EGalim
La charte de bonne conduite enfin signée
Afin de s’assurer que l’état d’esprit des EGalim règne aussi pendant les négociations commerciales, le ministre a réuni tous les acteurs autour d’une charte d’engagement.
Afin de s’assurer que l’état d’esprit des EGalim règne aussi pendant les négociations commerciales, le ministre a réuni tous les acteurs autour d’une charte d’engagement.





« Enfin ». La fameuse charte d’engagement a été signée le 14 novembre en milieu d’après-midi au ministère de l’Agriculture. Rendez-vous avait été pris la veille au soir. Personne n’y croyait vraiment, la signature toujours remise à plus tard, une trentaine de versions à cette charte -on parle de trente-cinq- ayant été nécessaire. Mais ça y est, enfin. Tous étaient là, face à Stéphane Travert et Benjamin Griveaux, secrétaire d'Etat auprès du ministère de l'Economie. Dix-huit signataires au total, représentant la production, la transformation et la distribution. L’événement est en soi « historique », expression reprise par tous les signataires. « On dit parfois qu’un seul être vous manque et tout est dépeuplé… eh bien il ne manque personne autour de la table aujourd’hui…, a salué Stéphane Travert. C’est un accord historique : la présence ici des acteurs aux convictions, aux histoires et aux pratiques si différentes en atteste. » A demi-mot, tous ont donc souligné la présence de Michel-Edouard Leclerc. Qui se défend : « Nous n'avons jamais été associés aux discussions et le texte ne nous a été présenté que mardi dernier, dans sa 28e version. Je participe en bonne volonté à un acte politique et symbolique. Nous avons des divergences, je les partage avec vous. Les associations de consommateurs ne sont pas signataires et ont aussi émis des réserves. »
Une loi attendue au tournant, les filières attendues au ministère
Tous ont rappelé que cette charte n’est qu’une première étape. Ce n’est pas un document juridiquement opposable, mais elle engage les signataires, politiquement et moralement, notamment pour ces négociations commerciales qui viennent de débuter. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a résumé ce que tous, distributeurs compris, attendent : « J’espère que l’état d’esprit sera là. Cette charte est un intermédiaire avant la loi en janvier. On l’attend vraiment. » Stéphane Travert a assuré aux signataires que la loi, ils l’auront, « sur la base de ce que vous aurez auto-construit. Ce volet incombe au Parlement et nous y travaillons déjà activement avec Benjamin Griveaux. Le texte contiendra les points évoqués par le président de la République dans son discours de Rungis. Il y aura notamment un volet relatif à la contractualisation, un volet relatif à la médiation et à l’arbitrage, un volet relatif au seuil de revente à perte et aux promotions. »
Le ministre s’est aussi engagé à s’assurer dans les prochains mois du respect de la charte, en associant les « représentants des citoyens consommateurs » à ces points d’étapes. Il demande à tous de rester mobilisés pour « la bonne fin du second chantier des EGalim [sur les attentes sociétales, NDLR] ». Et enfin, il a rappelé « le travail engagé avec chacune des filières qui va aboutir dans les semaines qui viennent à des plans de filière. Je recevrai la semaine prochaine, personnellement, une dizaine de filières pour faire un point d’étape. » Quatorze autres filières auraient été identifiées par le ministère, susceptibles de présenter un plan de filière. Enfin, le clap de fin de ces EGalim pourrait avoir lieu le 15 décembre, cinq jours après la remise des plans de filière.
