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Bénin : la tomate aux petits oignons

Des professionnels maraîchers béninois projettent de s’implanter sur le marché sud saharien en production de tomate. Investissements matériels et meilleure maîtrise technique sont les deux axes majeurs à travailler pour y parvenir.

L'agriculture est un secteur économique clé du Bénin, comptant pour 35% du PIB.
© A Tibo Timon

Le Bénin est un petit pays, coincé entre le Togo et son voisin géant qu’est le Nigeria. En agriculture, cet état est surtout connu pour sa production de coton, un des premiers d’Afrique. Pour le reste, ce secteur se caractérise par une agriculture de subsistance. C’est un secteur clé de l’économie béninoise qui doit pourtant faire face à une démographie en expansion qui grignote les terres cultivables. L’agriculture béninoise emploie 70 % de la population active et compte pour 35 % du PIB. Ainsi, des professionnels maraîchers se sont organisés en Groupement d’intérêt économique (GIE), avec pour objectif de s’implanter sur le marché sud saharien, notamment en production de tomate.
Les conditions climatiques équatoriales (voir encadré) sont une donnée majeure pour appréhender les pistes d’amélioration de la production de tomate, qu’on retrouve dans toutes les régions du Bénin. Dans le Nord, elle est produite en culture de contre-saison, récoltée d’octobre à avril, à la faveur d’une irrigation mécanique. Dans le Sud, deux à trois campagnes sont réalisées par an. Il s’agit d’une production pluviale, au vu de l’importance des précipitations dans les trois départements producteurs. Enfin, en zone périurbaine, un arrosage manuel permet la culture. Si les ressources en eau permettent la mise en place des cultures, les températures peuvent devenir un facteur limitant entre octobre et avril car la moyenne de température quotidienne peut dépasser les 25 à 26 °C, altérant la nouaison des fruits. Dans ce contexte, le choix des variétés de tomates, adaptées aux températures élevées, de jour comme de nuit, est primordial.

Boom de la production de tomate

Bien qu’encore très modeste, la production de tomate a été multipliée par trois en dix ans, elle représentait 400 tonnes en 2014. Mais, en plus de rendements plutôt faibles, elle se caractérise par des variations de quantité produite assez conséquentes d’une année sur l’autre, avec des écarts de -21 % à +45 %. Ce yoyo de la production s’explique par plusieurs facteurs. En premier lieu, les conditions climatiques qui font et défont les rendements au gré des pluies et des températures plus ou moins favorables. De fortes températures entraînent le développement de ravageurs et de maladies qui pénalisent un peu plus la production. Enfin, le faible niveau technique de la main-d’œuvre (avec un manque de personnel qui plus est) ne permet pas de corriger les aléas de la nature. La tomate est donc produite de manière extensive. Evidemment, en effet miroir, les prix suivent l’abondance et les pénuries de tomate, ce qui ne favorise pas un programme d’investissements à moyen terme. La filière a encore besoin de se structurer pour gagner en compétitivité. Ainsi, on estime que 30 à 40 % de la production seraient perdus en période d’abondance, dus précisément à cette inorganisation. Autant dire qu’un potentiel conséquent est à portée de main. Comme le précise le Dr Yves Agnoun, la transformation de cette matière perdue en purée de tomates, travaillée localement, est une piste sérieuse de valorisation.

Le potentiel se concrétisera avec la formation

S’il est difficile de dévier les nuages, en revanche, former le personnel aux techniques de maraîchage est tout à fait réalisable. C’est d’ailleurs une piste privilégiée par une délégation de producteurs de Légumes de France, avec le Ctifl, qui a réalisé une mission sur place. A titre d’exemple, l’usage d’insecticides n’est pas assorti de connaissances spécifiques sur ces produits. Une étude menée en 2014 a même révélé que les cultures de tomates avaient subi en moyenne douze traitements par mois contre Tetranychus evansi avec, parfois, des insecticides utilisés dans la culture du coton, non homologués en cultures légumières. Autant dire qu’il existe ici une marge de progression pour la production de tomates !
Formation mais aussi technique de maraîchage sont en mutation. Les pays d’Afrique de l’Ouest sont en train de passer d’une agriculture extensive à intensive. Ainsi, la Côte d’Ivoire produit des tomates hors-sol sur fibre de coco. C’est un défi important que se lance ce groupement de producteurs béninois, pas insurmontable, mais qui nécessitera des adaptations et des investissements. Le marché, intérieur et à l’export, reste porteur. C’est surtout la période creuse, d’octobre à avril que les producteurs devront apprivoiser pour décrocher des marchés. Pour cela, des investissements pour des systèmes d’irrigation adaptés sont nécessaires.

Tiré de Serge Le Quillec « Production de tomate au Bénin – Etats des lieux et pistes d’amélioration ». Infos Ctifl n°333 juillet-août)

 

Maladies et ravageurs prospèrent

Les conditions climatiques équatoriales sont des foyers de prolifération des maladies et idéales pour le développement de ravageurs. Evidemment, le Bénin ne fait pas exception et doit faire face à ces handicaps. Les températures élevées diminuent les cycles de reproduction des ravageurs. Parmi les plus importants, on trouve les nématodes et l’acariose à tétraniques. Dans cette dernière catégorie, le Tetranychus evansi a causé de lourds dégâts pour les tomates. Au rayon des maladies, la bactérie Ralstonia solanacearum sévit en causant un flétrissement bactérien. Malheureusement, la faible maîtrise technique des agriculteurs locaux ne permet pas de trouver des solutions adaptées face à ces phénomènes, sinon l’utilisation abusive d’insecticides (allant parfois jusqu’à des risques d’intoxication humaine).

 

La piste guyanaise

La Guyane présente des similitudes de conditions climatiques avec le Bénin. Ces régions tropicales présentent des courbes de températures maximales et minimales ressemblantes. Ainsi, pour développer sa culture de tomate, le Bénin pourrait s’inspirer des pratiques du département français d’Outre-mer. Il est ainsi préconisé de disposer d’abri en plastique léger, pas très large, aéré sur les côtés. Ce dispositif vise à protéger les tomates de la pluie. Les aérations latérales permettent d’empêcher l’augmentation de températures sous abri. Si le modèle guyanais semble « calquable » au Bénin, un handicap de taille vient fausser la donne, celui des investissements. Il reste très lourd pour ce pays pauvre, où, de surcroît, la main-d’œuvre n’est pas spécialement qualifiée. D’où l’intérêt de passer à un calendrier de trois cultures de tomate par an, en hors-sol sur substrat, avec des variétés adaptées aux températures élevées. Les grands domaines du Sénégal qui utilisent des abris-filets offrent aussi une piste intéressante pour limiter la pression des ravageurs et contenir les températures sous abris. Mais les précipitations, six fois supérieures à Cotonou, par rapport à Saint-Louis du Sénégal, apportent un bémol.

A savoir

En chiffres

Production en 2014

400 572 tonnes de tomates produites (contre 143 312 t en 2005)

45630 hectares consacrés à la tomate (contre 28 344 ha en 2005)

0,88 kg/m2 de rendement

30 à 40 % de la production de tomates seraient perdues en période d’abondance

Entre 35 000 et 45 000 agriculteurs produiraient de la tomate (estimation)

Rédaction Réussir

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