« L’agronomie peut aider à la gestion des mauvaises herbes »
ingénieur Acta et spécialiste en malherbologie et désherbage.
ingénieur Acta et spécialiste en malherbologie et désherbage.
Comment peut-on gérer la flore adventice par l’agronomie ?
Les levées des adventices sont très liées aux pratiques agronomiques et au système de culture. A la manière d’un tamis, chaque intervention de l’agriculteur (rotation, faux-semis, décalage de la date de semis…) aura pour effet de modifier et de réduire le potentiel de levées dans une parcelle. On évalue à 85 % le taux d’espèces annuelles en grandes cultures ou maraîchage. Il est nécessaire de tenir compte de la notion de dormance (non maîtrisée à ce jour) pour comprendre le fonctionnement de cette flore : une graine dormante ne germe pas, même en conditions favorables ; il s’agit d’une adaptation de la flore à des cycles et des conditions climatiques. Les types et durées de dormance sont très variables entre espèces et ont conduit à créer des groupes de germination.
Quels sont ces groupes ?
On distingue les espèces automales-hivernales dont la levée de dormance est induite, entre autres facteurs, par les fortes chaleurs estivales. C’est le cas du gaillet gratteron ou des véroniques, coquelicots, lupins… Les printanières comptent les renouées et le chénopode blanc. Les amarantes, morelle noire, panic pied de coq, sétaires, datura représentent les estivales. Enfin, certaines sont indifférentes et germent toute l’année : la stellaire intermédiaire, le séneçon vulgaire ou le pâturin annuel. Selon ces groupes de germination, chaque culture possède donc un cortège d’adventices qui lui est propre. On sait que la flore s’adapte toujours à la situation. Mais on ne sait pas comment et à quelle vitesse les espèces s’adaptent au système ? De fait, le point clé de la rotation est d’alterner cultures d’automne et cultures de printemps. Il est également intéressant d’essayer si possible le modèle 2 x 2, deux cultures d’été puis deux cultures d’hivers.
Les adventices ont-elles toutes la même nuisibilité et le même impact sur la culture ?
Dans le cas des céréales à paille, on a estimé 4 niveaux de nuisibilité directe (impact sur la culture) et indirecte (nombre de graines par plante). Dans une échelle de nuisibilité directe qui va de 1 à plus de 130, le gaillet gratteron et la folle avoine ne dépassent pas 5. La classe 2 de nuisibilité regroupe le vulpin des champs, le ray-grass d'Italie, le coquelicot, la matricaire camomille et la véronique de Perse avec un impact d’environ 25 mais avec des nombres de graines par plantes très importants, jusqu'à 200 000 pour le coquelicot. La classe 3, composée de la véronique à feuilles de lierre, le lamier pourpre ou le myosotis des champs, double le seuil de nuisibilité, environ 50, mais avec des volumes de graines beaucoup plus faibles, de 200 à 6 000. Enfin, la pensée des champs et l’alchémille des champs cumulent nuisibilité, plus de 130, et nombre de graines par pied, jusqu’à 20 000 pour la pensée. Mais ces chiffres doivent être modulés par la durée de conservation des graines dans le sol (taux annuel de décroissance du stock grainier) très liée aux paramètres biologiques des espèces et aux pratiques agricoles de la parcelle.
Quelle est la quantité de ce stock ?
Différentes études permettent d’estimer qu’une terre propre renferme dans sa couche arable de 30 cm de profondeur de 1 500 à 5 000 gr/m2 soit 15 à 50 millions de graines, une terre moyennement propre de 5 000 à 10 000 gr/m2 (soit 50 à 100 millions de graines) et un terre dite « sale » contient plus de 10 000 gr/m2 (au-delà de 100 millions de graines). La durée de vie des graines dans le sol est à moduler avec le taux annuel de décroissance (TAD) qui prend en compte les pertes de semences par prédation, parasitisme et sénescence, ainsi que les échecs à la germination ou à la levée. Il s’exprime en pourcentage du stock initial de semences.
Comment fonctionne le stock de graines dans le sol ?
Plus le TAD est important, plus le stock de semences du sol régresse vite. Toutefois, les adventices ont un comportement très variable à l’enfouissement. Il faut donc différencier la durée de vie des graines de celle du stock de graines. En grandes cultures, on estime que 95 % des levées ont lieu dans les dix premiers centimètres du sol. Ainsi, l’enfouissement est très efficace sur graminées annuelles dès cinq centimètres de profondeur comme pour le vulpin des champs. Toutefois, un labour trop fréquent aura pour effet de remonter autant de graines dans la zone de germination qu’il en enfouit en profondeur : « Trop de labour tue le labour. » Il faut donc trouver la combinaison labour-rotation pour en faire le pilier de la gestion intégrée des adventices. Il est également possible d’avoir une autre vision dynamique du stock de graines dans le sol en délimitant trois zones. La zone de conservation minimale, de 0 à 5 cm de profondeur où la température, l’hygrométrie, le taux O2 dissous… sont très variables et dans laquelle les semences sont très sollicitées. La zone transitoire, de 5 à 15 cm, avec des températures, hygrométrie, taux O2 dissous, … variables joue un rôle de mise en réserve facilement accessible (« réfrigérateur »). Puis, en dessous de 15 cm, la zone de conservation maximale (mise en réserve sur de très longues périodes) avec des paramètres peu variables fait office de « congélateur ».
Comment peut-on influencer cette évolution ?
Outre l’association rotation-gestion de travail du sol, il existe deux possibilités. Le déstockage et le faux semis. Dans la pratique, ces deux techniques sont proches mais il convient de bien les différencier. Le déstockage se pratique en travaillant superficiellement le sol après une culture. Il concerne les adventices qui ont le potentiel de germer à cette période ou de manière indifférente et permet donc de réduire le stock de graines. Le faux semis se pratique, un mois à un mois et demi avant la mise en place de la culture, avec pour objectif de faire lever et de détruire les adventices qui pourraient lever en même temps que la culture. Le vrai faux semis est efficace sur les espèces à levées précoces et groupées. Mais attention, toute perturbation du sol provoque de nouvelles levées.
« La combinaison labour-rotation est le pilier de la gestion des adventices »