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La framboise multiplie ses variétés

Très ouvert, le choix d’une variété de framboise prend en compte de nombreux critères commerciaux et agronomiques. Mais le premier critère de choix se base sur un raisonnement économique avec comme élément primordial le coût de main-d’œuvre.

Lors de la récente journée nationale Fruits rouges, la thématique « variétés de framboise » a été abordée par deux intervenants hollandais Hans Konings du NAK Tuinbouw et Jelle Broeder des pépinières Van der Avoird, de quoi surprendre certains professionnels. « C’est un choix assumé par les organisateurs car 80 % des plants de framboises distribués en Europe et au Maghreb sont hollandais. Les hybrideurs et éditeurs européens travaillent depuis plusieurs années avec les pépiniéristes hollandais devenus leaders sur le marché », précise Philippe Massardier, responsable de la Sicoly, organisatrice de l’événement aux côtés du CTIFL, AVFF, SPMF et ANCG(1).

Des variétés désormais disponibles en France

Dans la quinzaine de variétés mentionnées, Jelle Broeder a commencé par citer deux variétés non remontantes (floricane. Elle a cependant précisé que la création variétale se concentrait de plus en plus sur les variétés précoces remontantes (primocane) car la sélection des plants et l’amortissement des plantations sont plus rapides. Toutefois, « en Europe, Tulammen est une des dernières variétés non remontantes produite à grande échelle. De nombreuses souches existent. Elle répond à une demande commerciale. Pour la production, elle est toujours appréciée pour son rendement, l’apparence et la qualité de ses fruits. Glen Ample conserve l’avantage de son haut rendement, jusqu’à 1,8 kg par canne mais avec une tenue en conservation et un goût limités », notait-il. Par la suite, le spécialiste a listé les nouveautés par obtenteur, toutes ou presque remontantes. Ainsi chez Marionnet, il retient Paris et Versailles. Paris a des fruits ronds et aromatiques pour une production semi-tardive. « Sa végétation érigée facilite la taille », commente-t-il. Versailles est une variété précoce remontante, avec un fruit conique. La plante sans épine et à port ouvert facilite la vitesse de cueillette. « De nouvelles sélections prometteuses arrivent chez Marionnet », mentionne également Jelle Broeder.

Lagorai Plus et Vajolet de Sant Orsola sont des variétés remontantes qui étaient déjà disponibles dans différents pays d’Europe (Espagne, Allemagne, Portugal…). Elles peuvent être plantées désormais en France depuis janvier 2018. Lagorai Plus est une variété tardive pouvant être conduite en longue canne avec 4 à 5 cannes par mètre linéaire pour un rendement de 1,6 kg par canne. Elle permet une vitesse de cueillette importante, 6 à 7 kg/heure, avec un fruit de très bonne conservation mais de qualité gustative moyenne et inférieure à Vajolet. Cette dernière peut aussi être conduite de la même manière avec 5 à 6 cannes par mètre linéaire pour une production très précoce et concentrée. Elle a surtout une qualité gustative supérieure largement reconnue, validée par son comportement 2018 en France, confirmée par les dernières études suisses et italiennes. Ce qui en fait une variété logiquement plus attirante, selon Jelle Broeder. Chez Molari, le spécialiste a mentionné Enrosadira une variété remontante semi-précoce (20 juin), vigoureuse et productive, satisfaisante gustativement avec une bonne durée de conservation. Aurora, variété remontante tardive produisant un fruit conique de très longue conservation, est proposée depuis cette année. « Ces deux variétés sont disponibles librement dans toute l’Europe », explique le pépiniériste.

