La stratégie du gouvernement pour 2025
La stratégie nationale de déploiement du biocontrôle prévue dans la loi Egalim a été dévoilée. Le gouvernement y annonce une série de mesures pour développer le biocontrôle d’ici 2025 et contribuer ainsi à son objectif de réduction de l’usage des produits sanitaires de synthèse.
Elle était attendue depuis près d’un an. La stratégie nationale de déploiement du biocontrôle du gouvernement a finalement été publiée en novembre 2020. Prévue dans la loi Egalim, elle vise à lever les freins au développement du biocontrôle pendant les cinq ans à venir, afin d’atteindre l’objectif de réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à cette échéance. Quatre axes y sont proposés, le premier concernant le soutien à la recherche et à l’innovation. « Les PME/TPE seront principalement visées. Les projets relatifs aux solutions de biocontrôle seront prioritaires dans tous les dispositifs existants en R & D pour lesquels l’Etat apporte des financements dans le domaine agricole », indique le document de présentation de la stratégie. Le gouvernement annonce ainsi, « dès 2020 », la mise en place d’un dispositif d’accompagnement des TPE/PME, doté d’un budget de 1 million d’euros. Le deuxième axe de la stratégie est la simplification de la réglementation. Le but est de « consolider la définition des produits de biocontrôle au niveau réglementaire afin de ne viser que les produits dépourvus de risque, ou présentant un risque faible pour la santé ou l’environnement ». La stratégie nationale prévoit aussi de « faciliter le recours aux pièges à phéromones pour la surveillance et la lutte contre les insectes ravageurs des cultures ». Un des objectifs est aussi de simplifier les procédures administratives pour la dissémination dans l’environnement des macro-organismes. Une liste consolidée des macro-organismes non indigènes et indigènes autorisés devrait être publiée cette année.
Faire reconnaître le biocontrôle au niveau européen
Le déploiement des solutions de biocontrôle constitue le troisième axe. La constitution de « vitrines de démonstration » est évoquée, ainsi que l’amélioration de « l’information/la formation initiale et continue des acteurs professionnels, mais également du grand public ». Cet axe vise aussi à « encourager » la valorisation économique des pratiques agricoles ayant recours aux solutions de biocontrôle. Il est prévu d'« étudier la possibilité et la pertinence d’une TVA pour les solutions de biocontrôle alignée sur la TVA des produits utilisables en agriculture biologique » (voir encadré). Le quatrième et dernier axe de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle consiste en la promotion du biocontrôle au niveau européen, « notamment dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et de la stratégie De la ferme à la table ». La stratégie européenne a le même objectif de réduction d’usage des phytos, mais à l’horizon 2030. Pour IBMA France, l’association française des entreprises du biocontrôle, la reconnaissance et la promotion du biocontrôle au niveau européen est un enjeu essentiel. « Le calendrier politique pourrait être opportun alors que la France se prépare à la Présidence du Conseil de l’UE lors du premier semestre 2022 », indiquait l’association en novembre 2020.
« La mise en œuvre de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle fera l’objet d’un suivi annuel dans le cadre du groupe de travail ayant participé à son élaboration », précise le document présentant la stratégie. Des objectifs chiffrés sont aussi définis. Alors qu’un peu plus de 600 produits de biocontrôle étaient disponibles sur le marché fin 2020 (produits présents sur la liste publiée chaque mois par le ministère de l’Agriculture), le but est d’atteindre le millier de produits sur le marché début 2025. Le nombre de macro-organismes autorisés pour la protection des cultures devra passer de 377 au 1er janvier 2020 à 420 au 1er janvier 2025. Enfin, les produits de biocontrôle devront couvrir 60 % des usages en 2025, contre 40 % aujourd’hui.
Quel taux de TVA pour le biocontrôle ?
