Loire-Atlantique : des maraîchers et des éleveurs s'associent pour créer une unité de méthanisation
Maraîchers en Loire-Atlantique, Jean-François et Charles Vinet ont créé avec des éleveurs une unité de méthanisation innovante, avec injection dans le réseau et récupération du CO2. Objectif à terme pour les maraîchers : être autonome en CO2 liquide.
Maraîchers en Loire-Atlantique, Jean-François et Charles Vinet ont créé avec des éleveurs une unité de méthanisation innovante, avec injection dans le réseau et récupération du CO2. Objectif à terme pour les maraîchers : être autonome en CO2 liquide.
Fin 2019, l’unité de méthanisation de la SAS Méthatreil, qui associe les éleveurs laitiers Erwan Bocquier et Aymeric Egonneau, un ancien éleveur, Dominique Pilet, et les maraîchers Jean-François et Charles Vinet, est entrée en fonctionnement à Machecoul (Loire-Atlantique). Le méthane produit est vendu à Engie et injecté dans le réseau. Et, une première en France, le CO2 est liquéfié, récupéré et utilisé dans les serres de tomate de Jean-François et Charles Vinet. Installés en 2001 par reprise de l’exploitation familiale, Jean-François Vinet et son cousin Charles exploitent trois sites en tomate, concombre et légumes de plein champs en Loire-Atlantique et Vendée. Le site historique de Machecoul compte 20 ha de serre de tomate et 150 ha de plein champ en mâche et muguet. Les serres sont chauffées par cinq cogénérations, une chaudière à bois et une chaudière à gaz. « En tomate, l’énergie est le deuxième poste de charge, rappelle Jean-François Vinet. Nous avons donc toujours été attentifs à l’énergie et à être multi-énergies, pour lisser les coûts. »
Eviter les ruptures d’approvisionnement en CO2
Une autre préoccupation pour les maraîchers est l’approvisionnement en CO2 pour les serres de tomate. « Nous consommons 4 000 tonnes de CO2 par an sur le site, indique Jean-François Vinet. La chaudière à gaz est équipée d’un condenseur pour récupérer le CO2 des fumées. La chaudière à bois ne l’est pas. Et les cogénérations ne le sont pas non plus. Comme nous plantons en décembre et que la cogénération est utilisée de novembre à mars, les plants sont peu développés, les jours courts et la capacité de photosynthèse est donc limitée quand les cogénérations fonctionnent. L’investissement pour récupérer le CO2 des fumées des cogénérations serait trop élevé par rapport à nos besoins à cette période. » L’essentiel du CO2, issu de la fabrication d’engrais, est donc acheté sous forme liquide à une usine de Seine-Maritime. « Or, nous avons déjà eu trois ruptures d’approvisionnement, dont une de plusieurs mois en 2018. Comme nous sommes à 400 km de l’usine et que celle-ci privilégie d’autres débouchés, notamment les boissons gazeuses, nous sommes en général les derniers servis. Dès que la production diminue parce que des usines sont en maintenance ou en panne, nous sommes les premiers à ne plus être livrés. Depuis longtemps, nous cherchions donc d’autres sources d’approvisionnement. » Une piste était la méthanisation. « Le biogaz issu d’un méthaniseur est constitué à 55 % de méthane et 45 % de CO2, précise Jean-François Vinet. Jusqu’ici, en France, le CO2 était perdu. De plus, jusqu’à il y a quelques années, les méthaniseurs fonctionnaient surtout avec une cogénération. Cela aurait impliqué d’installer la méthanisation près des serres, pour utiliser la chaleur de la cogénération, ou de construire des serres près du méthaniseur. »
Une association gagnant-gagnant
En 2018, les maraîchers trouvent enfin une solution grâce à des éleveurs laitiers voisins, Erwan Bocquier et Aymeric Egonneau, qui souhaitaient construire un méthaniseur pour traiter leurs effluents et cherchaient des partenaires financiers. « Ensemble, nous avons créé la SAS Méthatreil et installé une unité de méthanisation innovante, explique Jean-François Vinet. Le méthaniseur permet de traiter tous les effluents. Et grâce au processus de liquéfaction du CO2 du biogaz mis au point par la société Verdemobil, nous récupérons ce CO2 et pouvons l’utiliser dans nos serres. » 5 M€ ont été investis dans le méthaniseur (Agri-Komp) et 1 M€ dans le dispositif de liquéfaction du CO2, avec 200 000 € de subvention de la Région et 135 000 € de l’Ademe. « Le biogaz passe dans un tube à - 20°C, explique Erwan Bocquier. A cette température, le CO2 se liquéfie, mais pas le méthane, ce qui permet de les séparer. » Le CO2 liquéfié est stocké dans une bonbonne, avant d’être transporté par camion jusqu’aux serres où les maraîchers ont également investi en stockage. Pour garantir la rentabilité de la méthanisation, le CO2 est pour l’instant acheté par les maraîchers au prix du marché. « A terme, le méthaniseur permettra de récupérer 1 300 tonnes de CO2 par an, soit un tiers de nos besoins, indique Jean-François Vinet. Et notre objectif à l’avenir serait de mettre en place d’autres méthaniseurs pour être entièrement autonomes en CO2. »
Des feuilles de tomate dans le méthaniseur
« La cogénération a encore de l’avenir »
Parcours
Jean-François Vinet
1990 : BTS Production légumière
1998-99 : 1re et 2e cogénérations sur l’exploitation familiale
2001 : installation par reprise de l’exploitation familiale, en association avec son cousin Charles Vinet – 3e cogénération
2004 : installation d’une chaudière bois
2011-2012 : renouvellement des premières cogénérations
2019 : 4e et 5e cogénérations
2019 : création de l’unité de méthanisation