Comment concevoir son verger maraîcher
Le verger maraîcher permet de mieux valoriser son foncier et d’élargir la gamme des produits provenant d’une même parcelle. Lors de sa conception, il convient d’anticiper et de hiérarchiser ses objectifs, en prenant à la fois en compte les débouchés mais aussi les contraintes agronomiques, les équipements disponibles et les motivations personnelles.
Le verger maraîcher permet de mieux valoriser son foncier et d’élargir la gamme des produits provenant d’une même parcelle. Lors de sa conception, il convient d’anticiper et de hiérarchiser ses objectifs, en prenant à la fois en compte les débouchés mais aussi les contraintes agronomiques, les équipements disponibles et les motivations personnelles.
Relocalisation agricole, explosion des circuits courts, production en AB ou sans intrants phytosanitaires, foncier restreint… les motivations de création d'un verger maraîcher, associant arbres fruitiers et légumes, sont multiples. Et la demande d’accompagnement est importante, comme en témoigne le récent séminaire organisé par Agrof’Île, le GAB-IDF et les partenaires du projet Mobidif, en février dernier.
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Un verger maraîcher permet d’élargir la gamme des produits provenant d’une même parcelle agricole et réduire, voire supprimer, les périodes pendant lesquelles l’éventail de végétaux à vendre est peu varié. De nombreux maraîchers cherchent ainsi à valoriser une production plus diversifiée tout au long de l’année et/ou souhaitent ajouter des fruits à leur gamme de produits. Comme en maraîchage diversifié où la production et les rotations passent par une « unité », souvent la planche, la simplification s’applique également quand on introduit des arbres fruitiers. Il s’agit alors de remplacer une ou des planches de culture de légumes par des rangs d’arbres.
Les suivis de parcelles réalisés pendant trois ans dans le cadre du projet Smart (2014-2016) ont mis en évidence que le système linéaire/géométrique a été adopté chez la totalité des maraîchers identifiés. Toutefois, le choix d’implanter des fruitiers et des plantes maraîchères est un véritable changement dans le modèle de production. Outre le coût, la mise en place et la conduite des arbres nécessitent des connaissances spécifiques. De plus, pour bien évaluer dès la phase de conception l’évolution de la viabilité du système, il faut définir les circuits de distribution pour les années à venir, pour toutes les productions envisagées. Il convient donc d’anticiper et de hiérarchiser ses objectifs pour concevoir le système verger maraîcher optimal pour chaque situation. C’est ce que propose le guide « Associer légumes et arbres fruitiers en agroforesterie » qui énonce les principes, mentionne des éléments techniques et soulève des points de vigilance pour concevoir et conduire un verger maraîcher .
Concevoir le système verger maraîcher optimal
Le document signale que le temps et l’organisation du travail sont deux éléments majeurs, qui déterminent la capacité à diversifier et à complexifier le système de production. Il est important d’avoir une bonne connaissance des périodes de pics de travail pour éviter d’y ajouter des charges supplémentaires avec les arbres, sauf à pouvoir se réorganiser (par de la main-d’œuvre occasionnelle par exemple). « Un simple calendrier annuel peut aider à mieux évaluer les disponibilités en temps au fil des saisons pour faire évoluer le système de façon réaliste », conseille l’ouvrage. La taille, l’éclaircissage et la récolte sont des périodes de travail récurrentes des cultures fruitières
Jusqu’à une certaine surface, le travail manuel ou au motoculteur peut être envisagé, mais à partir de quelques centaines de mètres carrés de maraîchage et d’arboriculture fruitière, un tracteur et d’autres outils de travail du sol et de gestion de l’enherbement peuvent être nécessaires. L’organisation spatiale du verger maraîcher doit alors prendre en compte les agroéquipements utilisés, notamment pour ménager suffisamment de place pour tourner en bout de parcelle et permettre le passage des outils de travail du sol, de binage, de traitement ou de récolte dans les légumes et près des arbres. Et ce, même dans le cadre de traction animale. « Sur mes micro-parcelles de 8 m de large (rangs d’arbres espacés de 9 m), je n’ai pas la place pour faire demi-tour ou manœuvrer avec mon cheval. Il m’est donc difficile de faire des légumes d’hiver qui nécessitent un travail du sol, comme les poireaux, choux, pommes de terre… que je préfère implanter dans une parcelle avec plus de largeur », témoigne Céline Duloir, Les jardins de la Frégère (Manche).
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Pour la répartition des espèces fruitières, et sous réserve de vouloir planter les six rosacées, on peut conseiller de planter 30 % de pommiers, 20 % de poiriers, et de répartir les 50 % restants parmi les espèces à noyau, selon les envies et la région de plantation. En effet, pommes et poires se conserveront plusieurs mois (à condition de pouvoir les stocker en cave ou au froid), alors que les fruits à noyau devront être valorisés au fur et à mesure. Ces proportions sont à faire évoluer si l’on veut intégrer également d’autres espèces non rosacées telles que le kaki, le grenadier, le figuier ou le noisetier.
