Polémique
Chauffage des serres bio : la filière prend position
« Il n’est pas question de produire des tomates bio en hiver ! », ont clamé plusieurs organisations agricoles, rappelant aussi qu’interdire le chauffage ouvrirait grand la porte aux importations.
« Il n’est pas question de produire des tomates bio en hiver ! », ont clamé plusieurs organisations agricoles, rappelant aussi qu’interdire le chauffage ouvrirait grand la porte aux importations.
Le dossier “chauffage des serres bio” a pris une amplitude inédite la semaine dernière. La Fnab, favorable à l’interdiction, et trois associations (Réseau Action Climat, Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France) ont lancé la pétition “Pas de tomate bio en hiver !”. Légumes de France, Felcoop, les chambres d’agricultures, Coop de France et la FNSEA ont répondu par une conférence de presse explicative où ils ont tenté de « remettre l’église au milieu du village ». En rappelant d’une part que le Règlement européen bio ne fixait aucune règle détaillée concernant le chauffage des serres bio et que, d’autre part, le guide de lecture Agriculture biologique de l’Inao précisait « que le réchauffage des serres est possible ».
Georges Guézenoc, maraîcher bio en Finistère, a rappelé que la dynamique actuelle en production bio correspond à un marché totalement déséquilibré où l’import prédomine pour les principaux légumes : 78 % des tomates, 70 % des concombres, 69 % des courgettes en 2017, selon les données AND pour FranceAgriMer. « Mais de là à produire de la tomate bio en hiver, il n’en est pas question ! », s’est-il écrié. Même son de cloche de la part de Jean-Luc Roux, producteur bio dans le Vaucluse : « Pour la tomate, il faut être capable de planter fin janvier afin de commencer à récolter au printemps pour être présent au mois de mai. Ce mois est hyper important pour la consommation, mais il est aujourd’hui le domaine de l’importation. Certains très gros distributeurs bio proposent même de la tomate italienne dès la fin mars ».
Encadrer le chauffage tout en respectant la saisonnalité en cohérence avec la consommation, et porter le débat au niveau européen : c’est finalement ce qui est proposé par les parties prenantes de cette conférence.
Comme le faisait remarquer Laurent Grandin, président d’Interfel : « Il n’existe pas deux bio ; il existe un règlement européen. La filière bio en France a été portée par des acteurs historiques qui ont ouvert la voie et accompli de grandes choses. Aujourd’hui, de nouveaux acteurs veulent répondre à l’accentuation de la demande des consommateurs. Il y a peut-être de la part des pionniers l’anxiété de perdre des parts de marché », a-t-il déclaré à FLD.
Pour le président de l’APCA, Claude Cochonneau : « L’issue n’est pas dans le développement d’une sorte de “super bio français”. Ce serait une position suicidaire vis-à-vis de la compétition que nous connaissons de nos voisins européens ».
« Il n’existe pas deux bio ; il existe un règlement européen » : Laurent Grandin, président d’Interfel.
Compte-rendu de la première conférences des opposants aux serres chauffées en bio
Entendu ou vu lors des différents débats
Carrefour en retrait
Le responsable filière Fruits et Légumes de Carrefour réseau, qui devait participer à la première tribune d’expression organisée par la Fnab et le Synabio en Ille-et-Vilaine, n’est finalement pas venu. « Bien qu’il soutienne l’encadrement du chauffage des serres, le représentant de Carrefour n’a pas approuvé que la Fnab quitte le Comité Bio d’Interfel », rapporte Arnaud Daligaut, président d’Agrobio 35.
Le soutien (silencieux) de Felcoop
Jean-Michel Delannoy, président de Felcoop était présent à la conférence de presse de l’APCA sur les serres chauffées bio mais n’a pas pris la parole. Ne pas y voir là, l’once d’un désengagement. Les coopératives n’ayant pas été mises spécifiquement en cause dans le dossier "chauffage des serres bio", le président de Felcoop a apporté son soutien, plein et entier, mais silencieux.
Contre car moins de rotations
« Le chauffage des serres entraînerait la spécialisation des exploitations sur les produits à forte valeur ajoutée qui peuvent être chauffés, ce qui signifie l’absence de rotation, qui fait partie de la bio », souligne Jean-Paul Gabillard, secrétaire national de la Fnab.
Pétition : objectif 500 000 signataires
« Nous avons jusqu’au 11 juillet, prochaine date du CNAB, pour convaincre le ministre de l’Agriculture de limiter le recours au chauffage des serres », déclare la Fnab. Après la conférence de presse en Ille-et-Vilaine, d’autres tribunes d’expression devaient être organisées dans les autres départements bretons, en Pays de la Loire et ailleurs. La Fnab entendait aussi profiter des événements à venir (Fête du lait bio, Printemps bio…) pour sensibiliser les consommateurs, l’objectif étant d’atteindre 500 000 voire 1 million de signataires de la pétition "Pas de tomate bio en hiver".
Bio et consommation d’énergie
« L’objectif des amapiens est de manger bio et local pour ne pas consommer d’énergie dans le transport et avoir des campagnes habitées, explique Patrick Anne, représentant de l’association des Amap d’Armorique et de la Maison de la Consommation et de l’Environnement de Rennes. Ils sont donc opposés au chauffage des serres qui consomme de l’énergie. De plus, beaucoup arrivent au bio quand ils ont des enfants, parce qu’ils veulent manger selon la saison, avec la notion de goût, de terroir ».
Des vérités techniques à prendre en compte
Les deux producteurs présents à la conférence de presse de l’APCA ont eu aussi à cœur de préciser quelques points techniques. D’une part, le chauffage ambiant d’une serre bio en hiver ne déclenche pas le développement de la plante (au contraire d’une culture en hors sol). D’autre part, un chauffage raisonnable, en déshumidifiant la serre, permet de corriger la présence de ravageurs et donc de limiter l’usage du cuivre, substance qui commence à faire débat dans la filière bio.