La stratégie du gouvernement entrouvre la porte à une TVA à taux réduit pour les solutions de biocontrôle, ou tout au moins en « étudier la possibilité et la pertinence ». Actuellement, seuls les produits phytosanitaires utilisables en AB bénéficient actuellement d’une TVA au taux réduit de 10 % selon l’article 278 bis du Code général des impôts. Les solutions de biocontrôle non utilisables en bio, tout comme les macro-organismes utilisés comme auxiliaires, ont une TVA à taux normal de 20 %.
La société Bioplanet, spécialisée dans les micro-organismes, a annoncé en janvier 2021 une augmentation du prix de vente de ses macro-organismes à partir du 1er février, d’un passage au taux de TVA de 20 %. L’entreprise, qui appliquait jusqu’à présent un taux de TVA de 10 % sur ses ventes, a récemment été notifiée par l’administration fiscale sur le fait que les macro-organismes ne bénéficiaient pas de ce taux réduit.
Le texte complet de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle est disponible sur agriculture.gouv.fr/strategie-nationale-de-deploiement-du-biocontrole
« Valoriser les solutions qui existent »
Qu’attendez-vous de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle ?
Les objectifs de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle sont alignés avec l’ambition de réduction de 50 % des pesticides de synthèse de la stratégie européenne « Farm to fork » (« De la ferme à la table »), et en cohérence avec l’ambition d’IBMA France de passer le cap des 30 % du marché de la protection des plantes à horizon 2030. C’est une stratégie sur cinq ans, un horizon de temps court qui verra ses objectifs chiffrés atteints si elle se matérialise maintenant par des mesures incitatives permettant de lever les freins au déploiement des très nombreuses solutions de biocontrôle déjà existantes.
Comment faire pour accélérer le développement du biocontrôle ?
Pour faire accélérer l’utilisation du biocontrôle, il faut tout d’abord que les professionnels du secteur sur le terrain se sentent légitimes pour en parler aux agriculteurs, et pour cela multiplier les actions de formation. C’est pour cela qu’IBMA France est partenaire du projet BET (Biocontrol e-training) qui vise à promouvoir les connaissances sur le biocontrôle à travers des contenus e-learning innovants et faciles d’accès. Agrauxine a, quant à elle, fondé avec l’université de Lorraine la chaire Bio4solutions dont le premier objectif est de créer un parcours de formation continue sur les biosolutions. Mais il faut que ces initiatives se multiplient sur le territoire et que la puissance publique y contribue.
Ensuite pour que le biocontrôle se développe, il faut mettre en mouvement le système. En cela, la mise en œuvre progressive et concertée des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) semble être un excellent outil. On peut critiquer ce qui s’apparente à une contrainte fiscale de plus, mais ne nous leurrons pas, quel que soit le sujet, c’est le levier le plus efficace dont dispose l’Etat pour nous faire changer nos comportements !
Quel sera le rôle de la R & D lors de ce déploiement ?
Si en cinq ans beaucoup pourra être fait pour déployer l’usage du biocontrôle, il ne faut pas imaginer que des actions de recherche lancées aujourd’hui et co-financées par de petites enveloppes de subventions publiques vont porter des fruits à court terme. Il faut plus de dix ans pour amener un produit au marché ! La bonne nouvelle est que les sociétés adhérentes d’IBMA France fournissent un effort de R & D qui permettra l’arrivée progressive de nouvelles solutions sur le marché. Et pour cela, les mesures incitatives et de soutien à l’innovation des entreprises privées sont les bienvenues.
Mais là encore, il faut faire preuve de bon sens : pour que nos entreprises puissent investir encore plus dans la recherche de solutions, il faut valoriser celles qui existent… et qui fonctionnent puisqu’elles représentaient déjà 11 % de la protection des plantes en 2019 ! Le biocontrôle est d’ores et déjà une réalité pertinente sur le plan technico-économique, gageons que les décisions gouvernementales qui viendront donner corps à cette stratégie nationale soient de réels accélérateurs de son déploiement.