Le choix de variétés rustiques, adaptées à des systèmes à faible niveau d’intrants, est prépondérant. Le choix de la vigueur des porte-greffes est encore plus déterminant car définitif et impacte le développement et donc la hauteur des arbres, qui va impliquer le niveau d’ombrage sur les cultures voisines. Une fois en place, la conduite de ces systèmes doit être évolutive et s’adapter aux contraintes en place. Cela implique un pilotage dynamique, avec des ajustements en temps réel au contexte de la ferme, des modifications de pratiques sur certaines cultures. C’est ce que propose le volet 3 du guide.
La simplification s’applique également quand on introduit des arbres fruitiers.
Trois contraintes pédoclimatiques à prendre en compte
Sous réserve de disponibilité suffisante en eau, il est possible de faire pousser des arbres fruitiers dans toutes les régions en adaptant les espèces, les porte-greffes ou les variétés.
Pas de solution toute prête
Le guide « Associer légumes et arbres fruitiers en agroforesterie » est issu de travaux réalisés dans le cadre du projet Smart (systèmes mixtes agroforestiers : création de références techniques et économiques), qui a permis de construire une expertise sur les vergers maraîchers en hybridant les connaissances de producteurs, de conseillers et de chercheurs. Le document, coordonné par Laetitia Fourrié, Itab et François Warlop, Grab, regroupe les principaux points à avoir en tête pour la bonne conception de son projet et n’a pas pour ambition de donner des solutions toutes prêtes. Il s’adresse aux maraîchers ou porteurs de projet souhaitant développer un système de production légumière associée à une production fruitière complémentaire, secondaire mais bien valorisée, sans pour autant créer un nouvel atelier spécialisé.
Comment organiser les cultures dans la parcelle ?
Les vergers-maraîchers du projet Smart suivent une organisation linéaire (alternance de plusieurs planches ou rangs de légumes). Ces vergers sont généralement de petite taille (moins de 5 000 m²). Le choix technique de conduite des cultures légumières (à plat, en planches, en buttes, en non-travail du sol, sur ou dans un couvert végétal…) a peu ou pas d’incidence sur la conception globale du verger maraîcher. L’écartement entre les rangées d’arbres et entre les arbres sur le rang dépend avant tout de la mécanisation souhaitée ou en place sur la ferme, mais aussi du type de système maraîcher dans lequel les arbres sont introduits : travail du sol faible ou important, degré de mécanisation des cultures de légumes (binage, récolte).
L’écartement entre les rangs doit également être réfléchi en fonction de la région d’implantation (en lien avec l’ensoleillement et la sécheresse estivale), du type de sol et du type de porte-greffe utilisé. Les expériences de Smart montrent qu’on a souvent tendance à planter les arbres trop serrés sur le rang. De manière générale, on peut planter de façon plus serrée dans le Sud car la luminosité y est très forte. Il faut néanmoins prévoir 8 m au minimum entre les rangs pour éviter trop de concurrence, de gêne au travail et permettre des largeurs de planches adaptées au matériel agricole.
Au nord de la Loire, la distance minimale doit être de 10 m (largeur de la planche + distance aux arbres de chaque côté du rang à adapter). L’écartement entre les lignes de plantation des fruitiers doit aussi être déterminé en évaluant la hauteur finale des arbres, et donc leur ombre portée. Une conduite « en axe » générera souvent moins d’ombre portée qu’une conduite en forme libre de type gobelet. Les conséquences au pied de l’arbre et sur les planches limitrophes ne seront pas identiques d’une conduite à l’autre, d’où l’intérêt de projeter l’incidence de ce facteur dès la conception du système. Enfin, l’entretien des arbres pendant les premières années doit permettre de former les troncs droits jusqu’à 1 m de hauteur au moins pour faciliter l’entretien du pied de l’arbre et l’accès.
Empusa évalue la multi-performance
Le projet Empusa, financé par Ecophyto, porte sur des systèmes agroforestiers associant espèces fruitières et cultures annuelles, conduits en agriculture biologique et limitant au maximum le recours aux produits phytosanitaires. Dans la suite du projet Vertical (2012-2018), il vise à produire des références sur la durabilité des systèmes agroforestiers en contexte climatique méditerranéen. Celui mené sur le site de la Durette (Vaucluse) associe des fruitiers à du maraîchage diversifié, celui conduit sur la Plate-forme TAB (Drôme) associe des linéaires de pêchers à des grandes cultures.
Les objectifs du projet Empusa sont d’évaluer la durabilité des Systèmes agroforestiers à base de fruitiers (SAF) conduits en AB (performances socio-économiques et environnementales, faisabilité technique, réussite globale) et d’étudier les services attendus par les SAF (régulation de la biodiversité fonctionnelle, production en rendement et qualité). La performance multiple des deux systèmes (TAB et la Durette) est évaluée sur le long terme, depuis 2016. Une cinquantaine d’indicateurs de suivi sont utilisés pour évaluer ces systèmes : temps de travaux, rendements commercialisables, niveau de dégâts, IFT… En complément, un travail d’évaluation de la prédation naturelle a été lancé en 2019, afin de mieux comprendre l’effet de l’agroforesterie sur la dynamique des auxiliaires (insectes, oiseaux).