Guadeloupe : la vanille se cultive en sous-bois
Quelques agriculteurs ont décidé de relancer la culture de la vanille dans les sous-bois en Guadeloupe, grâce à des concessions de l’ONF. Une réussite couronnée par un prix prestigieux !
Quelques agriculteurs ont décidé de relancer la culture de la vanille dans les sous-bois en Guadeloupe, grâce à des concessions de l’ONF. Une réussite couronnée par un prix prestigieux !
Coup de tonnerre au Concours général agricole 2020, dans la catégorie « Vanille Fragans Planifolia », dominée par les Réunionnais depuis des années… Cédric Coutellier, producteur de Guadeloupe a remporté la médaille d’or, couronnant un travail de réappropriation de cette culture par les Guadeloupéens. La culture de la vanille s’est développée en Guadeloupe et en Martinique dans les années 1830. Dans les années 1920, les plantations de Basse-Terre étaient les plus productives, surtout pour la vanille Fragans Planifolia. Les Antilles avaient une solide réputation, et la Guadeloupe exportait 35 tonnes de gousses. Mais, au fil du temps, cette production a été supplantée par la canne à sucre et la banane, plus faciles à cultiver, plus rentables.
Une autre culture, à la reconquête des sous-bois
Dans les années 1990, le Syndicat agricole des producteurs de vanille de Guadeloupe (Syaprovag) s’est constitué autour d’un projet s’opposant à la monoculture de vanille pour s’orienter vers un autre modèle. La vanille présente plusieurs désavantages : les contraintes techniques, la sensibilité aux aléas climatiques et surtout une trésorerie négative pendant les trois à quatre premières années avant l’entrée en production. Alors, le syndicat a développé le projet « Valorisation écosystémique intégrée de l’agrobiodiversité en forêt de Guadeloupe » (Valab). Il s’agit de la cultiver dans les sous-bois, et ainsi de profiter des services écosystémiques rendus par la forêt tels que la séquestration du carbone. Le projet Valab repose sur une culture de la vanille excluant l’usage de pesticides et d’intrants de synthèse. Le manifeste du Syaprovag stipule que les objectifs de la culture en sous-bois doivent notamment permettre « aux agriculteurs en sous-bois de tirer un revenu décent de leur activité, reposant sur des activités agricoles diversifiées, s’orientant vers des productions agricoles de qualité plutôt que de quantité ».
La labellisation pour valoriser le prix
La culture en sous-bois de la vanille étant moins intensive, la labellisation bio est un moyen d’apporter une valeur ajoutée indispensable. Certes le système est économique puisqu’il demande moins de main-d’œuvre que les cultures plus intensives, mais le bio compense un moindre rendement. Fabrice Le Bellec, du Cirad-Flhor, dans un document technique sur la production du vanillier, explique que « le vanillier trouve en général dans cette écologie toutes les conditions propices à sa culture : ombrage, matière organique issue de la décomposition des feuilles et branchages du couvert végétal, hygrométrie… » mais évoque aussi ses problématiques, à commencer par l’ombrage. « C’est probablement l’aspect le plus contraignant de ce système de culture. L’excès d’ombre provoque l’étiolement. En forêt trop dense (taux d’ombrage et d’humidité trop importants), le vanillier produit des tiges et des feuilles en abondance au détriment de la floraison et de la fructification. A contrario, un excès d’ensoleillement et une ventilation trop importante et desséchante lui sont également défavorables. Le vanillier trouve finalement des conditions optimales de croissance et de floraison dans des sous-bois assez clairs (lumière tamisée, la présence d’une strate herbacée est un bon indicateur de luminosité idéale), ventilé (sans qu’il le soit trop) et où la chaleur n’est pas excessive ».
Une technique et une variété propres à la Guadeloupe
Au Mexique, terre d’origine de la vanille, une abeille spécifique fait le job de pollinisation. Mais, elle n’a pu être exportée nulle part ailleurs dans le monde. Alors, c’est donc aux producteurs que revient la tâche. La floraison va durer trois mois et pendant cette période, la fleur devra être pollinisée pour donner une gousse de vanille. L’itinéraire technique est sensiblement le même partout mais les Guadeloupéens ont développé une technique qu’eux seuls pratiquent. En effet, au lieu d’échauder la gousse après la récolte et avant de commencer la phase d’affinage comme cela se fait à La Réunion et Madagascar, sur l’île antillaise, on scarifie la vanille. On parle aussi de « griffage ». La scarification se réalise avec une mâchoire d'un jeune poisson, l'orphie, et « la sève sort par capillarité », explique Cédric Coutellier, « on est plus proche de ce qui se fait dans la nature, sans pour autant que la gousse se fende en deux. L'eau sort et l'oxygène entre, ce qui transforme le glucovanilline en vanilline. » La scarification des gousses procure un avantage. En effet, tandis qu’avec l’échaudage, le délai de vente du produit fini est de six mois, le griffage permet de le réduire à quatre mois. Son principal inconvénient est le temps de travail manuel qu’il demande.
En plus de posséder une étape technique particulière, la Guadeloupe fait pousser une variété de vanille : la vanille Pompona. Son origine n'est pourtant pas guadeloupéenne, mais d'Amazonie et d'Amérique centrale. Mais l'île en a été longtemps le producteur leader. Très rare et délicate (et donc chère), elle prend une forme de banane. Aux Antilles, on la surnomme vanillon. On la trouve dans quelques plantations de la région de Basse-Terre. Bien que sa taille soit plus importante, elle est moins odorante. Son taux de vanilline est plus faible mais elle est plus suave. Cette variété très recherchée s’arrache chez les restaurateurs, les gourmets et même les parfumeurs de luxe pour sa molécule, l’héliotropine. La Pompona apprécie les forêts humides pour se développer mais son rendement est faible par rapport à Planifolia. Moins d’un quart des fleurs fécondées donneront une gousse. « On maîtrise moins l'itinéraire technique de la Pompona mais on travaille dessus avec mon association de producteurs* », conclut Cédric Coutellier.
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L’ONF, acteur majeur des sous-bois
En chiffres
La production guadeloupéenne en 2019
633 201 t de cannes à sucre
32 997 t de légumes dont 28 907 t de légumes frais et 4 091 t de tubercules et pommes de terre
53 949 t de fruits dont 49 512 t de bananes et 2 363 t d’ananas
Le café et le cacao aussi
La vanille n’est pas la seule culture concernée par un renouveau grâce à l’agroforesterie. Les parcelles mises en concession par l’ONF permettent aussi de relancer une production de café et de cacao, avec le même cahier des charges, c’est-à-dire sans intrants. Café, vanille et cacao sont trois cultures patrimoniales de la Guadeloupe qui demandent du temps avant l’entrée en production. Pour le café, il faut attendre cinq pour obtenir les premières « cerises ». Pour le cacao, l’entrée en production se situe dans le même ordre de temps.
Les caféiers et cacaoyers apprécient les mêmes éléments pour se développer : « un climat chaud et humide, une pluviométrie régulière, un sol profond, fertile et bien drainé, beaucoup d’ombre et de hauts arbres viennent les protéger, 400 à 700 mètres d’altitude »*. Avec un cycle cultural long, une récolte manuelle, l’agroforesterie est bien adaptée à ces productions mais, à l’instar de la vanille, la rentabilité n’est possible qu’à condition de rechercher des labels rémunérateurs ou des produits d’une qualité haut de gamme. Mais ce sont aussi des alternatives à la canne à sucre et à la banane dont les cours sont assez fluctuants.