peuvent initier la perte de fermeté du fruit alors que celui-ci n’a pas entamé le virage de couleur.
Après récolte, les fruits cueillis encore verts pâles et fermes, peuvent néanmoins atteindre la couleur jaune ou dorée attendue par les consommateurs grâce à la gestion de la température. Cette dernière stimule l’activité des chlorophyllases, enzymes de dégradatation des chlorophylles. Entre 7,5 et 10 °C, la teinte minimale exigée pour SunGold (103 °h) est atteinte en 1 à 2 semaines, contre 3 à 5 semaines à 5 °C. Un déverdissement trop long, dans l’objectif d’intensifier la couleur, augmentera cependant le risque de fruits mous. Une descente en température progressive est conseillée pour les fruits tout juste déverdis sensibles aux dommages liés au froid. Parmi les températures testées (-0,8 °C à 3 °C), le stockage après déverdissement à 1 °C totalise moins de pourritures, de vitrescence et de fruits mous. Des outils et modèles sont développés pour détecter ces défauts internes.