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Pistache : comment bien adapter sa stratégie d'irrigation

La jeune filière pistache manque encore de références sur la gestion maîtrisée de l’irrigation. Mais elle travaille sur les bonnes pratiques et le dimensionnement des réseaux avec différents partenaires.

Le pistachier est un bon candidat de diversification, et sa culture intéresse aujourd’hui de plus en plus. Si l’arbre résiste bien à la sécheresse, la maîtrise de l’eau est cependant un enjeu essentiel pour garantir une production régulière et de qualité. Le syndicat France pistache travaille actuellement avec la société du canal de Provence (SCP) sur l’irrigation du pistachier, pour à la fois essayer de mieux identifier ses besoins, bien dimensionner et concevoir les installations. « Même si beaucoup de questions restent encore en suspens car nous n’avons pas encore de recul suffisant, nous avons déjà validé quelques principes pour une irrigation de résilience, dans un contexte de changement climatique », indique Benoit Dufay, coordinateur du syndicat France pistache.

Du côté de la SCP, Francisco Bustamante, chargé d’affaires arboriculture, assure que « si les cultures en sec fonctionnent, l’espèce valorise cependant très bien les apports en eau. Par ailleurs, sans irrigation, l’alternance est aussi plus marquée sur l’espèce ». Pour assurer l’implantation des arbres, pouvoir limiter la contrainte hydrique est un élément clé qui favorisera la croissance des plants, mais réduira surtout la mortalité des jeunes plants.

De l’eau, mais pas trop

L’autre recommandation préconisée par les partenaires sur la première phase d’installation du verger est de ne pas mouiller le tronc. De fait, cela rend ainsi l’aspersion et la micro-aspersion peu recommandées. L’espèce craint en effet l’humidité, surtout en plein été, et les systèmes de goutte-à-goutte – posés au sol, suspendus ou enterrés – favoriseront une irrigation très localisée. « Chacune de ces solutions peut répondre à des conditions de terrain et des itinéraires culturaux différents, qu’il faudra étudier et définir avant d’équiper une parcelle », souligne Francisco Bustamante.

Solution la plus technique, le goutte-à-goutte enterré rendra – comme un système posé au sol –  la gestion du travail du sol et du désherbage plus délicate. D’autant que la concurrence hydrique et nutritionnelle des adventices est à surveiller. Les équipements d’irrigation doivent donc être bien dimensionnés pour répondre aux besoins en eau du pistachier. Une attention particulière doit être apportée sur le choix et le dimensionnement de la filtration, afin de limiter le risque de colmatage des goutteurs. Le goutte-à-goutte enterré devra, par exemple, être surdimensionné pour développer plus de débit, afin de réaliser des purges de fin de ligne ; et nécessitera d’être équipé de vannes à air, dans les points hauts et les points bas de la parcelle.

Les conseillers recommandent aussi l’installation d’un compteur d’eau pour surveiller les apports et repérer les éventuels problèmes. Un jeu de tensiomètres, pour le suivi de la disponibilité en eau du sol, permettra d’identifier la vitesse de ressuyage du sol, l’extension de la zone racinaire, ainsi que la cinétique d’assèchement des sols. Pour suivre la croissance du végétal, un dendromètre pourra également être placé sur l’arbre. Le goutte-à-goutte enterré n’est pas préconisé dès la première année, mais plutôt conseillé à partir de la troisième. Et, bien évidemment, le réseau devra être anticipé dès le départ. Le développement racinaire du pistachier se fait toute l’année, mais la gestion de l’irrigation va affecter ce développement. L’objectif est de développer une bande humide tout le long du rang, pour permettre aux racines de trouver de l’eau et de se développer, et pas seulement autour du goutteur.

Développer la résilience

Sur les doses apportées et les fréquences, la SCP privilégie donc des apports moins fréquents, mais des irrigations plus longues, pour une meilleure diffusion de l’eau par capillarité dans le profil. L’intérêt est aussi d’apporter au végétal une certaine résilience. En effet, avec un système racinaire plus important, il aura la capacité d’aller chercher de l’eau plus en profondeur. Un placement des goutteurs tous les 75 centimètres selon les conditions est globalement préconisé, avec des goutteurs assurant une distribution d’eau de 1 à 1,6 litre par heure. Pour répondre aux besoins en eau de la plante, la SCP dimensionne actuellement les réseaux pour la pointe estimée qui devrait avoir lieu au mois de juillet. Il s’agit de pouvoir apporter 3 mm/jour pendant les 10 jours de pointe.

Les partenaires – qui ne travaillent aujourd’hui encore que sur de jeunes vergers – affinent petit à petit les paramètres agroclimatiques à suivre tout au long du développement végétatif de l’espèce. Quatre périodes sont importantes à distinguer néanmoins. C’est durant la dormance hivernale que s’effectue la recharge des sols. Les conditions de température hivernales sont essentielles pour préparer le stock d’azote disponible au printemps. La croissance printanière qui suit est le stade critique pour la production. Les pluies, la disponibilité en eau des sols et l’assimilation de l’azote sont importantes à suivre. S’il n’y a pas de contrainte hydrique, la croissance est forte jusqu’aux environs du 15 juin, et déterminante pour la production de l’année. C’est à ce moment-là qu’il convient de limiter la contrainte hydrique.

Quand survient la période de stress estival, la pistache est formée et se remplit. Une légère contrainte hydrique est possible, à condition de veiller au maintien d’une teneur en eau suffisante (surtout en système goutte-à-goutte). Ceci permettra d’éviter la dessiccation trop forte du sol et un éventuel ‘effet four’, dû aux canicules estivales. Au moment de la récolte, on a l’habitude de limiter les apports. Une fois la récolte effectuée, la reprise des irrigations permet une bonne mise en réserve.

Assurer un bon développement racinaire

Le pistachier met du temps avant de commencer à produire - environ six ou sept ans. Son implantation sera donc à soigner impérativement. La culture a globalement besoin de gros apports d'azote et de potasse. Mais comme l'explique Nicolas Taurou, conseiller agronomique chez Omag, « sur les premières années, c'est la gestion du phosphore qui sera la plus importante pour développer au mieux le système racinaire et éviter la mortalité. Sur des sols basiques, des activateurs de sol ou des bactéries solubilisatrices de phosphore pourront être nécessaires, pour aider les racines à absorber le phosphore ».

Pour un verger installé, les proportions à apporter au printemps ou en début d'automne seront en moyenne de 80 unités (U) d'azote, 40 U de phosphore et de 150 U de potasse. Les besoins d'azote évolueront ensuite au fur et à mesure du développement du végétal. Une bonne fertilisation peut cependant faire gagner une année et, associée à l'irrigation, la fertilisation peut aussi être une bonne pratique afin d'apporter des doses précises à chaque arbre. L'injection d'acides dans le réseau permet aussi un nettoyage des goutteurs, intéressant pour la pérennité du système.

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