Un fruit gustatif facile à récolter

Avec Kwanza, Advanced Berry Breeding a créé « le standard des variétés remontantes aux Pays-Bas et en Belgique avec un fruit conique de belle présentation et de bonne tenue », note Jelle Broeder. Même si le fruit est fragile et de qualité gustative plutôt moyenne, elle est facile à conduire en production, moyennement productive et peut être adaptée (comme de nombreuses autres variétés remontantes) à une double récolte annuelle. En revanche, son fruit est délicat à récolter. « Rakifi est une variété productive, avec une plante plus vigoureuse et un fruit de meilleure qualité que Kweli. Sans épine, elle peut être récoltée facilement », décrit-il. Alors que Mapema est destinée aux productions d’Europe centrale, Shani est adaptée à la production hivernale dans le sud de l’Europe et au Maroc avec une production remontante très précoce. Très productive, jusqu’à 30 t/ha, et plastique climatiquement, Wengi présente un petit fruit rond de bonne tenue. Là encore, Jelle Broeder annonce l’arrivée de nouvelles variétés intéressantes chez cet obtenteur. NIAB-EMR, consortium britannique de sélection de East Malling, propose Bella. Cette variété remontante produit un fruit de calibre régulier, rond, facile à récolter et de bonne conservation. Charm, du même obtenteur, assure une production très précoce avec un fruit de gros calibre, conique et très gustatif mais de tenue plus limitée. Enfin chez BerryPlant, Jelle Broeder retient Primalba issue du croisement de Amira et Régina. Cette variété remontante produit très précocement un fruit gustatif de très bonne qualité facile à récolter même s’il n’est pas totalement mûr.

Les coûts de main-d’œuvre

L’éventail des variétés est donc très large mais se retrouve autour d’un fruit tronconique, brillant, ferme et rouge clair. La qualité gustative du fruit est très souvent liée à sa jutosité. Les variétés à fruit rouge foncé sont pénalisées par la distribution par crainte de surmaturité. La tendance de fond est marquée sur la sélection de nouveaux types remontante. « Tulameen, même si elle reste encore une référence, est logiquement en régression. Elle se voit progressivement remplacée par des variétés de même type, notamment celles de Sant’Orsola désormais disponibles pour les producteurs français », explique Philippe Massardier. Selon lui, le choix variétal est donc un savant équilibre entre le débouché commercial et les moyens de production de l’exploitation. Chez Sicoly, coopérative de cent adhérents, spécialisée dans les fruits rouges, l’objectif est d’approvisionner le marché en volume et qualité de manière régulière de fin avril à début novembre. « Ce n’est pas pour cela que tous les producteurs de framboise de Sicoly produisent la même variété avec le même itinéraire technique », explique-t-il. Le choix variétal prend donc en compte l’outil de production du producteur (mode de conduite, type d’abri), ses contraintes de production (disponibilité main-d’œuvre, place des autres productions sur l’exploitation, etc.) et l’itinéraire technique possible. Tout en intégrant ces paramètres, le premier critère de choix se base sur un raisonnement économique, qualitatif, avec comme premiers éléments, les coûts de main-d’œuvre et la qualité de production et ses nombreuses identifications (production traditionnelle, ZRP, etc.). Entrent également en compte les itinéraires techniques et les types de plants utilisés. S’ajoute à ces différents critères la disponibilité du matériel végétal. Le concept de Club complique l’accès à certaines variétés avec des calculs et coûts de redevances variables selon les obtenteurs. « La démarche Club interrogeait il y a une quinzaine d’années. Aujourd’hui, les producteurs doivent s’adapter », mentionne le spécialiste. En revanche, l’approvisionnement en plants de qualité nécessite une commande bien en amont de la date de plantation pour pouvoir disposer au bon moment du type de plant et de la variété choisie.

(1) CTIFL : Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes

AVFF : Association pour la valorisation de la framboise française

SPMF : Syndicat des producteurs de myrtille de France

ANCG : Association nationale Cassis et Groseille

Une évaluation variétale participative

Le pôle « framboise et petits fruits » d’Invenio pilote, en parternariat avec l’ADIDA, un projet multirégional ouvert d’évaluation participative des variétés de framboise.