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Les dix-huit signataires de la charte
- Ania (Jean-Philippe Girard, président)
- APCA (Claude Cochonneau, président)
- Auchan Retail France (Franck Geretzhuber, secrétaire général)
- Confédération paysanne (Nicolas Girod, secrétaire national pôle élevage)
- Coop de France (Michel Prugue, président)
- Coordination rurale (Bernard Lannes, président)
- Cora (Gérard Pachoud, directeur général de Provera)
- E. Leclerc (Michel-Edouard Leclerc, PDG)
- FCD (Jacques Creyssel, délégué général)
- Feef (Christine Barthe, déléguée générale)
- FNSEA (Christiane Lambert, présidente)
- Groupe Carrefour (Laurent Vallée, secrétaire général)
- Groupe Casino (Claude Risac, directeur des affaires extérieures)
- Intermarché (Stéphane de Fontenay, adhérent en charge des achats et de l’offre des produits frais traditionnels et de la MDD)
- Jeunes Agriculteurs (Jérémy Decerle, président)
- Lidl (Michel Biero, gérant achats)
- Modef (Jean Mouzat, président) – non présent mais signature électronique transmise
- Système U (Serge Papin, PDG)
Une charte dont le contenu est un copié-collé du discours de Rungis
Le contenu de la charte d’engagement « pour une relance de la création de valeur et pour son équitable répartition au sein des filières agroalimentaires françaises » n’a pas ou peu été détaillé lors de sa signature -la version papier a été distribuée aux présents juste avant-, mais tous les intervenants se sont accordés pour dire qu’il « reflète l’état d’esprit des EGalim ». Dans le document papier, dont FLD a pris connaissance, la charte reprend les principaux points abordés par Emmanuel Macron dans son discours de Rungis, notamment « la promotion d’une contractualisation fondée sur la construction des prix à partir de l’amont », le renforcement des interprofessions et la participation de chaque acteur, et le respect des principes issus des EGalim dès ces négociations. Entre autres : les acteurs de la production s’engagent à « se regrouper davantage » et « à poursuivre la transformation des systèmes agricoles ». Les acteurs de la coopération agricole s’engagent à « garantir une rémunération équitable et transparente de ses agriculteurs coopérateurs ». Les acteurs des entreprises de l’alimentaire s’engagent à mettre en place des « partenariats durables et équitables avec la production et la distribution ». Les acteurs de la distribution s’engagent à mettre en place des « partenariats durables et équitables », « assurer une montée en gamme » et un juste retour à la production.
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Des interrogations en attendant la loi
Pour Claude Cochonneau (APCA), « les sujets sont tous posés et bien posés, même si certains ne sont pas assez détaillés comme le seuil de revente à perte ». Pour Michel Prugue (Coop de France) : « Nous partageons l’esprit de la charte mais nous avions beaucoup d’interrogation, notamment sur la partie économique. Il faut une loi pour empêcher les dérives. » La FNSEA espère des ordonnances pour que la loi voit vraiment le jour en janvier.
Des changements qui ne signent pas la fin de la concurrence
Lors de la signature, à propos de la guerre des prix, Claude Risac, directeur des affaires extérieures du groupe Casino, a déclaré : « La fin de cette destruction de valeur ne sera pas la fin de la concurrence entre enseignes. Depuis 120 ans, c’est la qualité qui fait sortir Casino du lot. »
Pour M.-E. Leclerc, la chronologie a été inversée
Lors de la signature, à propos de ses divergences, Michel-Edouard Leclerc a précisé : « J’aurais préféré l’inversion du processus des EGalim, que l’on aborde d’abord la question de la qualité, de l’environnement et de la santé, car il s’en serait tiré des arguments pour accompagner le mouvement de changement de modèle agricole et donc assurer un revenu décent et juste aux producteurs ». Pas faux. Car dans cette chronologie, on a un peu nié la réalité du marché, celle qui veut qu’au final, c’est le consommateur qui décide.
Appel à rejoindre le mouvement
Stéphane Travert : « Dans la charte que vous venez de signer, vous appelez d’autres acteurs à vous rejoindre : votre démarche d’engagement est ouverte, à l’image de celle des EGalim. »
Un ministre salué
Ils ont été nombreux à saluer le ministre : Confédération paysanne, FNSEA, Carrefour… Stéphane Travert a été remercié pour sa « patience », sa « pugnacité » et son « dévouement » et celui de ses équipes.
Après les “plans de filière”, un “contrat de solutions”
Alors que, selon Christiane Lambert, « les plans de filière sont en train d’être écrits, avec enthousiasme mais dans un temps très court », la FNSEA et près de 30 organisations agricoles et de recherche ont présenté le 14 novembre au matin un “contrat de solutions” qui vise à une trajectoire de progrès pour la protection des plantes afin de réduire l'utilisation, les risques et les impacts des produits phytosanitaires en France. « Ensemble, les organisations veulent répondre aux demandes des concitoyens et des consommateurs et aux attentes des agriculteurs, précise la FNSEA. Il s'agit notamment de proposer une trajectoire de solutions et non d'interdictions au Gouvernement. » Ce “contrat de solutions”, qui pourrait aller plus loin que le plan Ecophyto 2, devrait être dévoilé au premier trimestre 2018.