Du développement de la demande en produits locaux
Le développement de la demande produits locaux va-t-il transformer les schémas d’approvisionnement ?
Le développement de la demande produits locaux va-t-il transformer les schémas d’approvisionnement ?
La vague locavore va-t-elle subjuguer le paysage concurrentiel des fruits et légumes frais et défaire ce que qu’ont fait, depuis 25 ans, le marché unique européen, le développement du commerce international, la concentration des bassins de production et des réseaux de distribution ?
On ne compte plus les tentatives, lors de tables rondes ou de réunions commerciales, visant vainement à établir une définition rationnelle de ce qu’est un produit local. La dénomination relève du droit de l’étiquetage (affichage en restauration ou dans le commerce traditionnel) selon le Règlement (UE) N° 1169/2011. Ce règlement, pas plus que d’autres ne donne de définition légale ou officielle de ce qu’est un produit local. Dès lors l’affirmation de cette caractéristique par un opérateur économique sur le lieu de vente ou de restauration est une allégation, dont la crédibilité est laissée à l’appréciation des consommateurs. La contestation devra se faire devant les tribunaux civils, dans le cas où un client ou un concurrent jugerait que le caractère local affiché par un produit ne serait pas justifié.
On comprend alors que le caractère local est relatif. Au reste, les municipalités raisonnent le « local » comme provenant de la périphérie de la ville, les conseils départementaux comme provenant du département, les Régions, de la région. Les grossistes peuvent s’accorder sur une distance (200 km) entre le lieu de production et celui de consommation. Mais, au bout du compte le consommateur sera juge : un vin de Beaujolais n’est pas local à Mâcon, il l’est à Lyon, même si les distances entre le vignoble et chacune de ces deux villes sont comparables.
À notre époque de normes et de certification, un concept aussi flou est un peu anachronique, c’est, justement, le but de ses promoteurs, qui contestent l’uniformisation des goûts, la concentration agricole et l’excès de transport. La production « d’ici » est sensée présenter deux avantages majeurs, concourant au développement durable : une contribution à l’économie du territoire et moindre impact carbone lié à la réduction des « food miles ». Le premier point n’est pas contestable : le débouché local favorise le maintien et/ou le développement des producteurs du même lieu et l’économie circulaire, la préférence dont ils jouissent les soutiens face à la concurrence extérieure, le second point est plus contesté : les gros véhicules bien remplis impactent moins l’atmosphère et le climat que les petits transports surtout s’ils n’ont pas un taux de remplissage optimisé.
Du local au social et au durable
Ainsi le caractère local n’est pas suffisant pour faire d’un produit un parangon de la durabilité. C’est pourquoi la loi sur la citoyenneté, votée en deuxième lecture en décembre 2016 prévoit selon amendement n°1363, les différentes catégories de produit que devront intégrer les restaurants dépendant des pouvoirs publics : les produits bio, « les produits sous SIQO », sous mentions valorisantes définies (fermier, montagne,…), les produits de circuits courts, les produits répondants à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité.
L’exposé sommaire de l’amendement souligne le besoin « d’équité alimentaire » et indique que la restauration sociale, notamment scolaire, est un moyen de proposer au plus grand nombre des produits « sains et de qualité » dans un but sanitaire (réduction de l’obésité, du diabète, des maladies cardio-vasculaires).
L’objectif est donc ici davantage social et sanitaire qu’environnemental ou visant l’économie circulaire. Cela reflète une forme de confusion des concepts avec d’un côté « le bien » : local, circuit court et saisonnier donc nécessairement sain à consommer et de l’autre « le mal » : les produits d’ailleurs, ayant connu plusieurs intervenants et désaisonnaliser, donc nécessairement mauvais de goût et néfastes pour la santé. Cette vision dichotomique semble un peu limitée, elle reflète davantage un point de vue moral que technique, rationnel, basé sur des faits.
La notion la plus riche et la plus commune du texte reste celle de durabilité, elle est internationale, quasi constitutionnelle, est repose sur ses trois volets ; économie, société, environnement. Il faut souhaiter que le texte puisse être compris en ce sens.
Dans ce contexte, de nombreux concepts peuvent être rattachés au projet d’alimentation durable :
- Celui d’agroécologie, dont le ministère de l’Agriculture affiche fièrement le succès avec 400 GIEE et plus de 200 000 hectares cultivés ; la politique agro écologique vise à accélérer la mutation des méthodes agricoles et à favoriser toutes celles qui permettront de réduire l’impact de l’agriculture sur l’environnement ;
- La production raisonnée certifiée contribue à l’objectif environnemental ;
- Toute certification mettant en évidence les réductions d’émission de GES, CO2 lié au transport en tête ;
- Les certifications ISO 14 000 des usines de transformation, des entrepôts de conditionnement et toute démarche visant à réduire l’impact des activités humaines sur le climat ;
- Les techniques et produits évitant ou réduisant le gaspillage alimentaire ;
- La contractualisation entre la production et l’aval qui permet, par réduction de l’incertitude économique, d’optimiser les conditions techniques ;
L’ouverture de l’amendement n°1363 vers une alimentation saine et de qualité peut être vue comme un appel salutaire pour que le moins disant n’ait plus le monopole de la décision publique et pour que les innovations permettent d’atteindre les objectifs du développement durable : une activité rémunératrice sans soutien particulier, un impact sociétal positif (alimentation saine), des impacts environnementaux et climatiques les plus faibles possibles, sans se cantonner dans une définition exclusive qui écarte de nombreuses catégories d’opérateurs.
Les fruits et légumes ont, quant à eux, un impact positif sur la diète des convives. Il convient, alors, pour chaque opérateur, de jouer ses propres atouts : les producteurs et expéditeurs peuvent, dans leur bassin jouer la carte du local, les grossistes distributeurs peuvent faire valoir leur excellente performance logistique, reconnue par l’Ademe, pour ce qui est de l’impact CO2 du « dernier kilomètre », les transformateurs peuvent faire valoir les efforts considérables qu’ils font pour améliorer l’efficacité énergétique de leurs usines, les producteurs feront valoir la réduction de leur IFT (Indice de fréquence de traitement) et surtout, l’ensemble des acteurs devraient pouvoir démontrer qu’ils œuvrent ensemble à la réduction des impacts négatifs de l’agriculture.