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Le kiwi cherche à se protéger contre la punaise diabolique

La punaise diabolique est une problématique croissante pour la filière kiwi. Le BIK a lancé plusieurs axes de recherche afin de trouver des solutions de protection contre ce ravageur encore mal connu.

« Jusqu’à cette année, les vergers de kiwi de la vallée de la Garonne et du Gard étaient relativement épargnés par la punaise diabolique, Halyomorpha halys, rapporte Adeline Gachein du Bureau national interprofessionnel du kiwi (BIK) lors de la journée technique consacrée à ce ravageur, organisée en verger mi-juillet dans la vallée de l’Adour. Mais cette année, les populations ont aussi explosé dans ces deux bassins de production. » Les dégâts sur kiwi sont compris en moyenne entre 5 et 25 % et peuvent atteindre plus de 35 %. Ils consistent en une chute de fruits et la formation de liège à l’intérieur du kiwi, ce qui dégrade sa qualité.

Le type de dégâts dépend du stade du kiwi au moment de la piqûre. La punaise diabolique, arrivée en France en 2012, est un ravageur émergent encore mal connu. Le BIK a commencé plusieurs actions pour comprendre son fonctionnement. Dès 2018, un réseau de suivi a été mis en place. Il compte aujourd’hui 33 parcelles dans les trois bassins de production. « Les populations de punaises sont très variables d’une année à l’autre, témoigne Franck Gilbert technicien pour Garlanpy. Il semblerait que l’environnement attenant aux parcelles de kiwi joue un rôle primordial dans l’explication de sa présence. » Des producteurs constatent que les punaises sont présentes en plus grand nombre aux abords de parcelles de colza, plante très attractive ou près de zones construites : maisons, local d’irrigation…

Des pistes de protection

« A ce jour, il n’existe pas de produit avec autorisation de mise sur le marché (AMM) contre la punaise sur kiwi, résume la directrice du BIK. Nous avons été à l’initiative de la création de l’usage punaise sur kiwi. Et nous avons obtenu une AMM dérogatoire pour le Decis qui a une efficacité correcte sur les stades juvéniles. » En Italie, où la punaise est aussi très présente, plusieurs produits ont une AMM mais aucun d’eux n'a reçu d’autorisation en France. « Nous avons besoin de témoignages de producteurs pour montrer l’importance du problème à l’administration », lance Adeline Gachein.

En attendant, d’autres pistes sont explorées au sein du projet Polcka. Des essais de répulsifs ont débuté cette année. Le Prevam à base d’huile essentielle d’orange, Ter’alg, un engrais à odeur d’ail, de l’argile Zeolite et l’engrais foliaire StarMax à base de zinc et de soufre ont été testés. Ce dernier produit a montré une efficacité en laboratoire. Il tue les bactéries présentes sur la pellicule de l’œuf. Lorsque la larve de H. halys sort de l’œuf, elle consomme cette pellicule, ingérant ces bactéries indispensables à sa digestion et donc à sa survie. Un autre essai teste des plantes attractives : maïs, sorgho, millet et soja, jouxtant des vergers de kiwi afin de déterminer laquelle pourrait servir de meilleur attractif que le kiwi.

Un ravageur très mobile

« L’objectif serait de tuer ces punaises une fois installées sur cette plante attractive, complète Adeline Gachein. Reste à savoir comment les tuer sans que les adultes s’envolent. » La mobilité de ce ravageur est bien un des freins au développement de techniques alternatives. « Même dans des vergers sous filets insect proof, elles arrivent à trouver un interstice par où passer », continue-t-elle. La mise en place de ces filets permet cependant de maîtriser les populations. Les punaises adultes sont très résistantes : les traitements insecticides ont très peu d’effet sur elles. D’où l’idée de cibler les stades larvaires. Une étude a été mise en place, en collaboration avec le GIS Fruits et l’INRAE, afin de mieux connaître le cycle de ce ravageur et ainsi connaître les dates des différents stades pour positionner les solutions de protection.