Un réseau multirégional s’est récemment constitué afin d’évaluer les variétés non seulement en station mais aussi directement chez les producteurs du réseau. « Cette nouvelle approche permettra de tester les variétés dans différentes conditions de production avec différents itinéraires techniques et donc une caractérisation plus complète du potentiel des variétés », précise Sara Pinczon du Sel, responsable du pôle « framboise et petits fruits ». La démarche se déroule en trois étapes. D’abord par la réalisation d’une veille sur le matériel végétal qui permet de faire le point sur l’ensemble des variétés disponibles à ce jour, mais aussi des conditions d’accessibilité de la variété. Puis, les variétés retenues sont observées en station pour un suivi précis et chiffré de la plante, des sensibilités éventuelles aux ravageurs et maladies, de la production (étalement de la récolte, rendement, pourcentage de déchets) et de la qualité du fruit (couleur, forme, poids moyen du fruit, qualité gustative, fermeté, sucre, acidité…), etc. Enfin, les variétés sont directement examinées en condition de production, selon les itinéraires techniques des différents bassins avec des observations sur les mêmes critères (suivi de la plante, ravageurs et maladies, production, qualité du fruit) mais plus simplement sous la forme de notes réalisées par les producteurs. « Ces deux types d’approches, complémentaires, permettent d’avoir une information relativement complète sur les caractéristiques des variétés dans les différents bassins de production en France », commente la responsable. Par exemple, Delniwa est une variété polonaise obtenue par Niwa Berry Breeding Ltd. « Selon l’obtenteur, il s’agit de la plus précoce des variétés remontantes », mentionne Sara Pinczon du Sel. Les premiers essais réalisés à la station ADIDA, site d’Objat, ont effectivement montré une précocité plus importante que Kwanza. Sur une deuxième année de production, elle sera également comparée à Enrosadira. Son intérêt doit maintenant être validé chez les producteurs. Elle sera donc implantée chez des producteurs des Monts du Velay qui, compte tenu de leurs conditions climatiques particulières, sont intéressés par les variétés précoces de framboisiers remontants.

Des sensibilités variétales constatées

Le réseau Dephy Ferme framboise et le groupe 30 000 fraise-framboise de Corrèze regroupent une vingtaine de producteurs de framboise corréziens et des départements limitrophes. Il permet ainsi d’observer l’état sanitaire des nombreuses variétés. « Il est possible de constater différentes sensibilités variétales aux ravageurs et maladies notamment vis-à-vis de Drosophila suzukii qui semble plus attirée par les variétés à fruits sucrés et colorés. Selon les variétés, on note également des différences d’attractivité vis-à-vis des acariens et pucerons mais également à certaines maladies du feuillage », constate Karine Barriere, ingénieure réseau Dephy ferme framboise. Ainsi, Tulameen semble une variété sensible à l’oïdium et attractive pour le puceron Amphorophora idae dont la lutte est difficile. Des dépérissements de plants sont également constatés chaque année sans que l’origine soit à ce jour formellement identifiée. Les plants de Kwenza apparaissent très sujets aux fentes de croissance. « Lors de la pousse, les cannes peuvent générer des fissures pouvant apparaître jusqu’à de 1 m de hauteur. Celles-ci sont des portes d’entrée aux cécidomyies sous les écorces. Des buprestes y ont été observés entraînant le dépérissent des cannes », mentionne la spécialiste. La variété est également sensible au Dydimella. Kwelli peut aussi engendrer des problèmes de fentes de croissance. Enrosadira se montre très sensible aux acariens du type Eriophyes. Les fruits atteints deviennent rose/jaune et acides. « Il faut éviter la proximité avec des plantes mûres pour limiter la contamination », précise Karine Barriere. Enfin, Polka est une variété très sensible au virus RBDV entraînant la grenaille des fruits. Elle a été écartée de la majorité des parcelles pour cette raison.

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