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Ravageurs émergents : quels dangers pour les fruits et légumes ?

Les ravageurs émergents et réémergents sont de plus en plus problématiques pour les cultures depuis une vingtaine d’années. La lutte biologique par acclimatation est l'un des moyens utilisés pour limiter leur impact.

Salle d’élevage de Mastrus ridens, un parasitoïde qui s’attaque aux larves du carpocapse des pommes et poires. Un programme INRAE de lutte biologique par acclimatation est en cours pour établir ce parasitoïde sur le territoire français.
Salle d’élevage de Mastrus ridens, un parasitoïde qui s’attaque aux larves du carpocapse des pommes et poires. Un programme INRAE de lutte biologique par acclimatation est en cours pour établir ce parasitoïde sur le territoire français.
© Bertrand Nicolas / INRAE

Punaise diabolique, mouche du brou, Tuta absoluta ou Drosophila suzukii… Presque inconnus en France il y a quinze ans, ces quelques noms sont malheureusement devenus très familiers à l’oreille des producteurs français de fruits et légumes. Depuis le début des années 2000, les arrivées de bioagresseurs et notamment d’insectes ravageurs sur notre territoire sont en forte accélération. On estime que depuis 2005 plus de 110 insectes ont été introduits sur le territoire français. Cela représente une moyenne de sept insectes introduits par an.

Parmi ces ravageurs émergents, certains ont une très forte incidence sur les productions agricoles. Un webinaire, coorganisé par Réussir fruits & légumes, le groupe Réussir et le Sival, a été consacré à ces ravageurs émergents dans les filières fruits et légumes en décembre 2022. « Le terme de ravageurs émergents décrit des parasites nouvellement introduits sur un territoire ou qui étaient déjà présents mais dont l’incidence, l’aire d’incidence et/ou la gamme d’hôtes s’accroissent », décrit Sébastien Belis, chargé de mission Surveillance biologique du territoire à la DRAAF Nouvelle-Aquitaine.

Echanges mondiaux et changement climatique

Attention à ne pas les confondre avec les ravageurs réémergents, qui sont quant à eux « des organismes autochtones, déjà installés depuis un certain temps sur un territoire et qui se mettent à nouveau à faire des dégâts suite à une période d’innocuité plus ou moins longue », complète-t-il. Et de citer le bupreste du poirier, les taupins, le tarsonème du fraisier, la cochenille farineuse, le pou de San José…

« Deux principaux facteurs peuvent expliquer ces émergences : l’augmentation exponentielle des échanges mondiaux et le changement climatique », résume Sébastien Belis. Les échanges de marchandises et voyageurs ont explosé, que ce soit en termes de diversification (transport routier, maritime, aérien) ou de volumes. Les achats sur internet ont contribué fortement à cet essor, d’autant plus que les colis arrivent directement chez les particuliers sans moyens de contrôle.

« Une masse énorme de végétaux, de produits végétaux, de supports de culture, pouvant abriter des ravageurs, circule à travers le monde, présente le spécialiste. La plupart des insectes émergents en Europe sont originaires d’Asie, d’Asie du Sud-Est et d’Amérique du Nord, ce qui reflète bien les flux mondiaux commerciaux et de voyageurs. » Le deuxième principal facteur est le changement climatique. « Des insectes trouvent désormais les conditions pour s’implanter sur notre territoire. Auparavant, les hivers étaient plus rigoureux », décrit-il.

Au-delà des insectes, des virus (ToBRFV…), bactéries (PSA…) et champignons, quelques adventices peuvent poser de gros problèmes (allergies, possibilité d’intoxication alimentaire), principalement dans les filières maraîchage et légumes industrie : ambroisie, souchet, datura, nicandra, morelle, pourpier… Mais les ravageurs émergents peuvent aussi être des mammifères, des oiseaux, des nématodes, des mollusques, des acariens…

Étudier les communautés d’auxiliaires

Contrôler ces ravageurs est une mission compliquée. « La plupart des ravageurs exotiques arrivent en France ou en Europe sans leur cortège d’ennemis naturels spécifiques, ce qui se traduit le plus souvent par une incapacité de la faune auxiliaire déjà présente sur le territoire à les réguler de manière efficace, explique Nicolas Borowiec, responsable Lutte biologique par acclimatation à l’INRAE Sophia-Antipolis. Dans un contexte global de changement climatique, on constate une plus grande difficulté à contrôler des ravageurs qui jusque-là ne posaient que des problèmes mineurs. Les demandes des filières auprès de la recherche ne concernent pas que des ravageurs exotiques qui viennent d’arriver mais aussi des ravageurs réémergents qui ne sont plus contrôlés de manière suffisamment efficace ».

La lutte biologique par acclimatation est l'un des leviers utilisés contre les ravageurs émergents. Elle consiste à étudier les communautés d’auxiliaires qui s’attaquent à un ravageur dans sa zone d’origine afin de sélectionner le plus spécifique ; puis à l’introduire dans le territoire envahi et à l’établir de manière permanente afin qu’il puisse contrôler de manière durable le ravageur. « C’est un contrôle qui se fait au niveau du paysage et pas seulement à l’échelle de la parcelle », précise Nicolas Borowiec. Cette méthode de lutte peut mener à des succès importants comme pour le cynips du châtaignier contrôlé par Torymus sinensis.

Une autorisation d’introduction pour cinq ans

Les contraintes réglementaires sur les importations et les lâchers sont majeures. « Nous sommes habilités à travailler sur des insectes exotiques ou de quarantaine dans une structure de confinement compatible, témoigne le chercheur INRAE. Nous testons la capacité de développement du parasitoïde sur tout un tas d’hôtes plus ou moins proches du ravageur visé ou qui fréquentent les mêmes niches écologiques. »

L’étape suivante est celle des tests en conditions de choix. « On présente au parasitoïde candidat un hôte, natif non cible, ainsi que le ravageur ciblé, puis on observe sa préférence vis-à-vis de ces deux hôtes », poursuit Nicolas Borowiec. Après de nombreux autres types de tests en laboratoire, une évaluation du risque est réalisée. Puis le dossier de demande d’introduction dans l’environnement est soumis au ministère de l’Environnement. Après les évaluations du ministère de l’Environnement, du ministère de l’Agriculture et de l’Anses, si tous les signaux sont au vert, une autorisation d’introduction est obtenue pour cinq ans. Pendant cette période, le parasitoïde peut être introduit tout en surveillant les effets intentionnels et les effets potentiels non intentionnels sur le terrain.

En pratique

Les organismes réglementés sont listés dans le règlement européen 2016/2031 relatif à la santé des végétaux. Ce règlement est accompagné d’un règlement d’exécution 2019/2072 appelé Big act.

Les organismes réglementés comprennent les organismes de quarantaine, les organismes de quarantaine prioritaires et tous les organismes réglementés non de quarantaine (déjà présents sur le territoire et pour lesquels il ne faut pas qu’il y ait une dissémination sur des végétaux destinés à la plantation).

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