 

 

Un parasitoïde à l’étude

 
La punaise diabolique provoque jusqu'à 35% de perte de récolte en verger de kiwi. © JC Streito

Une piste à long terme est l’introduction de parasitoïdes. « L’INRAE travaille déjà sur le sujet avec Trissolcus japonicus, un parasitoïde spécifique de H. halys mais non endémique », informe l’agronome. Un frein pour des lâchers rapides massifs de cet auxiliaire en France. L’Italie a déjà commencé des lâchers en vergers en 2020. « Si on arrive à prouver que l’insecte est déjà présent chez nous, les freins à son introduction seront moindres », souligne Adeline Gachein. D’où l’intérêt pour les producteurs d’envoyer à l’INRAE les plaques d’œufs (ooplaques) de punaises qu’ils trouvent dans leurs vergers afin de déterminer si les œufs sont parasités.

Un spectre d'hôtes très large

Même avec une autorisation de lâchers massifs, la solution ne semble pas gagnée d’avance. La reproduction de la punaise diabolique en laboratoire est difficile et donc l’élevage du parasitoïde T. japonicus sur ses œufs l’est aussi. Un parasitoïde local parasite les œufs de H. halys, Anastatus bifaciatus. Mais il a un spectre d’hôtes très large, et il n’est pas possible à ce jour de l’utiliser en lutte biologique par inondation. Enfin, l’option du piégeage massif est trop coûteuse et risquée, avec une phéromone d’agrégation qui attire les punaises autour du piège et pas uniquement dedans.

 

Une dynamique de population exponentielle

Des pièges attractifs avec une phéromone d'agrégation sont utilisés pour piéger les punaises vivantes. © RFL

Depuis cette année la maturation ovarienne des punaises femelles de Halyomorpha halys fait l’objet d’une étude afin de déterminer s’il existe des pics de pontes. « L’objectif est de pouvoir cibler le moment d’application des moyens de lutte », explique Robin Jail, ingénieur stagiaire. Au moment de la journée technique, deux pics de pontes semblaient se révéler en 2021. Un aux alentours du 15 juin et un autre vers fin juillet. Un décalage de quinze jours par rapport aux données de la littérature qui peut s’expliquer par les périodes de froid de la fin de printemps. « La littérature parle de deux générations par an, les suites de l’étude nous diront si c’est bien le cas, continue Robin Jail. Des femelles ont été piégées jusqu’à mi-novembre les années passées. On suppose donc qu’il pourrait y avoir un troisième pic en août ou septembre ».

La durée du pic de juin a été de trois semaines dans la vallée de la Garonne et d'une semaine et demi en Adour. Sur ces périodes, 85 % des femelles disséquées étaient prêtes à pondre. « Mais toutes les pontes ne se font pas sur ces pics, ajoute-t-il. Chaque semaine depuis début juin, 15 % des femelles sont en cours de ponte. » Ce qui signifie que les pontes sont continues à partir de début juin mais la majorité se fait lors de ces deux pics. Chaque femelle peut pondre jusqu’à six ooplaques de 20 à 30 œufs chacune par an. Les œufs du premier pic sont issus des femelles hivernantes qui sont sorties de leur refuge d’hivernation lorsque les températures ont dépassé 15°C.

Cinq stades larvaires

Sachant que les femelles adultes vivent 60 jours et que la durée de développement du stade œuf au stade adulte varie entre 30 et 100 jours selon la température, les œufs du second pic sont issus des femelles hivernantes et des femelles issues des premières pontes. Ce qui donne une dynamique exponentielle de population. Dès le stade 2, les larves commencent à provoquer des dégâts sachant qu’il y a cinq stades larvaires. Et les femelles résistent à des températures de -17°C. Les producteurs ne pourront donc pas compter sur le froid pour les aider.

 

 

 

Les ooplaques d'H.halys sont à envoyer à Alexandre Bout, INRAE de Sophia-Antipolis - RDLB

400, Route des Chappes 06903 Sophia-Antipolis

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